De la Seconde Guerre mondiale à la guerre froide, la propagande d’Etat – soutenue par Hollywood, les médias et le système éducatif – a ancré durablement l’interventionnisme militaire au coeur de la politique étrangère américaine.
Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, depuis la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis et leurs alliés médiatiques utilisent la propagande pour justifier guerres et interventions.
La propagande américaine après la Première Guerre mondiale
La Seconde Guerre mondiale entraîna une nouvelle résurgence de la propagande de guerre, et cette fois, la coopération des Etats-Unis avec les forces britanniques était pratiquement garantie à l’avance.
Dès 1939, Roosevelt se montrait à l’aise pour promettre au roi George VI « un soutien total à la Grande-Bretagne en cas de guerre », comme l’explique Ralph Raico.
Dès 1940, bien avant l’entrée en guerre des Etats-Unis, le gouvernement américain collaborait étroitement avec le gouvernement britannique pour convaincre les Américains de la nécessité d’une intervention des Etats-Unis dans le conflit. Comme le souligne Raico, l’ampleur réelle de cette collaboration a été dissimulée pendant des décennies, jusqu’au jour où :
« En 1976, le grand public découvrit enfin l’histoire de William Stephenson, un agent britannique dont le nom de code était ‘Intrépide’, envoyé par Churchill aux Etats-Unis en 1940. Stephenson établit son quartier général au Rockefeller Center, avec pour mission d’utiliser tous les moyens nécessaires pour faire entrer les Etats-Unis dans la guerre. Avec l’aide du président Roosevelt ainsi que des agences fédérales, Stephenson et ses quelque 300 agents ‘interceptaient le courrier, écoutaient les communications, forçaient des coffres, commettaient des enlèvements, répandaient toutes sortes de rumeurs’ et diffamaient sans relâche leurs cibles favorites : les ‘isolationnistes’. Par l’entremise de Stephenson, Churchill avait quasiment la main mise sur l’organisation dirigée par William Donovan, le service de renseignement américain alors encore embryonnaire. Churchill joua même un rôle dans le flot de propagande pro-britannique et antiallemande qui émanait d’Hollywood dans les années précédant l’entrée en guerre des Etats-Unis. Gore Vidal, dans Screening History, note avec justesse que, dès 1937 environ, les Américains furent soumis à une série ininterrompue de films glorifiant l’Angleterre et les héros de guerre qui bâtirent l’Empire. En tant que spectateurs de ces productions, dit Vidal : ‘Nous ne servions ni Lincoln ni Jefferson Davis ; nous servions la Couronne.’ »
Vidal fut tellement impressionné (dans le mauvais sens du terme) par le succès continu des propagandistes britanniques dans cet effort qu’il fit la remarque suivante :
« Pour ceux qui trouvent insupportable la propagande sioniste actuelle, sachez que l’Israël d’aujourd’hui s’est beaucoup inspiré de l’Angleterre des années 1930. Les Anglais ont poursuivi une campagne de propagande qui a imprégné toute notre culture… Hollywood a été infiltré, subtilement et moins subtilement, par les propagandistes britanniques. »
Raico décrit à quel point les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont collaboré étroitement et avec succès dans cet effort de propagande. En 1941, il ne faisait plus aucun doute sur la position qu’adopterait le régime américain concernant la guerre. La principale question, à ce stade, était de savoir dans quelle mesure Roosevelt parviendrait à attiser l’hostilité des Américains envers le Japon. Sur ce plan, il a évidemment remporté un franc succès.
Une vision du monde favorable à un interventionnisme militaire sans fin s’est ancrée et s’est renforcée dans l’esprit américain pendant des décennies, notamment à cause du plus puissant vecteur de propagande : les écoles publiques.
L’objectif principal était d’imposer l’idée que le pouvoir exécutif devait être illimité en matière d’affaires internationales, comme l’avaient revendiqué Roosevelt et ses successeurs. Raico écrit à ce sujet :
« Dès 1948, Charles Beard constatait déjà l’ignorance consternante de la population quant aux principes fondamentaux d’une république : le système éducatif américain, des universités jusqu’aux écoles primaires, est imprégné, voire dominé, par la théorie de la suprématie du pouvoir présidentiel en matière de politique étrangère. Combinée à un mépris flagrant du système éducatif pour l’idée d’un gouvernement constitutionnel, cette propagande a profondément enraciné dans l’esprit des jeunes générations la doctrine selon laquelle le pouvoir du président en matière de relations internationales est, en pratique, sans limite. »
Après la guerre, l’appareil de propagande américain se détourna des enjeux britanniques pour se concentrer habilement sur la promotion des intérêts du régime américain durant la guerre froide.
Au sujet des années Truman, Raico note que, dès la fin des années 1940, Truman poussait déjà en direction d’une escalade militaire sur de nouveaux fronts, et même d’une guerre ouverte contre le nouvel grand ennemi : l’Union soviétique. Ceux qui s’y opposaient – en particulier les républicains issus de l’aile Taft du parti – furent accusés d’être des apologistes de Staline.
