▪ Le CAC 40 a préservé les 3 804 points (son plancher du 31 décembre 2010 et du 10 juin 2011) in extremis… mais il dévissait de 30 points supplémentaires mercredi soir en transactions hors séance, testant la zone des 3 775 points.
Si le CAC 40 confirmait ce jeudi la cassure des 3 800 points, ce serait comme si un boulet de canon pulvérisait la frêle pellicule de glace qui recouvrait un océan de dettes souveraines en décomposition.
Les patineurs se retrouveraient précipités dans l’eau glacée en même temps que le CAC 40 s’enfoncerait vers les 3 700 (plancher de la mi-mars) puis 3 600 points (plancher de fin novembre 2010).
Pour Wall Street, le scénario d’une septième semaine de baisse consécutive est déjà une réalité. A la mi-séance hier, le Dow Jones (-1,5%) dérivait sous les 11 900 points, le S&P dévissait de 1,7% et le Nasdaq perdait 1,6%, sous les 2 635 points.
▪ Le discours bien rôdé concernant l’invulnérabilité des actions aux aléas conjoncturels du fait de leur profitabilité record cède la place à des fragments d’argumentaires baissiers teintés de sinistrose.
Et si toute la hausse des marchés n’avait reposé que sur les injections de fausse mornifle de la Fed ?
Et si la hausse exponentielle des bénéfices des entreprises provenait de juteuses opérations de trésorerie et de rachats de titres, plutôt que de l’activité correspondant à leur raison sociale ?
Et si le rebond boursier ne résultait que d’une vaste manipulation des cours, surfant sur le suivisme militant d’opérateurs qui ont abdiqué leur libre arbitre au profit de programmes de trading informatisés fonctionnant à la milliseconde (entérinant le triomphe du degré zéro de l’anticipation en matière économique boursières) ?
Et si les sept semaines de repli — un scénario sans précédent — s’achevaient par une capitulation hyper-massive et généralisée des indices ?
Et si les marchés jouaient seulement à se faire peur ?
Ils ont de sérieux motifs pour cela, compte tenu de la matérialisation de gros écarts à la baisse (-1,7% en moyenne en Europe) dans des volumes plus étoffés (3,5 milliards d’euros échangés à Paris). Il y a aussi et surtout l’indice VIX du stress boursier qui a allègrement franchi la barre symbolique des 20 points. Il explosait à la hausse de +16% mercredi vers 20h, alors qu’il s’était sagement replié sous les 18,25 la veille.
▪ Les opérateurs avaient accueilli mardi le recul de 0,2% des ventes de détail avec une certaine sérénité. Il n’en est pas allé de même hier avec la publication d’un très mauvais « Empire State » (indice d’activité de la Fed de New York) : il ressort à -7,8 ce mois-ci contre 11,9 en mai — bien loin des 12 anticipés par les économistes.
Cet indice n’était plus retombé en dessous de zéro depuis novembre 2010 ! Il y a pire : le sous-indice des nouvelles commandes et des livraisons évolue désormais en-deçà de zéro, celui de l’emploi plonge de 24,7 vers 10,2 et l’indice des conditions d’activité à un horizon de six mois dégringole de 52,7 vers 22,5.
Parallèlement, de nouveaux chiffres immobiliers venaient confirmer la rechute de l’activité à des niveaux plus observés depuis neuf mois.
De quoi remettre en cause l’optimisme inoxydable affiché de début janvier à fin avril dernier. Et cette fois-ci, pas de hausse miracle de Wall Street (après un petit trou d’air initial) liée au renforcement des anticipations de mise en place d’un QE3 : les marchés semblent avoir abandonné ce genre d’espoir.
Les spécialistes des matières premières sont en train de passer en mode capitulation. Le baril de pétrole a plongé de 5% vers 94,5 $ sur le NYMEX. Le rebond de 2% du dollar — au-delà des 1,42/euro — trahit un débouclement massif du carry trade euro/dollar.
▪ L’aversion au risque ressurgit alors que la question du sauvetage de la Grèce divise plus que jamais les protagonistes du dossier.
Après six heures de réunion marathon (c’est de circonstance !), les ministres des Finances de la Zone euro ne sont pas parvenus à un aucun accord pouvant déboucher sur la mise en place d’un nouveau plan d’aide — d’un montant estimatif de 105 milliards d’euros. Cela faute d’engagement des créanciers du secteur privé en faveur d’un « soutien volontaire » au Trésor grec lors de futures émissions obligataires.
Ce sont d’ailleurs les craintes de faillite avérée de la Grèce qui ont conduit Moody’s à placer sous surveillance — avec implication négative — les notes du Crédit Agricole et de BNP Paribas (-2,5%), ainsi que de la Société Générale (-2,6%).
Trois banques grecques ont également vu leur notation abaissée de trois crans à CCC, ce qui équivaut à prononcer leur insolvabilité imminente. Cela ne peut qu’accélérer les retraits des épargnants et les transferts des avoirs à l’étranger, synonymes de volatilisation de leur fonds propres.
Nous pénétrons de plain-pied dans l’antichambre de la crise systémique ; le point de non-retour pourrait être atteint avant le week-end.
La journée des « Quatre sorcières » s’annonce sous les plus sombres augures. Les fans de Nouriel Roubini commencent déjà à écrire la nécrologie de la Zone euro…