** Les banques sont confrontées à "des conditions délicates", déclare Donald Kohn, un gouverneur de la Fed. Nombre d’entre elles voient leurs revenus décliner puisque les débiteurs ne paient pas, tandis que la valeur des nantissements baisse.
* Les dépôts de bilan grimpent, rapporte le Los Angeles Times, qui trouve que c’est "de mauvais augure". Les défauts de paiement des dettes dans la catégorie immédiatement supérieure au subprime augmentent. Les ventes de voitures ont baissé de 10% en février ; Ford et GM déclarent qu’ils vont réduire leur production.
* Les Etats-Unis sont-ils déjà en récession ? Oui, déclare Warren Buffett [et l’indice ISM manufacturier]. S’agit-il techniquement d’une récession, nous n’en savons rien. Mais ça n’a pas vraiment d’importance. Partout, les indicateurs signalent une économie qui ralentit. Nous attendons simplement les détails — elle ralentit comment ? Et pour combien de temps ?
* Le remède de la Fed consiste à prêter aux banques plus de liquidités, à de meilleures conditions. L’argent intelligent parie que Bernanke baissera ses taux une nouvelle fois — la sixième — ce mois-ci. Non seulement ça, mais on attend une réduction conséquente : 75 points de base.
* Bernanke insiste sur le fait que l’économie va mal, et a donc besoin des médicaments généralement distribués par la Fed. Mais rappelez-vous que la Fed n’est pas exactement une agence gouvernementale — comme si cela était d’un quelconque réconfort. C’est un cartel de grandes banques, qui conspirent régulièrement pour fixer le prix du crédit à un niveau agréable pour tous les membres.
* Bien entendu, la Fed a aussi des devoirs envers le gouvernement américain… et le peuple américain. Ce sont des devoirs qui ont évolué au cours du temps : de la protection supposée du dollar US, ils sont passés au maintien du plein emploi. La théorie économique régnante veut qu’on doive avoir un taux d’inflation constant pour que les usines continuent de bourdonner et les magasins de faire des affaires, si bien que ces deux objectifs n’ont jamais été compatibles. A présent, confronté à un danger bien réel sur les deux fronts — hausse du chômage d’un côté… hausse des prix de l’autre — Ben Bernanke n’a laissé aucun doute sur la direction qu’il prendra. Il lutte contre le ralentissement ; tant pis pour les torpilles de l’inflation ! Si ses actions aident aussi les grandes banques à répercuter leurs pertes sur le public (sous la forme de prix à la consommation plus élevés), eh bien… tant mieux.
** Hier, nous avions un peu pitié de Ben Bernanke. On l’accuse de tous les maux… tandis que son prédécesseur, Alan "Bulles" Greenspan, récolte tous les gains en donnant des leçons. Cette semaine, les nouvelles en provenance de Wall Street disaient que les actions chutaient à cause de Bernanke. Apparemment, ses dernières remarques n’étaient pas assez optimistes. L’ancien professeur d’économie de Princeton n’est pas aussi doué pour les embrouilles que son prédécesseur ; mais il va vite progresser. Ensuite, Ambrose Evans-Pritchard, dans le Telegraph, le traitait de raté ou presque. Les tentatives de sauvetage de la Fed ne fonctionnent pas, disait-il.
* Aujourd’hui, ça empire. Non seulement les baisses de taux de la Fed ne fonctionnent pas — mais elles font en fait "plus de mal que de bien", selon un article sur MarketWatch. Même si c’est sans aucun doute vrai, nous n’aimons pas voir toute la presse se retourner ainsi contre le pauvre Ben.
* A la Chronique Agora, nous venons toujours au secours des pauvres… des méprisés… des ivrognes et des incompétents. Les efforts de la Fed sont-ils vraiment futiles, demandons-nous ? Sont-ils pires que ne rien faire ? Eh bien, la réponse dépend de qui vous êtes. Si vous détenez des euros plutôt que des dollars, vous pourriez envoyer une note de remerciements à la Fed. L’euro grimpe régulièrement, depuis que Ben Bernanke a commencé à lutter contre la récession avec plus de cash et de crédit. Cette semaine, il fallait 1,52 $ pour acheter un euro. Il y a huit ans, 88 cents suffisaient.
* Les détenteurs d’or devraient eux aussi être contents du programme anti-récession de la Fed. Le métal jaune a déjà grimpé d’un tiers de sa valeur depuis la première baisse des taux en septembre dernier.
* Et qu’en est-il de tous les agriculteurs qui plantent du blé… ou du riz ? Le riz vient d’atteindre un sommet de 20 ans. Et les cultivateurs de blé achètent tous des tracteurs flambant neufs. Ils devraient sans aucun doute faire preuve de reconnaissance. Bien entendu, il y a aussi le secteur pétrolier. Le baril d’or noir n’a pas dépassé les 100 $ tout seul ; la Fed était derrière lui tout au long de sa hausse. N’oubliez pas les minières de platine. Le platine a grimpé de 46% depuis le début de l’année — et ce n’est pas fini…
* Et enfin, il y a les banquiers eux-mêmes.
* Parmi les efforts consentis par la Fed pour soulager la douleur des banquiers, on trouve un nouvel outil très pratique : il permet aux banques d’emprunter en se basant sur le même nantissement infecté que celui qui a causé les problèmes d’origine. Les prêteurs privés refusaient d’y toucher, mais la Fed… comme pigeon de dernier recours, avec la carte de crédit des contribuables en main… l’accepte comme s’il s’agissait de Rembrandt perdus ou de pièces d’or n’ayant jamais circulé.
* Nous ne sommes pas né d’hier. Nous savons que les boulangers ne nous donnent pas du pain uniquement parce qu’ils veulent voir nos bonnes joues dodues. Et nous savons que les banquiers ne travaillent pas uniquement parce qu’ils veulent nous voir avec de l’argent en poche. Nous tenons donc pour acquis que les banquiers s’occupent d’abord d’eux-mêmes, comme tout le monde… et voilà pourquoi nous nous méfions également des dernières initiatives visant à éviter les saisies immobilières.
* Ben Bernanke lui-même a vivement conseillé aux banques "d’abandonner des portions des prêts", déclare un article de Bloomberg. Et une autre étrange créature est en train de naître… une proposition de loi selon laquelle le gouvernement interviendrait et achèterait lui-même les prêts en détresse. Quels que soient les bienfaits que ces mesures procureront à l’humanité, nous sommes certain que les termes finaux comporteront un petit os à grignoter pour les banquiers.