Par Ingrid Labuzan (*)
"Il y aura encore des corrections à la baisse en Chine, la volatilité pourra tirer les valeurs vers le bas, mais c’est le moment d’investir. Nous pensons que la Chine a touché le fond au quatrième trimestre 2008 et va désormais se reprendre", annonce Lan Wan Simond, qui, depuis sa création, gère le fonds Greater China, chez Pictet.
Pour cette gestionnaire d’actifs, certains signes montrent même que la Chine pourrait se reprendre avant le reste de l’Asie, voire avant le reste du monde.
L’empire du Milieu est parvenu à se placer en pole position grâce à son ambitieux plan de soutien de l’économie. C’est, avec celui des Etats-Unis, le plus important plan de stimulus mis en place par un pays. Il représente 12% du PIB. "La Chine, qui n’avait pas de déficit budgétaire, s’autorise cette année un déficit de 3%, afin de relancer l’économie et la consommation", insiste Lan Wan Simond.
Le plan est de 4 000 milliards de yuans dont 1 800 sont consacrés aux infrastructures globales comme les autoroutes, les trains ou les aéroports, 370 aux infrastructures rurales et 1 000 aux reconstructions, après le tremblement de terre de mai 2008. Or une grande partie de ces travaux va justement commencer au deuxième trimestre 2009.
En quatre mois, entre novembre 2008 et février 2009, autant de crédits, principalement destinés à alimenter ces projets, ont été accordés qu’au cours du reste de l’année 2008.
Miser sur la consommation domestique
Ce coup de pouce pourrait relancer la machine économique, puis entraîner la consommation, car les Chinois, avec un taux d’épargne de 45%, l’un des plus élevés au monde, ont de l’argent disponible.
Les ventes de détail ne se sont d’ailleurs pas effondrées en Chine, perdant seulement 19% en 12 mois, au cours de 2008. "Nous misons de plus en plus sur des entreprises dont l’activité est centrée sur la consommation domestique. Nous avons sélectionné des sociétés qui fabriquent des produits utilisés au quotidien — par exemple, le fabricant chinois de l’équivalent des couches Pampers — ainsi que des entreprises du secteur de l’automobile, comme Dongfeng Motor."
En effet, le secteur chinois de l’automobile ne se trouve pas plongé dans le même marasme que celui des pays occidentaux. Il a, entre autres, bénéficié d’une mesure du gouvernement. Ce dernier a divisé par deux la taxe d’achat des véhicules de moins de 1,6 litre de cylindrée, ce qui a eu pour effet immédiat de redynamiser les achats.
Pour 2009, les prévisions de ventes de voitures en Chine sont de l’ordre de neuf millions, soit une hausse de 5% par rapport à 2008. Surtout, pour la première fois cette année, la Chine devrait se placer en première position mondiale en ce qui concerne le nombre de véhicules vendus.
Pour Lan Wan Simond, certains frémissements dans le secteur de l’immobilier laissent également entrevoir une sortie de crise. Une donnée importante lorsque l’on sait que l’immobilier représente 10% du PIB du pays. Jusqu’à présent, les prix à Shenzhen se sont effondrés de 40% depuis leurs plus-hauts. A Shanghai, en revanche, ils n’ont perdu que 15%.
Les bonnes nouvelles concernent le nombre d’invendus qui, à Pékin, représentent 13 mois et 15 à Shanghai. Or, au-dessous de 12 mois, le marché est considéré comme tendu et le secteur privé commence alors à y réinvestir. Pour l’instant, les investisseurs privés ne sont pas encore revenus sur ce secteur, mais il existe une légère reprise du côté du gouvernement.
Croire à nouveau dans les entreprises
Les entreprises chinoises ont été pénalisées par la chute des exportations. La balance commerciale chinoise est traditionnellement excédentaire de 40 milliards de dollars. En février, elle a véritablement plongé, pour n’atteindre que 4,8 milliards de dollars. En mars, une légère reprise s’observe toutefois, avec un excédent de 10 milliards de dollars. "Une balance commerciale de 40 milliards de dollars, c’était déséquilibré. La crise va permettre à la Chine de réduire sa dépendance envers le consommateur américain, qui est à bout de souffle", explique Lan Wan Simond.
Cette dernière insiste également sur les effets positifs de la chute des cours des matières premières pour les entreprises manufacturières. En moyenne, 70% de leurs coûts d’entrée sont liés aux importations de matières premières.
Pour la gérante de Pictet Greater China, le moment est donc opportun pour investir sur la Chine ainsi que sur Taïwan et sur Hongkong, également représentés dans ce fonds. Ce dernier a pour stratégie de se renforcer sur les sociétés de biens de consommation quotidienne. Il comprend entre 60 et 90 valeurs. L’année dernière, il a été fortement pénalisé par la crise, affichant un recul de 48%, quand son indice de référence, le MSCI Golden Dragon, perdait près de 47%. En revanche, en 2007, il affichait une hausse de 32,6%, contre 24,1% pour l’indice.
Prudence toutefois, car, bien que, depuis sa création en 2003, le fonds ait fait presque deux fois mieux que l’indice, il reste quand même négatif, à -6,34%.
Meilleures salutations,
Ingrid Labuzan
Pour la Chronique Agora
(*) Journaliste, Ingrid Labuzan est titulaire d’une maîtrise d’histoire, d’un master d’European Studies du King’s College London et d’un mastère médias de l’ECSP-EAP. Spécialisée sur le traitement de l’information et des médias étrangers, elle a vécu et travaillé pendant six mois à Shanghai. Elle a contribué à de nombreuses publications, dont le Nouvel Observateur Hors-série. Elle rédige désormais chaque jour la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.