** Si vous avez vendu toutes vos actions l’an dernier, inutile de lire plus loin. Accordez-vous une journée de repos. Mais si vous avez encore des sommes en jeu, examinons la situation d’un peu plus près.
– Les marchés grimpent, puis ils baissent. C’est leur raison d’être. Tout de même, c’est une chose que de subir une baisse ou une correction. C’en est une autre que de vivre une panique totale, en direct. Il n’y a aucun moyen de soulager la douleur.
– De toute évidence, le monde veut récupérer son argent. En fait, pas mal de gens veulent sortir du marché en ce moment. En faites-vous partie ? Avant d’appuyer sur le bouton "siège éjectable", réfléchissons un peu.
– L’économie mondiale n’a pas simplement un rhume ; elle a la tuberculose. Et c’est une souche résistant à tous les remèdes ordinaires. Voilà. L’économie mondiale est malade. Très malade. Les marchés crachent du sang. Et il n’y a pas de pilule magique. A partir de maintenant, il faudra agir par tâtonnements. Et le pronostic n’est pas bon.
– Alors faut-il acheter ou vendre ?
– Pour commencer, je suis sûr que vous devez souffrir en voyant vos investissements décliner. Vous avez travaillé dur pour gagner l’argent avec lequel vous avez acheté des actions au fil des ans. A présent, la valeur de ces actions baisse. C’est extrêmement douloureux.
– Cet effondrement boursier, ce n’est pas comme si Boucles d’Or s’était faufilée dans votre cuisine et avait mangé votre porridge. Non, c’est comme si Boucles d’Or avait détruit votre porte d’entrée pour s’introduire chez vous, avant de tout réduire en cendres en utilisant des torches au magnésium en guise d’accélérant.
** Dans ma lettre d’investissement, Outstanding Investments, j’ai une ligne directrice très simple. Nous investissons dans l’énergie et les matières premières parce qu’à terme — selon nous — l’énergie et les matières premières prendront de la valeur. Il y a un certain nombre de raisons à cela, dont la rareté géologique, de longues années de sous-investissement et une augmentation de la future demande. Mais l’idée de base est simple, et nous pensons qu’elle fonctionne. En tout cas, elle a fonctionné ces six dernières années environ. Qu’il s’agisse de pétrole, d’or, de raffineries, de ciment ou d’infrastructures, il nous semblait que nous investissions dans des secteurs que le monde appréciait.
– A présent, on dirait que la locomotive — l’énergie, les ressources et les infrastructures qui leur sont liées — a déraillé. Les prix de l’énergie chutent. Les transactions liées à l’énergie sont en baisse. Les matières premières dégringolent. Dans les secteurs des mines et des infrastructures, on est au 36ème dessous.
– Mais est-ce que cela signifie que toute ma ligne directrice est en train de mal tourner ? Pas si vite… continuons de réfléchir à la question.
– Avant de vous précipiter — et de vendre vos actions pour mettre tout votre argent dans votre matelas — posons quelques questions supplémentaires.
– Si vous vendez maintenant, quel prix obtiendrez-vous ? Un prix bas, n’est-ce pas ? Vous laisserez donc tomber beaucoup de valeur — dans le sens où la plupart des choses, dans le monde de l’énergie et des matières premières, sont sous-évaluées par rapport à leur valeur intrinsèque. Peu m’importe dans quel état sont les marchés actuellement (et ils sont dans un état lamentable). Essayez donc de trouver un champ de pétrole quelque part, ou de construire une raffinerie, ou encore de trouver un filon d’or et de mettre en place une mine pour l’exploiter. Difficile, non ?
– Donc si vous vendez maintenant, soyez conscient que vous obtiendrez une valeur relativement basse. Vous abandonnerez de la valeur de long terme. Si c’est ce que vous voulez, c’est ce que vous devriez faire. Simplement, il faut le garder en tête.
– Ce qui nous amène à la prochaine série de question. A quel point avez-vous besoin de cet argent ? En avez-vous besoin tout de suite ? Les futurs déclins vous font-ils très peur ? Quel degré de risque pouvez-vous supporter, surtout à l’avenir ? De quelle sorte de réconfort avez-vous besoin ?
