▪ Après avoir rincé les acheteurs de la première heure le 11 juin puis de nouveau ce lundi 18 juin, les robots traders ont massacré les vendeurs qui ont « shorté » mardi matin en voyant l’euro rechuter sous les 1,26 $, peu après la publication du pire indice de confiance des milieux d’affaires allemands depuis 15 ans.
Car plus c’est pire, plus c’est bon pour la bourse… vous connaissez le refrain !
Pour savoir où va le marché, il suffit de formuler le bon diagnostic économique (et au besoin politique quand se tient un G20) — et de faire exactement le contraire de ce que la logique commande.
La récession se renforce, les déficits se creusent, les Européens se tirent dans les pattes : achat fort !
Les Grecs votent dans le sens souhaité par Bruxelles, l’Espagne se voit promettre 100 milliards d’euros pour sauver ses banques : vendez tout sans vous poser de question.
Si vous croyez qu’un renflouement du système financier ibérique va faire baisser les taux, achetez au contraire des CDS et liquidez de toute urgence vos derniers bonos. L’Espagne a dû offrir 170 points de base de plus que lors de la dernière émission du mois de mai (5,105% contre 3,3% pour des bons à échéance fin 2013) pour lever trois milliards d’euros… Et le comble, c’est que la Grèce a payé moins cher (4,5%) ce mardi pour se refinancer à 12 mois !
Si vous pensez que l’effondrement du moral des milieux d’affaires en juin en Allemagne (il est passé à 106,9, enregistrant la pire chute observée depuis octobre 1998) va faire rechuter l’euro sous les 1,25 $, empressez-vous de revendre vos billets verts ! En effet, si ça se passe mal en Europe, Ben Bernanke ne va pas tarder à débarquer avec son hélicoptère rempli de liasses de 100 $.
L’évolution des indices boursiers depuis 10 jours est à s’arracher les cheveux avec une succession de faux signaux techniques à la hausse comme à la baisse. Fausses dépêches, fausses rumeurs, fausses attentes, faux raisonnements… tout ne repose que sur de la fausseté dans ces périodes troublées où les marchés dansent au bord de l’abîme.
La dernière rumeur en date évoque un revirement de position d’Angela Merkel. Elle accepterait de voir la MES et le FESF racheter directement les dettes souveraines de pays en difficulté — pas besoin d’Eurobonds dans ce cas-là.
Si cette nouvelle est fondée, pourquoi avoir attendu si longtemps pour adopter cette solution ? Après tout, l’Europe n’a entre temps mis aucun nouveau mécanisme qui protègerait l’Allemagne (ou la France) d’un engagement illimité en matière de cautionnement des fonds de secours.
▪ Une autre rumeur a secoué les marchés
Pour en revenir à cette séance de mardi qui s’achève aux antipodes de ce que l’actualité aurait pu engendrer, l’autre rumeur évoquait la mise en oeuvre d’un QE3 ou une poursuite de l’opération « twist ». La remontée en flèche de l’euro vers 1,2700 $ après un passage à vide vers 1,257 $ lundi matin traduit potentiellement l’anticipation forcenée d’un recours à la planche à billets aux Etats-Unis.
Comme souvent, les mouvements de marchés anachroniques que nous décrivons donnent le sentiment d’avoir été programmés bien à l’avance. Ainsi, les places européennes gagnaient déjà 1,5% (contre -0,3% en milieu de matinée) alors que Wall Street n’affichait encore qu’une hausse de 0,6% vers 16h.
Comme de bien entendu, cet écart n’a pas tardé à doubler dans le cadre d’un mouvement ascensionnel d’une régularité 100% robotique : +1,2% à mi-séance. C’est là un écart moins appuyé qu’en Europe, mais les indices américains avaient pris une large avance la semaine dernière.
▪ Faillite ici… et faillite là
Certains commentateurs — qui adorent se moquer d’un public naïf — invoquaient l’imminence de la formation d’un nouveau gouvernement en Grèce… mais la nouvelle coalition attendue à Athènes pourrait ne voir le jour que d’ici vendredi d’après certaines sources proche des partis de gauche car les discussions achoppent sur l’exécution du plan d’austérité.
Nous ne comprenons pas de quoi ils peuvent bien débattre. Angela Merkel l’a réaffirmé sans aucune ambiguïté depuis le G20 de Los Cabos : Athènes doit appliquer l’austérité, rien que l’austérité, selon le calendrier fixé par la Troïka et qu’il est inenvisageable de renégocier.
La Grèce fera donc faillite, non pas avec une probabilité de 30% selon Fitch mais de 100% selon les stratèges obligataires qui gèrent la future retraite des Américains. Partant du constat que l’Espagne est insolvable, ils ont également fait le ménage et ne détiennent plus de dette ibérique.
A quand le constat de la faillite ? Facile ! Dès qu’une Troïka aura été dépêchée auprès du gouvernement de Mariano Rajoy.
▪ La Fed à la rescousse
Mais les marchés sont convaincus que cela n’arrivera pas ! Si l’Europe est incapable de trouver des solutions depuis trois ans que dure la crise grecque, si la BCE n’achète plus de dette souveraine depuis trois mois (elle a raison : elle ne sera pas remboursée si la seule stratégie est celle de l’austérité)… alors un bon coup de planche à billets de la part de la Fed va résoudre tous les problèmes.
Wall Street l’exige, les détenteurs d’actions européennes l’implorent dans leurs prières, alors Ben Bernanke va s’exécuter, le petit doigt sur la couture du pantalon.
Mais un détail nous trouble : les indices américains se retrouvent — à conditions de croissance comparables — 30% au-dessus de leurs niveaux de fin août 2010, lorsque les premières anticipations de QE2 ont commencé à circuler.
Wall Street avait entamé son rebond après avoir reperdu 15% sur ses sommets. Aujourd’hui, les trois principaux indices américains gravitent à moins de 4% de leurs sommets annuels. Le Dow Jones tutoie les 13 000 points et le S&P égale son zénith de mai 2011 (1 365 points) — alors que les bénéfices des entreprises US sont attendus en net repli par rapport au printemps dernier comme par rapport au premier trimestre 2012.
Autrement dit, il y a moins de croissance et moins de profits qu’il y a un an… mais le marché américain se paye plus cher : c’est d’une logique imparable !