▪ Il y a 48 heures, les chiffres venus de Chine auraient provoqué la panique. L’indice PMI manufacturier grimpe à 55,2 en novembre contre 54,7 en octobre : c’est encore une fois supérieur aux estimations et cela n’aurait pas manqué d’alimenter les spéculations sur une hausse de taux visant à calmer la surchauffe et contenir l’inflation.
Changement d’ambiance mercredi matin : les investisseurs sont tout heureux de constater que la croissance chinoise se porte comme un charme. Cela soutenait les valeurs industrielles cycliques et toutes celles liées aux matières premières (mines, produits de base, raffinage), avec en prime une hausse de 3% du pétrole, à 86,65 $ sur le NYMEX.
Wall Street applaudit cette envolée du baril. Pour une fois, elle ne constitue pas la contrepartie mécanique de la baisse du dollar, bien au contraire : le billet vert est en effet à son zénith des trois derniers mois face à un panier de devises depuis près d’une semaine.
▪ Les acheteurs parient sur une accélération de la croissance aux Etats-Unis au premier semestre 2010 à 2,7% en rythme annuel (contre 2% au début de l’automne). Il est difficile pour les conjoncturistes d’exclure le « QE2 » de la Fed de leurs calculs jusqu’au mois de juin prochain.
Leurs prévisions plus optimistes sont étayées par une série de chiffres publiés ce mercredi : les créations d’emplois ont bondi à +93 000 dans le secteur privé selon l’enquête ADP portant sur le mois de novembre. Il s’agit du score le plus élevé aux Etats-Unis depuis le mois de novembre 2007… ou même octobre 2010 (après révision de +43 000 à +82 000 nouveaux jobs).
D’après les dernières estimations du département du Travail US, la productivité a augmenté de 2,3% en rythme annualisé (au lieu de 1,9% annoncée en première estimation) au troisième trimestre. Le nombre d’heures travaillées — un indicateur fondamental selon nos propres critères — est ressorti en hausse de 1,4%, révisé d’après d’une estimation initiale de 1,1%.
Si cette tendance se confirmait au quatrième trimestre, nous serions le premier à reconnaître que le scénario d’un « double creux » est bel et bien caduc pour l’année en cours. Mais dans ce cas, à quoi sert le « QE2 », sinon à permettre aux établissements financiers de gonfler les bulles d’actifs les unes derrière les autres !
Et si la croissance dépasse effectivement 2,5%, les taux courts peuvent-ils demeurer éternellement voisins de 0,1 à 0,5% sur des échéances de un mois à deux ans ? Et que dire des taux longs qui stagnent autour des 2,8% malgré la récente chaude alerte sur les muni-bonds US — qui inspirent tout autant confiance aux créanciers que des emprunts irlandais avant le plan de sauvetage du week-end dernier…
Les mauvaises nouvelles de l’été et du début de l’automne — qui ont servi d’alibi à la mise en place controversée du « QE2 » — ont donc constitué le principal carburant pour Wall Street à la hausse. Comment les marchés américains réagiront-ils à de bons chiffres entraînant une inéluctable remontée des taux d’intérêt ?
▪ Après le test d’importants supports mardi soir, les principaux indices américains ont engrangé 2,2% en moyenne mercredi soir (2,2% pour le S&P et 2,27% pour le Dow). Le Nasdaq a ouvert un gros gap au-dessus des 2 510 et grimpé de 2,05%, à 2 250 points. Toutes les pertes de trois précédentes séances sont effacées ; le zénith annuel de clôture des 2 580 points du 8 novembre n’est plus qu’à 1% des niveaux de clôture de ce mercredi.
Plus qu’un tout petit effort ce jeudi et le retracement des plus hauts sera acté avant les chiffres officiels de l’emploi attendus vendredi : un petit Noël avant l’heure pour les investisseurs…
▪ Si Paris a fait pâle figure avec ses +1,6%, l’Euro-Stoxx 50 a bondi de 2,8% dans le sillage de Madrid. La place espagnole s’est envolée de 4,5% après l’annonce de nouvelles mesures d’austérité et la vente d’actifs (concessions aéroportuaires, loto, patrimoine immobilier) appartenant au secteur public.
Mais la bourse qui semble continuer de défier la gravité, c’est Francfort. Avec un score de +2,65% mercredi, le DAX 30 gagne 0,6% en cinq séances tandis que Paris cède encore 2,1%. Le différentiel de performance semble se creuser inexorablement de part et d’autre du Rhin au fil des mois et des trimestres.
Le CAC 40 perd 6,75% depuis le 1er janvier ; le DAX en gagne 15%. L’écart s’est encore accru de 10% depuis le 1er septembre, passant de 12% à 22% en faveur de Francfort.
S’il n’y a pas le moindre message macro-économique derrière ce genre de phénomène, il faut vraiment accorder aux arbitragistes une influence de premier ordre sur le plan technique.
La méforme du secteur bancaire au sein du CAC 40 serait-elle à élever au rang de véritable malédiction ? Nous ne croyons pas que nos quatre mousquetaires (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, Natixis) soient les seuls responsables de la déroute tricolore face à la charge héroïque des valeurs germaniques.
Nous soupçonnons ceux qui privilégient systématiquement la bourse de Francfort de jouer autre chose que la bonne fortune (et les futurs dividendes) des groupes industriels allemands… Il est difficile de le formuler de façon très explicite mais cela pourrait s’apparenter à un pari sur une reconfiguration monétaire de la Zone euro.