– De ce que j’ai pu voir, les plus grands vendeurs sont ceux qui ont perdu le contrôle de leur argent, voire de leur destin d’investisseur.
– Les gens vendent pour répondre à leurs appels de marge. Les vendeurs les plus pressés sont des traders qui ont tout laissé échapper. C’est plus que d’être simplement effrayé par la situation. Nous avons tous peur, d’une manière ou d’une autre.
– Mais pour l’instant, les vendeurs les plus tenaces sont ceux qui ne peuvent pas se permettre d’être patients. Bon nombre de vendeurs, dans le secteur de l’énergie et des ressources naturelles, sont des hedge funds. Pas mal de leurs clients veulent sortir, et cherchent à récupérer leur argent. Les fonds ont donc besoin de liquidités. Ils doivent vendre. Pour ce faire, ils jettent tout par-dessus bord, y compris les canots de sauvetage et les rations de survie.
– Lorsque vous regardez dans le miroir, est-ce que vous vous reconnaissez dans ce portrait ? Etes-vous comme un hedge fund en mode panique, vendant tout pour obtenir du liquide ? Correspondez-vous à ce modèle "vendez, vendez, vendez" ? Ne vous mettez pas martel en tête si c’est le cas, et si c’est ce que vous devez faire. Soyez honnête avec vous-même.
– Pendant ce temps, les Etats-Unis — et le monde, d’une manière générale — traitent la crise du crédit depuis plus d’un an. Ce qui me pousse à me demander si le retournement ne pourrait pas arriver bientôt, plutôt que plus tard. Je n’en sais rien. Je n’ai pas d’exemplaire du Financial Times de mars 2009. Je ne peux donc pas dire si nous sommes plus proches du plancher que du sommet.
– Dans combien de temps avez-vous besoin de fonds ? Si vous avez besoin de liquide dans les 12-24 prochains mois pour rembourser des factures — les études de vos enfants, la maison de retraite pour l’un de vos proches — peut-être devriez-vous serrer les dents et sortir du marché maintenant. Il n’y a pas de honte à se mettre en sécurité. Voyez d’abord vos besoins.
– Mais avez-vous un horizon de plus long terme ? Si oui, il faut peut-être envisager de vous laisser porter jusqu’à ce que tout soit fini. Et avec des valorisations si basses sur la plupart des actions, le moment est peut-être même venu de se repositionner — mais certainement pas à l’aveugle. Allez-y par petites étapes.
** Les matières premières en général ont vu leurs cours plonger depuis début juillet. Est-ce que cela va continuer ? Est-ce que cela peut continuer ?
– Il y a 6,5 milliards de bouches à nourrir sur cette planète. Même si l’économie mondiale ralentit, le monde devra malgré tout produire beaucoup de choses pour répondre à la demande de base. Par exemple : l’industrie pétrolière mondiale devrait produire plus de 31 milliards de barils de pétrole cette année. Même si la demande mondiale baissait de 5%, il faudrait tout de même près de 30 milliards de barils. Et tandis que les maux économiques actuels ralentissent les nouveaux projets, l’épuisement des ressources fera plus qu’effacer la production annuelle provenant de nouveaux champs. Il y aura moins de pétrole.
– En fait, il faudra des efforts héroïques ne serait-ce que pour maintenir la production pétrolière à ses niveaux actuels. Cela nous ramène à ma ligne directrice : l’énergie et les matières premières se raréfient, et leur valeur devrait augmenter à l’avenir. Il n’est guère amusant de regarder le système financier mondial se déliter. Mais au moins y a-t-il un bon côté à cette situation : les investisseurs ont l’occasion d’acheter de bons actifs vraiment bon marché.
– Non, je ne dis pas que vous devriez acheter des actions à pleines poignées. Il faut être extrêmement prudent, en ce moment. Mais ne paniquez pas non plus.
– Vendez si vous devez vendre. Achetez si vous êtes prêt à prendre le risque. Des temps économiques difficiles nous attendent. Mais à moins que la population mondiale ne commence à diminuer ou que les gens ne développent un goût immodéré pour une vie ascétique dans le froid, les secteurs de l’énergie et des matières premières continueront d’être de bons investissements pour le long terme.