** Si les Etats-Unis se dirigeaient vraiment vers une récession, où serait-elle visible en premier ?
* Dans les ventes de 4×4. Personne n’a besoin d’un char d’assaut. C’est un achat haut-de-gamme, que l’on peut facilement retarder — surtout lorsque le carburant dépasse les 3 $ le gallon.
* Et qu’est-il arrivé aux ventes de 4×4 ces derniers temps ?
* "Winnebago Industries, Thor Industries et d’autres fabricants US de véhicules tous-terrains annonceront probablement que les expéditions ont chuté en 2007 pour la première fois en six ans"… déclare un article de l’International Herald Tribune.
* Le journal continue en nous parlant d’une étude de l’Université du Michigan qui prédisait une augmentation des ventes de 3,5% en 2008. A présent, moins de six mois plus tard, les analystes ont taillé leurs crayons et regardé par la fenêtre ; ils affirment désormais que les ventes chuteront de 4,8%.
* Dommage pour les pauvres propriétaires de 4×4. Les voilà condamner à errer sur les routes perdues des Etats-Unis… avec trois tonnes d’acier sur le dos. Partout où ils vont, les dépenses augmentent — le carburant, l’assurance et les frais de parking.
* Les Etats-Unis sont-ils donc en route pour la récession ?
** Oui… c’est bien ce qu’il nous semble… ou au moins vers une sorte de ralentissement, peut-être semblable à la crise "à la japonaise" que nous prédisions il y a quelques années.
* Jusqu’à présent, les actions américaines ont chuté d’environ 10% par rapport à leurs sommets. Cela représente environ 1 500 milliards de dollars de pertes. Puis il y a le marché immobilier — où les prix sont en baisse de 5% à 10% — une autre grande perte de richesse implicite, qui pourrait représenter jusqu’à 2 000 milliards de dollars.
* Tout ça finit par faire une somme…
* Quelle sera la somme finale, nous ne le savons pas. Mais l’objet immobile de la déflation — les liquidités perdues — semble de plus en plus immobile, jour après jour.
* Cette semaine, un titre du Financial Times annonçait que "le geste de la Fed n’a pas réussi à empêcher une déroute sur les marchés". Les craintes augmentent au sujet du crédit, "en dépit des efforts agressifs de la Fed pour éviter une crise de fin d’année".
* Il semble que nous soyons en train de "pousser la ficelle". L’expression est célèbre dans les milieux économiques anglo-saxons. Elle décrit ce qui se produit lorsqu’une spirale déflationniste échappe à tout contrôle. Les autorités financières peuvent offrir plus d’argent, à de meilleures conditions — mais les banques et les emprunteurs font les difficiles. Ils ont déjà du mal à rembourser les dettes qu’ils ont ; ils n’en veulent pas d’autres. De plus, ils ne sont pas tout à fait certains que les gens pourront payer leurs dettes, ce qui les rend plus soupçonneux des deux côtés de l’équation crédit/dette. D’un côté, les débiteurs ne seront peut-être pas en mesure de payer. De l’autre, les créditeurs ne pourront peut-être pas récupérer leur argent. Quel que soit le côté où vous vous trouvez, vous cherchez à vous abriter.
* Lorsque cela arrive, les autorités financières veulent injecter du cash et du crédit dans le système. Mais elles poussent une ficelle ; le système n’en veut pas.
* Henry Paulson, secrétaire au Trésor US, avance l’idée d’un immense super-fonds pour venir au secours des SIV (véhicules d’investissement structurés). Mais HSBC — la plus grande banque d’Europe — a décidé de ne pas jouer le jeu. Au lieu de cela, elle encaisse les coups — qui pourraient se monter à 45 milliards de dollars — en venant à la rescousse de ses propres véhicules d’investissement adossés à la dette hypothécaire. Cette opération soulagera les clients d’HSBC. Mais elle met en difficulté le plan de Paulson et les efforts pour introduire plus de liquidités dans le système. Paulson peut pousser la ficelle aussi longtemps qu’il le veut ; HSBC ne suivra pas.
* Ce phénomène de "pousser la ficelle" n’est ni neuf ni entièrement théorique. Le Japon a poussé une ficelle durant 17 ans. En fait, il pousse encore. Il pousse avec la main gauche de la politique fiscale et la main droite de la politique monétaire ; il a le déficit public le plus profond et les taux d’intérêt les plus bas de tous les grands pays développés. Pourtant, les actions japonaises ont perdu 18% depuis leur sommet en 2006… et 13% encore depuis janvier. De plus, les derniers chiffres en provenance du Japon nous disent que les prix à la consommation continuent de chuter.
* Mais qui sait… peut-être que Paulson et Bernanke réussiront là où les Japonais ont échoué. Tout peut arriver. Peut-être qu’ils trouveront un moyen d’amidonner cette maudite ficelle…