▪ La semaine dernière s’était inaugurée sur un trou d’air de -2,5% (lundi et mardi) qui a ramené le CAC 40 au contact des 3 380 points.
Il y a eu la chute de Wall Street, motivée par le coup d’arrêt à l’embellie sur le marché du travail le 4 juin. En plus de cela, les investisseurs ont manifesté leur inquiétude de voir le couple franco-allemand se déchirer sur la façon de gérer la crise de la dette — notamment lorsqu’un partenaire rencontre des difficultés –, et de réduire les déficits budgétaires (et pas seulement en détricotant 50 ans d’acquis sociaux).
J.C. Trichet semble avoir réussi à calmer les esprits jeudi en réaffirmant que l’euro était solide et demeurait une devise de réserve crédible. Les investisseurs ont alors commencé à prendre en compte les avantages commerciaux induits par cette situation — tandis que les vendeurs à découvert soldaient leurs positions faute d’avoir pu précipiter le CAC 40 sous les 3 400, l’Euro-Stoxx 50 sous les 2 500 ou le S&P 500 sous les 1 050.
Même si la séance du vendredi 11 juin s’est terminée sur un gain de 1,1% à Paris (+2,85% en hebdomadaire), les investisseurs n’ont pas échappé à un nouveau suspense. Ils se sont fait peur entre 14h30 et 15h avec une sorte de répétition du sinistre scénario du vendredi 4 juin.
Les actions européennes sont retombées en moins d’un quart d’heure de +1,2% vers -0,3% (en moyenne) suite à la publication des ventes au détail américaines : elles chutent de 1,2% en mai, alors que le consensus Thomson Reuters tablait sur +0,2%. Le secteur automobile n’est pas seul en cause ; hors achats de véhicules neufs, les ventes ont baissé de 1,1% (contre un consensus de +0,1%)… et aucun secteur n’a été épargné.
Heureusement, l’indice de confiance du Michigan est ressorti 90 minutes plus tard en hausse de deux points, à 75,5 au lieu d’un score de 74 à 75 anticipé.
▪ La plupart des places boursières se sont emparées de ce prétexte, à l’exception de Francfort, qui s’effritait de -0,15%. L’indice madrilène IBEX, notamment, s’est envolé de 3,95% au lendemain d’une émission obligataire de 3,9 milliards de dollars qui a rassuré les créanciers de l’Espagne.
Wall Street se montrait paradoxalement moins enthousiaste. Il fallait cependant bien digérer les 2,75% gagnés le jeudi 10… et le S&P ou le Dow Jones ont consolidé symboliquement de -0,5% au maximum après une entame de séance très laborieuse.
Les indices américains ont gâché pratiquement toutes les occasions de rebond qui se sont présentées depuis le 21 avril dernier. Beaucoup de stratèges s’accordent à penser que ce cycle négatif ne sera cassé que si l’euro parvient à franchir durablement les 1,2150 $.
Le fléchissement de l’euro expliquait en tout cas pour une bonne part la rechute de 2,5% du pétrole. Rappelons que l’or noir demeure l’un des baromètres les plus fiables des anticipations de croissance aux Etats-Unis.
▪ Mais il existe d’autres indicateurs, beaucoup moins primitifs, qui nous semblent beaucoup plus précis et pertinents. Chaque trimestre, nous jetons un oeil attentif aux statistiques publiées par la Fed concernant les principaux flux financiers qu’elle supervise. L’endettement total des agents économiques américains (particuliers et institutionnels) a progressé de 3,5% en rythme annuel au premier trimestre 2010.
Ce mouvement est essentiellement imputable au secteur public : +18,5% pour l’Etat fédéral et +4,3% pour les collectivités locales, le tout financé à coup de nouveaux déficits. Les ménages ont en revanche réduit leur endettement de 2,4%, avec un recul de l’encours de crédits immobiliers de 3,8% et de crédits à la consommation de 1,8%.
En ce qui concerne l’épargne en actions, les ménages et les fonds de pension sont toujours vendeurs nets, à respectivement -125 et -135 milliards de dollars. Les brokers et primary dealers, partenaires privilégiés de la Fed, ont aussi réduit leur exposions au marché actions (- 77 milliards de dollars).
Les banques américaines n’ont émis « que » 37,3 milliards de dollars de nouvelles actions contre 358 milliards au trimestre précédent… Mais tous ces chiffres datent d’avant la correction de la mi-avril, quand l’opération coup de balai dans les portefeuilles a commencé.
Les ménages ont ainsi vu se volatiliser 390 milliards de dollars de richesses acquises au 31 mars ; ce montant atteignait 420 milliards de dollars pour les fonds de pension. La richesse nette des ménages américains se retrouve de nouveau 20% en dessous de son niveau d’avant la crise.
▪ La situation financière des entreprises est encore plus difficile. En effet, leurs récents rachats d’actions (soutien artificiel des cours sous la pression des fonds de pension et autres fonds souverains) ont ponctionné leurs fonds propres en pure perte. Par ailleurs, d’importantes moins-values continuent de s’accumuler pour leur immobilier commercial : 91,3 milliards de dollars au premier trimestre.
La richesse nette des entreprises cotées a reculé de 15% au premier trimestre. Inutile de préciser que leur situation ne s’est pas arrangée au cours des deux premiers mois du deuxième trimestre.
Autrement dit, avec un repli de -12% depuis leur zénith annuel, les actions américaines n’ont que partiellement intégré ce qui précède… Et les analystes doivent encore réévaluer les projections bénéficiaires à la lumière des taux de croissance attendus en Europe et en Asie.
Quant à l’Asie, justement… Sans ses clients européens, pourra-t-elle continuer d’afficher des taux de croissance à deux chiffres — comme l’Inde qui annonce une envolée de 17,6% de sa production industrielle au mois d’avril, ou la Chine, qui aurait vu ses exportations progresser de 50% sur les 12 derniers mois en mai ?
▪ Le Club Méditerranée (+9,4% à 12,6 euros et +15,35% hebdo grâce de bons trimestriels) mise à son tour sur l’Eldorado chinois. Le groupe a entamé des discussions avec un investisseur local afin de construire ce qui serait le tout premier « village de ski » en Chine.
Il n’existe tout simplement aucune véritable station de sports d’hiver dans tout l’empire du Milieu. La plus vaste de ce qui en tient lieu ne possède pas plus de remontées mécaniques qu’un village des Vosges ou du Massif Central (cinq téléskis et deux télésièges qui desservent six pistes bleues et trois pistes rouges).
A quand le premier téléphérique sur les contreforts de l’Himalaya ?
En fait, la jeunesse chinoise s’intéresse en priorité au « half pipe » et au ski acrobatique. Ce sont les disciplines les plus « fun » — et une piste de 250 mètres de long et de 50 mètres de dénivelé fait l’affaire. Pas besoin d’infrastructures cyclopéennes ni de coûteux forfaits de ski pour parcourir des domaines skiables de 300 kilomètres.
Nous parions qu’en matière de gestion, les Chinois ne vont pas tarder à s’intéresser aux « nouvelles glisses ». De l’or blanc à l’or jaune, il n’y a peut-être pas l’épaisseur d’un surf !
Il n’est qu’à constater l’explosion de toutes les formes de produits et du volume des transactions concernant le marché de l’or pour comprendre que les Chinois vont à l’essentiel. C’est peut-être ce qui leur a permis de remporter l’humiliante victoire infligés aux Bleus sur leurs propres terres, à la Réunion…