Le moment que nous avons tant attendu serait-il enfin arrivé ? La Fed aurait-elle changé de direction sans le dire ouvertement ?
Nous reviendrons plus tard sur l’annonce de la Fed d’hier. Car, déjà, il nous faut parler de l’événement le plus marquant de la semaine dernière : le « revirement camouflé » de la Fed, qui a pris une nouvelle ampleur. La Fed a entrepris de renflouer les gros épargnants de plusieurs banques en faillite.
La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) garantissait déjà les dépôts des petits épargnants, jusqu’à 250 000 $. Désormais, la nouvelle soupe de lettre – BFTB ou quelque chose du genre – va s’occuper des comptes des gros épargnants. En d’autres termes, c’est tout le système bancaire qui va être nationalisé.
Enfin, pas vraiment. Les pertes seront nationalisées. Les profits resteront dans les poches des banquiers.
Comment cela fonctionne-t-il ? Richard Russell nous l’explique :
« Les autorités fédérales américaines contrôlent les banques en grande partie. Elles contrôlent le marché obligataire en grande partie. Elles contrôlent la Bourse en grande partie. Elles peuvent provoquer des bulles spéculatives et les faire éclater. Mais il leur est impossible de faire ces choses et, simultanément, de contrôler la valeur de l’argent. Le dollar est la valeur sous pression. Le couvercle qui repose sur le billet vert saute quand le système nécessite une réinitialisation. »
Les portes de l’enfer
Ces derniers temps, nous avons vu que, lorsque les gens dépensent plus qu’ils ne peuvent se le permettre, les choses tournent au vinaigre. Soit vous vous retrouvez fauchés. Soit, si vous êtes un pays souverain dont la dette est libellée dans votre propre devise, vous « imprimez » plus de monnaie pour payer l’ardoise.
Il en résulte soit de la déflation (lorsque les prix baissent) ou de l’inflation (la valeur du dollar baisse). Le gouvernement peut protéger la monnaie (et les gens qui en dépendent) et advienne que pourra. Ou il peut imprimer et dépenser… provoquant la chute du dollar jusqu’aux portes de l’enfer.
La semaine dernière, ces portes se sont ouvertes encore un peu plus. De gros épargnants, qui ont subi des pertes lourdes, ont sollicité l’intervention de la Fed. La Fed aurait pu dire : « Vous avez demandé à ce que nous jouions ce morceau de musique, c’est à vous de danser. »
Ou elle aurait pu utiliser une métaphore moins festive : « Vous avez fait votre lit ; dormez-y. »
Le monde réel est rempli de vérités toutes simples de ce genre – un sou est un sou ! –, autant d’observations, de recommandations, d’enseignements qui nous permettent d’éviter certaines erreurs.
Mais les autorités vivent dans un monde fictif, fait de vœux pieux et d’illusions intéressées. Pendant plus de douze ans, ils ont encouragé les gens à dépenser leur argent, au lieu de l’économiser.
Les dés sont pipés
Naturellement, certains se sont retrouvés ruinés. Mais au lieu de reconnaître leurs erreurs, ils se sont dits : « OK, on va trouver une nouvelle musique… et changer le lit. Vous êtes surendettés. Nous allons vous en prêter encore plus… pour que l’arnaque puisse continuer. »
C’est ainsi que la Fed a géré toutes les crises depuis 1987. Elle a soutenu les marchés avec toujours plus de crédits… ce qui a engendré une accumulation de dette… A tel point qu’il est désormais impossible d’honorer les différentes dettes à des taux d’intérêt normaux.
Mais désormais, pour la première fois depuis 40 ans, la Fed ne se contente plus de gonfler la dette, de gaver l’économie et d’enrichir les riches, elle a entrepris de juguler l’inflation.
Oui, la roue a tourné. Jerome Powell n’est pas Paul Volcker. 2023 n’est pas 1979. Et la Fed n’ira pas jusqu’au bout de son combat contre l’inflation. Elle s’est aventurée trop loin sur les sentiers de la perdition. Elle ne peut rebrousser chemin. Par conséquent, quand les choses se corseront, elle abdiquera.
Les dés sont pipés depuis le début.
Pour commencer, le gouvernement américain ne fait même pas semblant de protéger le dollar. Il dépense de l’argent sans compter, dans le moindre programme à la mords-moi-le-nœud qui se présente. Il est prévu que le déficit s’établira à 1 700 Mds$ cette année, soit plus que l’intégralité du budget fédéral en 2002. Et le montant des intérêts sur la dette s’élève déjà à plus de 800 Mds$. Bientôt, il atteindra les 1 000 Mds$.
Toutes ces dépenses, largement supérieures aux recettes, sont inflationnistes.
Sous pression
La Fed également a déjà parcouru beaucoup de chemin avec son « revirement camouflé ». Il y a un mois, elle a discrètement changé les modalités de gestion de son portefeuille obligataire résultant de l’assouplissement quantitatif. Au lieu de laisser les obligations arriver à échéance (pour réduire la masse monétaire), la Fed a commencé à les refinancer, ce qui a contribué à accroître l’encours de dette porté à son bilan.
Cela a engendré une véritable frénésie sur Twitter. Le resserrement quantitatif a réduit le bilan de la Fed de 625 Mds$ depuis le début du programme, le 13 avril 2022. Puis, depuis le 1er mars 2023, le bilan de la Fed a augmenté de 299 Mds$. Ce sont donc 47% du resserrement quantitatif qui sont partis en fumée au moment où les premiers signes de crise sont apparus.
Et encore aujourd’hui, un an après le début du cycle de remontée des taux d’intérêt, le taux directeur de la Fed reste largement inférieur au taux d’inflation des prix à la consommation. Sur les deux dernières années, les prix à la consommation ont augmenté d’environ 7%. Le taux directeur de la Fed est inférieur à 5%. Il suffit de calculer. Les spéculateurs et les emprunteurs continuent de percevoir un rendement net de 2%.
C’est la raison pour laquelle la dette continue à augmenter. Que ce soit les ménages, le gouvernement ou les entreprises, toutes les catégories principales de la dette augmentent, ce qui accentue la pression sur le système.