La normalisation de la politique monétaire de la Fed est achevée. Désormais, Donald Trump souhaite déjà une baisse de taux pour lancer une « fusée économique ».
Selon Donald Trump, il y a une urgence nationale à la frontière sud des Etats-Unis.
Ray Dalio était interrogé dans l’émission 60 Minutes le week-end dernier ; selon lui, le capitalisme américain est dans un tel pétrin – et les inégalités de richesses sont si prononcées – que le président américain devrait décréter l’état d’urgence pour réparer la situation.
En réalité, la véritable urgence est ailleurs.
Une habitude difficile à perdre
Nous vous avons quitté hier en notant que les masses n’avaient pas le sentiment de devoir s’inquiéter des déficits et de la dette.
On leur a dit que les déficits n’avaient pas d’importance. Les finances gouvernementales, quant à elles, sont toujours mystérieuses – comme l’Immaculée conception et l’assassin de JFK ; mieux vaut ne pas poser trop de questions.
De toute façon, pourquoi devraient-elles s’en inquiéter ? C’est pour cela que les élites sont là – pour s’occuper de choses de ce genre.
Mais comme les masses elles-mêmes, les élites – les autorités, leurs compères, l’industrie financières, les intérêts particuliers, les lobbyistes, le Pentagone, l’Etat-providence, le Deep State et (généralement) les riches – ont été corrompues par l’argent factice. Les élites se sont accoutumées à dépenser de l’argent que ni elles ni quiconque n’avait gagné. C’est une habitude difficile à perdre.
L’argent factice provenait de la Fed – à hauteur de 3 600 Mds$ entre 2009 et 2019. Sous l’étiquette « assouplissement quantitatif », la Fed a acheté des actifs financiers, principalement des bons du Trésor US. Les rendements ont chuté. Les actions ont grimpé. Les ultra-riches sont devenus encore plus riches.
La Fed a également maintenu les taux d’intérêt sous l’inflation – ce qui revenait à distribuer de l’argent gratuit, en d’autres termes –, finançant des rachats d’actions, des fusions, des acquisitions, des primes et autres tralalas financiers.
Dans l’ensemble, les autorités ont ainsi transféré environ 30 000 Mds$ (une estimation très grossière) ; les élites n’étaient pas prêtes à abandonner le magot.
En 2016, tant les républicains que les démocrates étaient dans le coup. Aucun des deux partis n’allait se battre pour un budget équilibré. Cela aurait signifié contrarier à la fois les baby-boomers sur le point de prendre leur retraite et le Deep State.
Cela aurait aussi été douloureux – très douloureux… une réduction des dépenses, une chute des marchés boursiers, une grave récession. Qui aurait accepté ? Tout le monde veut aller au paradis… mais personne ne veut mourir.
La normalisation monétaire en deux temps cale
En 2016, la Fed avait aussi commencé à normaliser ses politiques monétaires. C’était censé se dérouler en deux parties.
La Fed devait augmenter ses taux, pour atteindre des niveaux plus normaux… et elle devait se débarrasser des 3 600 Mds$ d’obligations qu’elle avait en stock.
Mais chacune de ces actions causerait la crise même qu’elle tentait d’éviter – un krach boursier et une récession. La Fed avait entraîné l’économie à survivre dans un climat financier anormal. Une météo normale la tuerait.
C’est exactement ce qui se préparait au dernier trimestre 2018. Enfin, pour la première fois en près de 10 ans, la Fed avait légèrement augmenté ses taux de sorte que le coût de l’emprunt après inflation était (légèrement) supérieur à zéro. Les marchés boursiers ont perdu connaissance.
Ensuite, alors que les prix avaient chuté de 10% à peine par rapport à leurs sommets de 2018, la Fed a perdu son sang-froid. D’abord, fin janvier, elle a fait une pause. Ensuite, il y a trois semaines, elle a renoncé à l’intégralité de son programme de « normalisation ».
Sans la moindre urgence en vue – en fait, M. Trump affirme que nous sommes en pleine expansion économique – la Fed a déclaré qu’elle cesserait d’augmenter les taux et ne vendrait pas forcément toutes ses obligations, en fin de compte.
