▪ Nous avons commencé à explorer hier les alternatives au bail-out pour les banques en difficulté. A ce sujet, les débats entre la Commission européenne et le régulateur sur les moyens de renforcer la stabilité et la sécurité des banques ont pris des allures d’affrontement ces dernières semaines.
La Commission considère qu’elle renforcera la solidité du système bancaire en interdisant les activités spéculatives les plus risquées qui ne serviraient à rien dans l’économie… et en filialisant les activités de marché, lorsque certaines normes de risque sont dépassées durablement — sauf si la banque démontre que ses activités ne posent cependant pas de risques pour la stabilité financière.
On ne peut pas isoler aussi simplement du reste de la banque « universelle » un certain nombre d’activités de marché utiles aux agents privés : activités de tenue de marché, de compensation, de couverture de certains risques à partir d’instruments dérivés.
▪ Comment définir la frontière entre la couverture d’un risque et la spéculation ?
Par ailleurs, une banque commerciale doit pouvoir utiliser pleinement les marchés financiers : utiliser ses excédents de liquidités non-employés en crédits commerciaux à la clientèle ; vendre des produits dérivés aux clients de la banque pour que ceux-ci couvrent leurs risques financiers dans des conditions de liquidité correctes.
Le vrai débat n’est plus aujourd’hui de savoir s’il faut scinder les activités bancaires et remettre en cause le modèle de banque universelle |
Le vrai débat n’est plus aujourd’hui de savoir s’il faut scinder les activités bancaires et remettre en cause le modèle de banque universelle. Pour bien comprendre les évolutions des dispositifs de sauvetage des banques, il faut aussi suivre les évolutions institutionnelles pas toujours très clairement présentées. Tout particulièrement le futur fonctionnement du Mécanisme de résolution et du fonds associé.
Quel est ce machin dont vous entendez souvent parler sous le sigle SRM (single resolution mechanism) ou MRU (mécanisme de résolution unique) ?
En fait, les compétences de restructuration et, le cas échéant, de liquidation bancaire sont transférées du niveau national au niveau européen. La gestion des crises bancaires serait indépendante de la nationalité de la banque concernée.
Cette rupture du lien des banques vers les Etats serait donc facilitée par l’absorption quasi-exclusive des pertes par le secteur privé (bad bank, bridge bank, dépréciation d’actifs, bail-in…).
On ne sait cependant pas encore résoudre — répression financière oblige — le lien des Etats vers les banques. En effet, les banques d’un Etat ont été poussées à souscrire à la dette nationale. Donc si les emprunts d’un Etat sont attaqués, les banques qui en ont subissent des pertes importantes.
Il n’y pas d’unité européenne sur ce sujet. L’Allemagne souhaite conserver la tutelle de son réseau de ses caisses d’épargne, les Sparkassen, et de ses banques coopératives ; de plus, l’Allemagne ne souhaite pas mobiliser d’argent de ses contribuables au niveau européen sans l’accord préalable du Bundestag
▪ D’où vient l’argent de ce fonds de résolution ?
Ce fonds devait être constitué sur 10 ans à horizon 2025 ; à cette date, les ressources financières disponibles devront avoir atteint 0,8% des dépôts garantis de toutes les institutions de crédit de chaque pays, ce qui fait 55 milliards d’euros.
En fait, le Parlement européen a obtenu que le délai de constitution de ce fonds soit raccourci de 10 à huit ans, avec une accélération de la mutualisation quant à sa constitution (40% l’année 1, puis 60% l’année 2, puis70% l’année 3 et le solde étalé sur cinq ans).
Les divergences de mise en oeuvre sont profondes |
Mais les divergences de mise en oeuvre sont profondes. Pour l’Espagne, l’Italie et la France, l’argent du fonds devrait être fourni par le MES puis abondé par les banques.
Pour l’Allemagne, il est hors de question que le financement-relais du fonds soit assuré par le MES. Il serait plus judicieux de mettre en place un réseau de fonds nationaux de résolution qui pourraient se prêter mutuellement en cas d’insuffisance de ressources nationales ici ou là.
La solution allemande privilégie donc une décentralisation du financement des mécanismes de résolutions bancaires. Mais les fonds de résolution nationaux ne pourraient voir le jour que grâce à des ressources budgétaires nationales. On reconnait bien là l’hostilité allemande à toute forme de mutualisation accélérée (comme pour lors des débats sur les fameux eurobonds, obligations européennes mutualisant le risque au sein de la Zone euro).
Suite et fin dès lundi…