Depuis dix ans, la Fed affiche un objectif d’inflation annuelle, objectif qui guide sa politique monétaire. Cela aurait pu n’être qu’une évolution mineure des indicateurs surveillés par la banque centrale, mais, en réalité, cet ajout a tout changé.
Le président de la Fed, Jerome Powell, est de plus en plus critiqué pour son incapacité apparente à prendre l’inflation au sérieux ou même simplement à admettre qu’elle pourrait être plus que « transitoire ». La réduction des programmes d’achats d’actifs à grande échelle menés par la Fed a été évoquée à de nombreuses reprises.
Cependant, même si le début d’une réduction des programmes d’achats d’actifs a été annoncé, comme c’est souvent le cas avec la Fed, la mise en œuvre complète de cette politique n’est prévue que dans un avenir lointain, à une date non spécifiée.
Par ailleurs, si l’économie venait à ralentir, comme le prédit un nombre croissant d’observateurs, la Fed va très certainement se dégonfler et laisser le robinet monétaire grand ouvert.
Pourtant, pas plus tard qu’au mois d’août, la Fed et ses représentants ont régulièrement prévenu que l’inflation n’était pas encore suffisamment élevée et que la banque centrale allait devoir prendre des mesures pour atteindre son objectif de taux d’inflation de 2% par an.
En effet, au cours de la dernière décennie, les préoccupations autour de la faiblesse de l’inflation ont constitué le discours dominant. En outre, le respect de l’objectif de taux d’inflation de 2% est présenté dans la presse financière comme une nécessité que personne ne remet en cause.
Une justification pour les interventions
Cet objectif de taux d’inflation est présenté comme s’il s’agissait d’une norme intemporelle et (apparemment) tout le monde s’accorderait à dire qu’il doit guider la politique de la Fed. De plus, il s’intègre dans un ensemble de politiques monétaires dangereuses, incluant le paiement d’intérêts sur les réserves excédentaires des banques et l’achat par la Fed d’obligations à échéances longues. Le résultat est une économie chaotique et lourdement manipulée au travers des interventions de la Fed.
Mais en quoi cet objectif de 2% d’inflation est-il si important, de toute manière ? Pourquoi les banquiers centraux le prennent-ils tellement au sérieux ? Et la question peut-être la plus importante est bien plus vaste encore : quel est l’effet de cette cible d’inflation sur les cycles d’expansion et de récession ainsi que sur le niveau de prospérité économique ?
Les réponses à ces questions sont détaillées et expliquées dans l’ouvrage de Brendan Brown, The Case against 2 Per Cent Inflation : From Negative Interest Rates to a 21st Century Gold Standard (Palgrave Macmillan, 2018, non traduit en français).
Brown aborde ce sujet en s’appuyant sur son expertise exceptionnelle. Il est en effet actuellement l’un des associés fondateurs de Macro Hedge Advisors et il est l’ancien responsable de la recherche économique pour Mitsubishi UFJ Financial Group.
Au cœur de l’analyse de M. Brown se trouve l’idée que cette norme d’inflation de 2% est quelque chose d’entièrement nouveau et qu’elle est en fait encore plus délétère que le système qui l’a précédé.
Ce n’est pas qu’une simple adaptation des politiques monétaires traditionnelles avec un objectif d’inflation légèrement plus élevé. Non, cette nouvelle ère est fondamentalement différente, comme l’explique Brown, car elle s’inscrit dans le cadre de la transition vers des « politiques monétaires non conventionnelles ».
La notion de base monétaire est tombée aux oubliettes
L’un des principaux changements inhérents à cet objectif de 2% d’inflation annuelle réside dans le fait que les banquiers centraux ont cessé de vouloir contrôler le niveau de la base monétaire. A la place, ils ont décidé de se focaliser directement sur le niveau de l’inflation des prix.
En d’autres termes, avant la crise financière (et surtout avant qu’Alan Greenspan ne prenne la direction de la Fed), les banques centrales utilisaient les variations de la base monétaire comme indicateur pour déterminer de combien l’offre de monnaie devait être augmentée.
Cette distinction est importante car, comme l’indique M. Brown, lorsque la base monétaire constitue le « pivot » de la politique monétaire, les mécanismes d’ajustement du marché peuvent encore largement fonctionner librement. Dans ces conditions, il n’y a pas de tentative de manipulation directe des taux d’intérêt et la notion de taux d’intérêt négatif relève du domaine de l’imagination.
Les choses sont en revanche très différentes dans le contexte d’un objectif d’inflation annuelle. Désormais, un taux arbitraire d’inflation des prix à la consommation est devenu le pivot de la politique monétaire et les banques centrales interviennent directement pour contrôler le niveau de l’inflation des prix et manipuler les taux d’intérêt.
Cela peut se faire par le biais de la méthode inédite consistant à appliquer des intérêts sur les réserves excédentaires des banques et via l’achat à grande échelle par les banques centrales de bons du Trésor.
La Fed adopte de nouveaux outils
Pourquoi la Fed avait-elle besoin de ces nouveaux outils ? Comme le démontre Brown, la Fed avait perdu confiance dans l’idée de laisser les marchés fonctionner avec pour seul moyen d’intervention le bon vieux levier de l’augmentation de la base monétaire.
La Fed s’étant engagée dans de nouveaux programmes sans précédent de monétisation de la dette, ses responsables craignaient certainement que sans un moyen de contrôle plus direct les taux d’intérêt puissent augmenter. Brown développe :
« [La nouvelle politique monétaire] était très différente d’une augmentation en urgence de la base monétaire visant à prévenir une contraction de la masse monétaire globale qui aurait pu avoir pour conséquence d’aggraver la contraction de l’économie.
Il s’agissait plutôt d’une expérience délibérée visant à obtenir un contrôle nouveau sur les taux d’intérêt à court et à long terme, les soumettant à des manipulations incessantes. Couplée à l’expansion massive du bilan de la Fed, cette nouvelle politique a servi à atteindre des objectifs non monétaires alors considérés comme importants, notamment le subventionnement des prêts hypothécaires. »
Nous verrons demain quelles sont les conséquences de cette nouvelle politique monétaire.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais