Le « peuple » serait-il en train de perdre confiance dans la sagesse infinie de ses décideurs ?
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! Vous n’avez rien à perdre que vos chaînes. » – Karl Marx
Cette semaine, à Davos, nous avons eu droit à un véritable joyau. Les élites commencent à s’inquiéter d’une révolte des masses. C’est ce que rapporte CNBC :
« Selon Oliver Bäte, PDG d’Allianz, le détachement croissant entre les dirigeants politiques et les populations représente le plus grand risque en cette année électorale chargée.
Le baromètre des risques d’Allianz publié ce mois-ci indique que le risque politique a déjà atteint son plus haut niveau depuis cinq ans en 2023, une centaine de pays étant considérés comme exposés à un risque élevé ou extrême de troubles civils.
Interrogé en marge du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, sur ce qu’il considère comme le principal risque mondial actuel, M. Bäte a souligné mardi le manque de confiance des populations à l’égard de leurs gouvernements dans les principales démocraties… »
Pourquoi le peuple pourrait-il perdre confiance en ses décideurs ?
Ce qui a mal tourné au XXIe siècle est en train de devenir un sujet populaire pour les historiens. Voici ce que rapporte Ed Snowden, aujourd’hui « en cavale » à Moscou :
« Si je devais expliquer comment le siècle américain s’est effondré en trois points seulement, je dirais : * L’appauvrissement du travailleur par l’élimination des syndicats et la délocalisation * La libération de l’Etat par l’abandon de l’étalon-or * L’effacement continu des libertés essentielles après le 11 septembre. »
Privilège exorbitant
Nous donnerons à Snowden la note de 2 sur 3, ce qui n’est pas mal.
La fin de l’étalon-or a permis aux dépenses publiques, à la dette et aux projets farfelus d’augmenter considérablement. Et il a raison de dire que les autorités fédérales ont profité de la peur de la population, après le 11 septembre, pour s’emparer de plus de pouvoir avec le Patriot Act.
Le démantèlement des syndicats et les délocalisations ont également pu contribuer à la baisse des rémunérations des classes laborieuses, mais la véritable source des problèmes était l’argent fictif lui-même. Plutôt que de fabriquer des produits et de commercer avec d’autres producteurs, les Américains pouvaient acheter à crédit.
C’est l’avantage de ce que Giscard d’Estaing a appelé le « privilège exorbitant », soit de posséder la monnaie de réserve mondiale. Après 1971, les autres pays ont adopté le papier vert américain et l’ont traité comme de la vraie monnaie.
Mais il y avait un gros inconvénient. La situation était similaire à celle de l’Espagne après que les conquistadores se soient emparés de l’or du Mexique et du Pérou. Des navires chargés d’or arrivaient dans les ports espagnols. Les Espagnols étaient riches. Voici un extrait de notre livre, L’Empire de la dette :
« L’argent facile provenant des nouveaux territoires a sapé l’industrie honnête. Dans l’économie de bulle du début du XVIe siècle, l’Espagne a développé un déficit commercial similaire à celui des Etats-Unis aujourd’hui. Les gens prenaient leur argent et achetaient des marchandises à l’étranger. Lorsque l’exploitation des mines du Nouveau Monde s’est arrêtée, les Espagnols étaient en faillite. Le gouvernement espagnol a fait défaut sur ses emprunts en 1557. 1575, 1607, 1627 et 1647. »
Des mains avides
Une économie honnête fonctionne lorsque les gens échangent des biens et des services contre de l’argent… et utilisent cet argent pour acheter des biens et des services à d’autres. Tous s’en trouvent mieux, ensemble. Si l’on altère l’argent, on altère l’ensemble de ce système de transaction et on altère la relation entre les acheteurs et les vendeurs. Certaines personnes n’ont plus besoin de donner pour recevoir… il leur suffit de mettre la main sur cet « argent » bon marché.
L’argent frais, créé par la Fed, est passé par Wall Street. Une grande partie est restée entre les mains de personnes avides.
Il n’est donc pas surprenant qu’entre 2009 et 2023, le détenteur d’un fonds spéculatif, d’une IPO, d’un SPAC, de capital-risque ou d’un simple portefeuille d’investissement ait vu ses actions augmenter de 87% après inflation. Le pauvre travailleur, quant à lui, a placé ses économies sur un compte bancaire, n’a perçu pratiquement aucun intérêt… et la valeur réelle de son argent a chuté de 45%.
Aujourd’hui, la monnaie américaine s’épuise elle-aussi. Les autorités fédérales peuvent encore l’imprimer, mais l’inflation est là. Plus d’impression entraîne une hausse des prix et des taux d’intérêt.
Aujourd’hui, les travailleurs du monde entier perdent confiance en leurs dirigeants. Pourquoi ? Parce que les décisions prises par les décideurs sont incroyablement mauvaises. Irak, Afghanistan, Patriot Act, sauvetage de Wall Street, politique de taux d’intérêt à zéro pendant 10 ans, mesures de relance, blocages, loi sur la réduction de l’inflation… Dans tous les cas, il aurait été de loin préférable de ne rien faire.
Et grâce à cet activisme détraqué, en 2024, les autorités fédérales ont ajouté 29 000 milliards de dollars à la dette nationale américaine.
Les élites sont-elles stupides ? Pourquoi ont-elles pris tant de mauvaises décisions ?
Corruption du pouvoir
Nous avons déjà enfoncé ce clou à maintes reprises, mais nous allons encore le frapper aujourd’hui. L’avenir est imprévisible. Mais les événements suivent des schémas.
Le pouvoir corrompt, comme nous le rappelle Lord Acton. Il y a toujours une élite qui prend le contrôle d’une société. Au fil du temps, ces « décideurs » intelligents trouvent des moyens de rendre leur vie plus riche… plus sûre… ou plus illustre.
Les guerres sont nocives pour le peuple. Mais elles sont très appréciées par l’industrie de la puissance de feu, qui en tire des milliers de milliards de dollars. Les dépenses à outrance n’aident guère l’homme de la rue… mais ils font le bonheur des parasites, des escrocs et des initiés. Wall Street – et l’ensemble de la classe des investisseurs – ont gagné environ 30 000 milliards de dollars de « richesse excédentaire », grâce aux faibles taux d’intérêt de la Fed.
Mais qu’en est-il du peuple lui-même ? Pourquoi suit-il le mouvement ? Comment se fait-il qu’ils s’accroche désormais à deux échecs avérés, Biden et Trump ? Où sont les foules de lyncheurs ? Où sont les candidats qui promettent de vraies réformes ?
Chacun joue son rôle dans le glorieux théâtre de l’histoire. Le peuple, dans un empire défunt et dégénéré, a lui aussi son petit rôle. Il fait un « triomphe » à ses généraux incompétents. Il réélit ses politiciens abrutis. Il applaudit sa propre destruction et embrasse les bottes qui le frappent.