En Irlande, les problèmes du marché immobilier sont la conséquence directe et prévisible des politiques menées par la banque centrale et le gouvernement.
Voici un exemple issu du monde réel (et non une parabole, malheureusement) des conséquences inévitables lorsque les dangers de la théorie monétaire moderne (TMM) et du contrôle des prix sont ignorés.
David McWilliams est un journaliste économique irlandais et grand partisan de la TMM, qui confond souvent la création monétaire et l’épargne. Dans un article récent, il s’est penché sur la situation du marché immobilier irlandais, évoquant en particulier l’augmentation des coûts de construction et la nécessité d’accroitre l’offre de logements, tout en évitant soigneusement de mentionner les raisons fondamentales à l’origine de la hausse des prix et de la pénurie de logements en Irlande.
Deux banques centrales, deux politiques
Pour résumer, en substance, nous avons actuellement en Irlande deux banques centrales et un gouvernement qui suivent des politiques et imposent des réglementations aux effets opposés sur le marché.
La Banque centrale européenne (BCE), au travers de l’application de politiques inspirées de la TMM pendant près d’une décennie, cherche à gonfler la masse monétaire et donc à faire monter le niveau général des prix. Comme tous les penseurs économiques sensés le savent, cela a pour conséquence d’augmenter les prix de l’ensemble des actifs réels (y compris ceux des terrains et des matériaux de construction) et affecte également à présent les prix à la production et à la consommation.
Ces augmentations ont débuté avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, malgré les efforts récents des politiciens et des journalistes à travers le monde pour mettre l’inflation entièrement sur le dos de Poutine.
La Banque centrale d’Irlande (BCI) cherche pour sa part à faire pression à la baisse sur les prix de l’immobilier par le biais de réglementations encadrant les prêts hypothécaires. Ces réglementations ont été introduites après la crise financière mondiale de 2008, afin de freiner la croissance excessive du crédit qui alimentait la hausse des prix de l’immobilier.
Les faibles taux d’intérêt imposés par la BCE au début des années 2000 ont favorisé la formation d’une bulle immobilière en Irlande, qui a éclaté juste avant la crise financière mondiale.
Des freins sur les prix
Les réglementations applicables aux prêts hypothécaires ont été introduites en 2015 et ont connu diverses évolutions. Après la crise financière mondiale, une offre excédentaire importante de logements à vendre est apparue, faisant pression à la baisse sur les prix de l’immobilier et des loyers. Mais, à partir de 2014-2015, une remontée graduelle des prix et des loyers s’est amorcée, en particulier dans les grandes villes, indiquant de plus en plus clairement que les excès de la bulle spéculative avaient été corrigés.
En pratique, les réglementations relatives aux prêts hypothécaires ont pour effet de limiter la capacité d’investissement d’un groupe spécifique d’acquéreurs (les aspirants propriétaires et les investisseurs privés qui prévoient de financer à crédit leurs acquisitions immobilières), tandis que d’autres catégories d’acheteurs (ceux qui payent comptant sur leurs fonds propres et les fonds d’investissement) ne sont pas autant affectées.
[…]
La principale raison à l’origine de la pénurie de logements qui s’est développée au cours des dix dernières années est que la BCI a fait tout ce qu’elle pouvait pour freiner la hausse des prix de l’immobilier, sans se soucier du fait que les prix sont devenus inférieurs au coût de construction de nouveaux logements. Parallèlement, les coûts de construction ont augmenté en raison des politiques inflationnistes de la BCE inspirées par la TMM.
Entre-temps, le gouvernement irlandais a réagi au phénomène de hausse des loyers en délimitant en 2016 des zones tendues. […]
Les zones tendues ont été définies comme des zones délimitées (initialement les grandes villes, avant de s’étendre progressivement à travers le pays, d’une autorité locale à l’autre) où il existe une pression à la hausse significative sur les loyers, causée par une pénurie de logements (en grande partie causée par les réglementations imposées par la BCI en matière de prêts hypothécaires, comme nous le verrons plus loin).
Les augmentations de loyer ont alors été plafonnées à 4% par an (sur la base des loyers appliqués pour chaque logement en 2016, et non pas nécessairement du niveau des loyers sur le marché à la même époque). Cette règle devait initialement rester en vigueur pour une période limitée à quatre ans, mais elle a depuis été reconduite. La limitation dans le temps de cette mesure de contrôle des loyers et l’augmentation annuelle modeste qu’elle autorise étaient et restent clairement des moyens d’éviter que cette mesure soit contestée devant la Cour suprême.