Dans ce contexte, Truman, suivant un schéma désormais bien établi de la vie politique américaine, bénéficia de l’appui de journalistes issus de l’élite, travaillant dans les grands médias. Raico note à ce propos :
« La campagne de Truman n’aurait pas pu réussir sans la coopération pleine et entière des médias américains. Menée par le New York Times, le Herald Tribune et les magazines de Henry Luce, la presse s’est comportée comme un organe de propagande au service de l’agenda interventionniste, capable d’employer les pires techniques de manipulation. Les principales exceptions furent le Chicago Tribune et le Washington Times–Herald, à l’époque du Colonel McCormick et de Cissy Paterson. Avec le temps, une telle soumission en matière de politique étrangère devint une routine pour le ‘quatrième pouvoir’… Submergé par le déluge de propagande venu de l’administration et de la presse, le Congrès, pourtant à majorité républicaine, répondit à l’appel solennel du secrétaire d’Etat à placer la politique étrangère ‘au-dessus de la politique partisane’, et vota le financement intégral du plan Marshall. »
Les voix favorables à la paix furent étouffées et bannies du débat public. L’historien Steven Ambrose résume ainsi la victoire de Truman et des médias :
« Lorsque Truman devint président, il dirigeait une nation impatiente de revenir à des relations civilo-militaires traditionnelles et à la politique étrangère historique de non-intervention des Etats-Unis. Lorsqu’il quitta la Maison-Blanche, son héritage était une présence américaine sur tous les continents du globe, ainsi qu’une industrie de l’armement considérablement plus développée. Pourtant, il avait si bien réussi à effrayer le peuple américain que les seuls critiques à recevoir une quelconque attention dans les médias de masse étaient ceux qui estimaient que Truman n’était pas allé assez loin dans son opposition aux communistes. Malgré toutes ses difficultés, Truman avait triomphé. »
A la fin des années Truman, le schéma était bien établi, largement inspiré des efforts antérieurs de la propagande britannique développée des années auparavant. On y retrouvait tous les éléments de la fabrique du consentement qui allaient être employés durant la guerre de Corée, la guerre du Vietnam, la course à l’armement des années 1960 et 1980, ainsi que les nouvelles interventions militaires de « changement de régime » de l’ère post-guerre froide.
C’est peut-être là que réside la réponse à une question posée par Raico lors de l’une de ses conférences :
« N’est-ce pas curieux que, à part peut-être le cas du Vietnam, toutes les guerres menées par l’Amérique aient été légitimes, justes et nobles ? Je veux dire, quelles sont les chances qu’une chose pareille se produise ? Qu’une grande puissance ait toujours mené des guerres vertueuses, et que ses ennemis aient toujours été absolument monstrueux ? »
Bien sûr, il connaissait déjà la réponse. C’est la propagande d’Etat qui a imposé cette croyance chez les Américains selon laquelle chaque nouvelle guerre est une forme de croisade contre le mal. A cause de cette propagande, la pensée américaine en matière de politique étrangère, autrefois plus pragmatique et moins moralisatrice, a adopté à l’époque moderne une posture quasi religieuse.
En effet, le contraste avec l’Amérique d’avant le XXe siècle et la glissade qui a suivi vers une ère de guerre totale mettent en évidence à quel point un siècle de propagande incessante a façonné l’esprit américain. Ce n’est qu’en examinant de près cette période de l’histoire que l’on peut espérer comprendre pleinement l’efficacité et la perfidie de ces méthodes.
Il est également nécessaire de connaître leurs origines, ce qui nous permet de mieux saisir la transformation survenue au cours du premier tiers du XXe siècle, alors que l’esprit américain s’est habitué à une propagande rampante et ininterrompue, toujours omniprésente dans la politique étrangère des Etats-Unis aujourd’hui.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
1 commentaire
Les USA n’ont fait que reproduire un héritage culturel en provenance de l’Europe. Le Mondialisme est le nouveau nom, US, du Colonialisme européen qui remonte loin. Pas seulement à la fondation des USA, plus loin encore au 15è siècle. Les cultures ou les civilisations qui ont envahi le monde, très au delà de leurs territoires d’origine, ne sont pas très nombreuses : Les Turco-Mongols, les Européens Chrétiens ou Éclairés, les Musulmans. La prétention à la détention des « Lumières de la Raison » a justifié le colonialisme européen du 19è siècle : « Nous sommes la Civilisation » proclamait l’homme d’état français Jules Ferry (1832-1893).
La même arrogance a été au fondement de l’errance communiste dans le monde entier, de Lénine à Mao.
De nos jours une mégalomanie identique est au fondement de la doctrine mondialiste occidentale : « Nous sommes la Démocratie ». Colin Powell ( 1937-2021) affirmait à propos des USA « Nous représentons le dernier et le meilleur espoir sur cette planète ».
Les racines de cette névrose collective sont lointaines, il est vrai : Le christianisme, catholique ou protestant, a fonctionné à partir des mêmes schémas : la prétention à la détention de La Vérité, unique et universelle, qui justifie toutes les conquêtes.
Cette maladie n’est pas réservée aux Occidentaux : le Judaïsme et l’Islam ont été et sont toujours actuellement habités par les mêmes égarements idéologiquement commandés : Ils sont les élus de La Vérité.