Les cycles naturels se font toujours en deux temps – un va-et-vient que rien ne peut perturber… pas même 50 Mds$ de fausse monnaie.
Les places boursières continuent de chuter.
« Le Dow a baissé parce que le marché a décidé qu’il ne pouvait plus fermer les yeux sur le commerce », déclare Barron’s.
Même la Banque centrale européenne (BCE) a averti les investisseurs que les prix des actions US « semblaient détachés de leurs fondamentaux sous-jacents ».
C’est le moins qu’on puisse dire.
Comme un auto-stoppeur égaré
C’est le principe même de la financiarisation : séparer l’industrie financière et l’économie réelle, ce que tant la Fed que la BCE font depuis des années.
C’est pour cette raison que les riches deviennent bien plus riches tandis que les classes moyennes luttent pour faire simplement du surplace.
Et plus les prix s’éloignent de l’économie qui les soutient, plus ils risquent de mourir dans les bois, tels un auto-stoppeur égaré.
Le risque de krach est impossible à calculer de manière précise ou fiable. Pour ce que ça vaut, cependant, nos indicateurs sont au rouge. Si nous étions en voiture, nous nous garerions sur le bas-côté et ouvririons le capot.
Nous y trouverions une guerre commerciale, une politique en lambeaux, des valorisations gonflées et peut-être même une courbe des rendements inversée. Nous pourrions voir des câbles déconnectés, des tuyaux percés et des rouages brisés.
Mais le marché boursier n’est pas une machine ; on peut le ralentir mais non l’accélérer. Et on ne peut pas le réparer.
Crainte et avidité
Aujourd’hui, nous refermons le capot. A la place, nous sortons par une nuit tiède… et observons les marées.
Parce que le monde de l’argent n’est pas un monde de mécaniciens ; c’est un monde de poètes. Un monde dominé par les sentiments, l’ironie, l’ambiguïté… et le clair de lune.
Il est aussi dirigé par deux émotions principales : l’avidité et la crainte. Soit les gens veulent en avoir toujours plus… soit ils ont peur de terminer avec moins.
Comme une gigantesque marée, le sentiment d’avidité flotte sur une mer de liquidités et d’espoir, tandis que la crainte s’intensifie à mesure que les liquidités reculent et que le désespoir s’installe.
Généralement, lorsque les investisseurs sont d’humeur avide, ils achètent des actions – surtout dans de nouvelles entreprises innovantes, où les profits qu’ils pourraient gagner « grimpent jusqu’au ciel ».
Ensuite, lorsque le ciel leur tombe sur la tête, la marée se retire et ils commencent à avoir peur. Ils se réfugient alors dans les obligations… l’immobilier… le cash… et, finalement, l’or.
Un cycle identique domine la vie elle-même. Boom… puis krach. Avidité… puis crainte.
Un jeune homme est avide de nouvelles choses… nouvelles expériences… nouvelles richesses. Il peut se permettre de se tromper – et même de perdre tout son argent, par exemple. Il a besoin de commettre des erreurs ; cela lui enseigne des choses.
Un homme plus âgé, hélas, ne peut pas prendre de tels risques. Il est comme le vieux singe qui ne veut plus apprendre de nouvelles grimaces ; cela pourrait être douloureux.
Il y a un moment pour être hardi… et un moment pour l’être moins. Lorsqu’on perd son épargne retraite à 55 ans… on a beaucoup de mal à s’en remettre.
Les jeunes gens peuvent essayer de nouvelles choses, de nouvelles modes et de nouvelles technologies, mais un vieillard s’en tient à ce qu’il connaît.
Il est tout à fait satisfait d’écouter les classiques et de porter les vêtements qu’il a achetés il y a 30 ans. Il voyage en Harley. Les jeunes hommes préfèrent des Honda, des Yamaha et des KTM.
De la pollinisation à la prédation
Hé mais… qui voyons-nous là ? Un récent sondage Gallup nous informe que même les jeunes commencent à devenir craintifs. Ils ne font plus confiance au capitalisme libre, à l’esprit d’entreprise et à une économie ouverte.
Les millennials (âgés de 22 à 37 ans) ont déclaré aux sondeurs qu’ils se satisferaient tout autant du socialisme que du capitalisme. Jusqu’à présent, les Américains de tous âges préféraient la liberté (c’est du moins ce qu’ils disaient). A présent, ils veulent plutôt la protection.
Les plus vieux affirment encore soutenir le capitalisme. Mais même eux veulent désormais qu’on subventionne leurs pilules et qu’on nationalise leur médecine. Dans le Financial Times :
« Une majorité d’Américains est désormais non seulement pour un système de santé universel… mais un système dans lequel tout le monde est couvert par un plan gouvernemental ».
De l’avidité à la crainte… de gagnant-gagnant à gagnant-perdant… de la vie à la mort. Ou, comme l’a formulé l’un de nos lecteurs, « de la pollinisation… à la prédation ».
Parfois, l’on se sent optimiste, plein d’espoir et prêt à donner quelque chose en l’échange d’autre chose. Parfois, on ne veut pas prendre ce risque.
Tout, dans le monde naturel, va et vient. Cela a toujours été le cas, même si nombre de personnes ont tenté de l’empêcher.
Xerxès Ier a demandé à ses hommes de fouetter la mer ; l’Hellespont a continué de lui résister. Le roi Knut, plus sage, a démontré à ses courtisans qu’il ne pouvait commander aux marées.
Il est très peu probable que Powell/Trump et co. aient plus de succès. Tromper les marées à l’aide de taux négatifs ? Inonder les marchés avec encore plus d’assouplissement quantitatif (QE) ? Ils peuvent dire et faire ce qu’ils veulent.
« Allez vous faire f*** », répondent les marées.
Naufrage en vue
Et là, cher lecteur, retenez votre souffle. Non à cause du langage grossier des flots indomptés, mais devant l’ampleur du naufrage en vue.
Depuis 2009, quelque 50 000 Mds$ sont venus affluer dans la richesse des ménages américains – en majeure partie dans les actions, les obligations et l’immobilier… principalement vers les ménages les plus riches.
Quelles sont les chances que les marées se soient arrêtées… et que ces 50 000 Mds$ ne bougent plus ?
Demain, nous examinerons le chiffre le plus important de la finance – le ratio avidité/crainte –, et nous verrons où nous en sommes dans le cycle.
Le moment est-il venu de prendre un risque qui nous mènera à la fortune ? Ou bien cela échouerons-nous dans les bas-fonds, où nous passerons le reste de notre vie dans le malheur ?