La version la plus récente de ce règlement plafonne l’augmentation annuelle des loyers, soit à 2% par an, soit à la hausse de l’indice des prix à la consommation (IPC), le chiffre le plus bas étant retenu. Des partis politiques de gauche (dont certains restent nostalgiques du soi-disant miracle économique socialiste vénézuélien) préconisent un gel pur et simple des loyers pendant trois ans.
L’offre de logements disparaît
Ainsi, les règles de la BCI en matière de prêts hypothécaires ont essentiellement pour effet de limiter la capacité d’investissement d’un grand nombre d’acquéreurs potentiels sur le marché immobilier, les zones tendues visent à plafonner les loyers, et la BCE augmente allègrement la masse monétaire […], avec pour conséquence une envolée des coûts de construction au cours de la dernière décennie.
L’offre de logements, quant à elle, a lourdement chuté […] puisque, comme le savent tous les économistes sensés, chaque fois et partout qu’un prix maximum est imposé pour un bien ou un service à un niveau inférieur à celui que le marché libre aurait fixé, il en résulte une pénurie et/ou une baisse de la qualité. […]
La politique de la BCI est également largement responsable de l’augmentation des loyers au cours des dix dernières années. En essayant de limiter les prix auxquels les biens résidentiels peuvent être vendus, la BCI a dissuadé pendant des années les promoteurs immobiliers de construire davantage.
En empêchant tous ceux qui souhaitent acquérir leur logement d’accéder plus rapidement à la propriété (par le biais des règlementations relatives aux prêts hypothécaires), la BCI les a contraints à rester locataires. Et en empêchant les investisseurs privés d’acquérir des biens immobiliers résidentiels, la BCI a réduit l’offre de logements en location.
Il n’y a qu’une seule issue possible à la situation que nous venons de décrire : une pénurie de logements locatifs qui ne peut que faire davantage pression à la hausse sur les loyers.
Qui veut encore être propriétaire bailleur ?
Comme nous l’avons vu, le gouvernement a ensuite tenté de résoudre ce problème en créant des zones tendues où les loyers sont réglementés, ce qui a eu pour effet d’évincer du marché de nombreux propriétaires […], réduisant encore davantage l’offre de logements en location.
De plus, de nombreux propriétaires qui louaient à un prix inférieur à celui du marché en 2016 (et qui ont donc été piégés par l’indexation des augmentations de loyer à partir d’un niveau inférieur au marché) ont vendu leurs biens pour sortir du marché (réduisant l’offre de logements en location) ou se sont assurés d’appliquer la hausse maximale autorisée à chaque occasion. La réponse de la gauche était prévisible : interdire aux propriétaires de vendre leur bien, à moins qu’il reste occupé par les locataires en place.
Et nous n’avons même pas encore évoqué toutes les autres raisons qui poussent les prix de l’immobilier à la hausse, comme par exemple la TVA (13,5% du prix de vente sur les biens immobiliers neufs) ou encore l’insistance d’une partie de la population pour que l’eau soit fournie « gratuitement », c’est-à-dire sans frais pour le consommateur et financée à la place par le contribuable, et cela de façon illimitée.
Cela a eu indirectement pour conséquence d’obliger les promoteurs immobiliers à financer des coûts d’infrastructures accrus, qui doivent ensuite être répercutés sur les prix de vente pour les acheteurs de biens immobiliers neufs.
[…]
On a assisté à une évolution vers des programmes de construction à usage locatif qui ont rencontré une vive opposition politique et populaire de la part de ceux qui refusent ou ne peuvent pas comprendre que la situation actuelle est la conséquence directe et prévisible de la politique de la banque centrale et du gouvernement.
La seule chose que l’on puisse dire en défense du gouvernement actuel, c’est que les politiques krugmaniennes défendues par l’opposition sont bien pires, puisqu’elles consistent essentiellement à taxer, emprunter, imprimer et dépenser encore davantage sur des programmes de logement public. Encore une fois, lorsque la TMM et le contrôle des prix entrent en collision, il ne reste plus que des ruines.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.