La fusée économique de Donald Trump est un pétard mouillé
Parallèlement, M. Trump avait fait passer une baisse d’impôts qui, selon lui, avait stimulé l’économie et déclenché un nouveau boom. Quant aux dépenses galopantes et à l’envolée de la dette, le président est d’avis que ce n’est qu’une nuisance, non une question qui mérite son attention.
Au contraire, il veut stimuler l’économie plus encore :
« Personnellement je pense que la Fed devrait baisser les taux, je pense qu’ils nous ont vraiment ralentis, il n’y a pas d’inflation, en termes de resserrement quantitatif, ce devrait être en fait un assouplissement quantitatif… on verrait une fusée. Mais en dépit de ça, nous allons très bien ».
Eh bien, en ce qui nous concerne, nous venons tout juste de descendre d’une fusée – lorsque nous avons quitté l’Argentine dimanche.
La théorie de la « stimulation » – qu’elle passe par les baisses d’impôts, les taux bas, les déficits, les allocations ou l’assouplissement quantitatif –, veut que si l’on met plus d’argent entre les mains des consommateurs et des entreprises, ils le dépenseront. Ces dépenses généreront plus de production, d’emplois, de profits et de croissance.
Cela ne fonctionne pas.
En Argentine, chacun dépense tout ce qu’il touche – aussi vite qu’il le reçoit. Vous parlez d’une relance ! La devise perd jusqu’à la moitié de son pouvoir d’achat tous les ans. Personne ne veut épargner. Personne. Pas même pour un week-end.
Pendant ce temps, la banque centrale argentine prête à 40%. En termes réels, après inflation, on est en fait à des taux négatifs – jusqu’à -60%.
Voilà qui devrait vraiment faire décoller l’économie, non ? Toute cette relance ! On pourrait penser que l’Argentine serait elle aussi une vraie fusée économique, n’est-ce pas ?
Non. C’est un pétard mouillé.
Le PIB chute, il ne grimpe pas… au rythme annuel de 6%. Si ça continue, la situation en Argentine sera pire que la Grande dépression américaine.
Que faut-il faire ? Imprimer plus d’argent… pour que le taux d’inflation passe à 200% et que les gens veuillent dépenser encore plus rapidement ? Stimuler avec des taux plus bas… des impôts plus bas… et des déficits plus profonds ?
Cela ne fonctionnera pas. Parce que l’idée même de « relance » n’est qu’une fraude.
On ne peut pas rendre les gens plus riches en leur donnant de l’argent factice. Point à la ligne.
On ne peut pas non plus les rendre plus riches en réduisant leurs impôts… à moins de réduire aussi les dépenses gouvernementales.
Et on ne peut pas les enrichir en accumulant de plus gros déficits gouvernementaux… ou en réduisant les taux d’intérêt… ou en négociant des accords commerciaux d’un pays à l’autre.
Il n’y a pas de raccourci vers la richesse réelle.
4 commentaires
» En 2016, tant les républicains que les démocrates étaient dans le coup. Aucun des deux partis n’allait se battre pour un budget équilibré. Cela aurait aussi été douloureux – très douloureux… une réduction des dépenses, une chute des marchés boursiers, une grave récession. Qui aurait accepté ? »
Les dépenses ont été réduites entre 2011 et 2013, et 2014 a été marquée par une très faible hausse (inférieur à la croissance nominale du PIB). En conséquente le déficit a été divisé par trois (il était au dessus de 8% au début de la décennie et en dessous de 3% en 2014). Sur cette période, l’économie a continué de croitre, les marchés de monter, et il n’y a pas eu de récession.
https://en.wikipedia.org/wiki/United_States_federal_budget
Ceux qui défendent les réductions d’impôt au nom de la relance de la demande se trompe en effet. En revanche les réductions d’impôt peuvent en effet aider l’économie au travers du renforcement des incitations à travailler, entreprendre et à investir…autrement dit de l’offre.
Réduction d’impôts dans baisse des dépenses publiques = escroquerie.
Réduction d’impôts sans (et non dans) baisse des dépenses publiques = escroquerie.