Les actifs financiers (actions et obligations) n’ont jamais été aussi chers face aux actifs réels (or et matières premières) depuis 1925. Les « cygnes noirs » ou autres menaces planent.
Chaque année depuis 2014, je profite de la lecture du rapport annuel « In GOLD we TRUST » pour faire un point écrit sur l’or dans ces colonnes. Hier, nous avons vu que les actifs réels n’avaient jamais été si peu valorisés face aux actifs financiers mais que les menaces s’amoncelaient, notamment le « cygne blanc » d’une récession américaine.
Le cygne gris de la stagflation
Les dernières années ont enregistré « l’une des plus grandes expériences monétaires de l’histoire humaine […] dont l’issue reste incertaine ». Ce que l’Histoire nous a en revanche appris, c’est que « ni la politique économique consensuelle, ni les banques centrales ne peuvent contrôler la progression d’un mouvement d’inflation des prix [qui] se manifeste de manière inattendue et sur des périodes de temps réduites ».
Dans le cadre d’une récession économique, il est probable que la valeur du dollar US se contracte. Une telle situation vous rappelle peut-être la situation de l’année 2008, qui n’a pas été particulièrement favorable à l’or puisqu’elle a vu le cours du métal corriger d’environ 300 $, passant de plus de 1 000 $ au mois de mars à un peu plus de 700 $ en octobre.
Néanmoins, pour Stöferle et Valek, la situation serait cette fois différente. A l’époque prédominait la frayeur déflationniste avec « avant tout des inquiétudes en matière de liquidité » et la crainte que « pas assez d’argent ne soit imprimé. »
Or lors de la prochaine baisse, « les marchés pourraient arriver à une conclusion différente ». Cela serait « particulièrement probable » si « la confiance dans la capacité de la Fed à raviver l’économie avec un autre round de stimulus monétaire se mettait à fléchir avant même que de telles mesures ne soient mises en œuvre ».
En clair, si la Fed devait à nouveau intervenir, ce serait l’aveu que sa politique a échoué et elle ferait face à un problème de crédibilité.
Dans un tel scénario, tant les actions que les obligations risquent de perdre du terrain alors que les matières premières, les métaux précieux et les actions de sociétés d’exploitation minière devraient enregistrer d’excellents résultats.
Notons que Stöferle et Valek ne croient pas possible que la politique budgétaire puisse prendre le relais de la politique monétaire au travers d’une baisse de la fiscalité.
Pour eux, le parallèle entre Trump et Reagan est erroné : « alors que Ronald Reagan avait encore suffisamment de marge de manoeuvre au début de sa présidence pour alourdir le montant de la dette publique et baisser le niveau de la fiscalité, la plupart des munitions ont été tirées avant que Trump n’entre en scène ».
Et les auteurs de citer Woody Brock : « Lorsqu’il y a déjà trop d’encre rouge, Keynes ne fonctionne plus ». Arrive un stade où le montant de la dette est si élevé que le multiplicateur keynésien ne « produit » plus qu’une croissance anémique.
J’écris « produit » entre guillemets car les auteurs rappellent que : « croire aux effets positifs [du principe de multiplicateur keynésien] revient à croire qu’une dépense ou un investissement réalisé par un gouvernement de bureaucrates est plus efficace et profitable qu’une dépense ou un investissement réalisé par le secteur privé. Si cela était vrai, la Corée du Nord et le Venezuela seraient des îlots de prospérité ».
Stöferle et Valek avancent même qu’il faut distinguer entre « dette productive », « dette improductive » et « dette contreproductive ».
Or force est de constater que « l’accroissement explosif des niveaux de dettes [publique et privée confondues] depuis la fin de Brettons Woods a non seulement conduit à un ratio dette/PIB plus élevé, mais a également mené à bien plus de dette du mauvais type ».
Par ailleurs, une politique plus expansionniste sur les plans budgétaire ou monétaire ne permettrait que d’acheter un peu de temps supplémentaire puisque, comme l’a écrit Hyman Minsky : « la stabilité conduit à l’instabilité. Plus les choses deviennent stables et plus elles le restent longtemps, plus elles seront instables lorsque la prochaine crise frappera ».
L’or est-il dans une configuration similaire à celle de 1976 ?
Les auteurs reviennent sur un parallèle déjà évoqué dans les précédentes éditions de leur rapport. L’or connaît aujourd’hui une situation « similaire » à ce qui s’est produit entre 1974 et 1976, quand « l’or était survendu et que le dollar US s’appréciait significativement dans le contexte de deux années de désinflation couplées à une faible amélioration de l’environnement économique ».
Ils jugent frappantes les similitudes entre ces deux mouvements de « correction de milieu de cycle » qui se caractérisent par la même structure et la même profondeur », quoi qu’ils se distinguent significativement en termes de durée.
Que dit l’analyse technique ? Pour Stöferle et Valek, le fait que le plus bas de décembre 2016 à 1 123 $ soit plus élevé que le plus bas précédant à 1 046 $ en décembre 2015 est hautement significatif. Les auteurs confirment leur position de juin 2016 : « l’or est entré dans les premières phases d’un nouveau marché haussier ».
« Une potentielle récession américaine, qui conduirait invariablement à un demi-tour en matière de politique monétaire, représente le plus important catalyseur de la tendance future du cours de l’or. »
A court terme, il est néanmoins « tout à fait possible que le cours descende à nouveau en-dessous des 1 200 $ », ce qui devrait donner un « excellent point d’entrée » probablement « entre la mi-juin et le mois d’août ». Un rally qui débuterait dans la deuxième partie de l’année pourrait porter le cours de l’once autour de 1 500 $ à l’horizon du printemps 2018.
En conclusion, Stöferle et Valek conseillent de conserver de l’or en portefeuille tant que :
– « les niveaux de dettes ne seront pas devenus soutenables ou ne pourront être réduits de manière crédible
– la menace d’un retour de l’inflation ne sera pas devenue négligeable
– les taux d’intérêt réels ne seront pas à nouveau élevés
– la confiance dans les autorités monétaires ne sera pas à (juste titre) forte
– l’environnement politique ne sera pas stable et prévisible
– la situation géopolitique stable
– les marchés déréglementés par les gouvernements
– les législations fiscales simplifiées et le respect des libertés civiles garanti ».
Qu’en conclure pour vos placements ?
Stöferle et Valek sont-ils d’indécrottables goldbugs (vieux crabes inconditionnels de l’or) qui se complaisent dans un rôle de Cassandre permanents ?
Pour ceux que leurs considérations amusent plus qu’elles n’inquiètent, il semble qu’ils aient eux-mêmes répondu à la question en incluant dans leur rapport cette citation de Kierkegaard : « il arriva que le feu prit dans les coulisses d’un théâtre. Le bouffon vint en avertir le public. On pensa qu’il faisait de l’esprit et on applaudit ; il insista ; on rit de plus belle. C’est ainsi, je pense, que périra le monde : dans la joie générale des gens spirituels qui croiront à une farce ».
Maintenant, à vous d’apprécier les dires des bouffons !
[NDLR : en cas de nouvelle crise, les banques centrales seraient déconsidérées. Les actifs tangibles reprendraient alors le dessus sur les actifs financiers… Découvrez comment viser des plus-values considérables en vous plaçant dès maintenant sur cet actif tangible actuellement si convoité que certains l’appellent le nouvel « or blanc ». Cliquez ici pour en savoir plus.]