Les suites de l’affaire GameStop ont fait des victimes – et les banques centrales réagissent à tout cela avec une hypocrisie confondante, comme si elles n’avaient rien à voir avec ces coups de folie.
GameStop s’est effondré de 80% la semaine dernière, avec Express et AMC Entertainment en baisse de 48%, Vaxart de 36% et Siebert Financial de 31%.
Nous avons déjà parlé de cette affaire. Cela n’a pas failli, ce qui devait arriver est arrivé : la chute verticale. Les comptes des petits participants au jeu pyramidal de Reddit et consorts sont dans le rouge le plus profond.
Pas plus de revanche du public et des investisseurs individuels sur les « gros » de Wall Street que de beurre en branche. Les médias, comme d’habitude, n’ont rien compris.
L’enseignement à tirer de tout cela, c’est que les marchés dysfonctionnent, ils donnent à voir la pire face d’eux-mêmes, ils sont destructeurs.
Auto-destruction
Voilà ce que l’on ne vous dit pas : les marchés s’autodétruisent, se délégitimisent. Je vous ai expliqué comment la fonction d’investissement avait laissé la place au jeu et au casino, logiquement, par un glissement irrésistible.
Non seulement l’investissement a disparu mais, en plus, la seule petite fonction qui justifiait encore les marchés – la fonction de découverte des vrais prix – est spectaculairement fracassée, pulvérisée. Plus personne ne peut dire que les marchés, cela sert à ça !
Non les marchés, ce sont des champs de bataille des forts contre les faibles, des rusés contre les idiots, des lieux, des espaces d’exploitation du public au profit d’une classe sociale – des processus de transfert du pognon de la poche des uns vers la poche des autres. Point à la ligne.
Tout cela est bien sûr de la responsabilité criminelle des banques centrales et de leur quarteron de monopoleurs : ils ont détruit les marchés financiers pour en faire des chaînes de transmission de leur politique monétaire imbécile sans monnaie réelle, mais pleine de jetons spéculatifs de Monopoly… et ils refusent même de reconnaître leur crime.
S’ils perdent de l’argent, c’est leur problème
Il suffit de voir ce qu’en dit Neel Kashkari, président de la Réserve fédérale de Minneapolis. L’agence de presse Bloomberg en parlait le 1er février :
« Kashkari […] est devenu le dernier responsable de la banque centrale à repousser l’idée que la frénésie de spéculation sur GameStop Corp. et d’autres actions ‘chaudes’ appelle une réponse de politique monétaire.
‘GameStop a attiré beaucoup d’attention. Si un groupe de spéculateurs veut livrer bataille à un autre groupe de spéculateurs sur une action individuelle, que Dieu les bénisse’, a déclaré Kashkari. […] ‘C’est à eux de le faire, et s’ils gagnent de l’argent, très bien. Et s’ils perdent de l’argent, c’est de leur faute… Je ne pense pas du tout à modifier mon point de vue sur la politique monétaire à cause des spéculateurs sur ces actions individuelles’. »
Neel Kashkari n’est pas n’importe qui ; il est entièrement représentatif de la Fed, de Wall Street et de la finance.
Kashkari n’est pas un économiste ringard sans formation ni expérience sur les nuisances des marchés boursiers contemporains. Avant son passage au département du Trésor US (embauché par l’ancien PDG de Goldman Hank Paulson), il était banquier d’investissement chez Goldman Sachs. Il a quitté le gouvernement en 2009 pour le fonds obligataire PIMCO, où il a travaillé comme directeur général pendant environ trois ans.
Que nous dit Kashkari ?
Peu importe que des millions de personnes spéculent activement sur les marchés d’actions et d’options américains. « S’ils perdent de l’argent, c’est leur problème. ».
Des forces destructrices sont à l’œuvre – des forces qui se sont enracinées longtemps et profondément. Est-il normal que depuis des années, les autorités encouragent à la spéculation en fournissant des jetons de casino gratuits et en promettant que cela continuera aussi loin que peut porter le regard ?
La spéculation est devenue profondément structurelle.
L’infrastructure et la théorie ont massivement évolué pour inciter à la spéculation, pour garantir qu’il est à la fois facile et parfaitement rationnel de jeter de « l’argent » sur les marchés.
Tout est fait pour inciter au crédit boursier, au levier et à la folie des dérivés comme les options ou le VIX.
Tout est fait pour faire évoluer l’objet de l’investissement ou du placement de droit de propriété vers le statut de billet de loterie.
Et que dire du jeu de « l’investissement passif », qui est exactement la négation de la fonction d’allocation éclairée qui devrait présider à l’investissement de ressources rares…
A suivre.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]