▪ Une petite séance d’accalmie entre deux tempêtes de volatilité. Oui, vous vous attendiez à ce que nous évoquions l’oeil du cyclone et vous avez vu juste !
A l’échelle des trois mois de vents contraires qui ont soufflé sur la majorité des marchés, ces petites pauses qui permettent de remettre un peu d’ordre dans la voilure ne sont que de simples clignements de paupières.
Si nous jetions un regard sur le baromètre qui trône dans l’une des salles de réception du New York Stock Exchange, désormais cerné 24h/24 par les manifestants anti-Wall Street, nous aurions toutes les chances de constater que l’aiguille pointe toujours vers la zone « dépression ».
Peut-être est-elle sur le point de remonter vers la zone « variable » — ou peut-être pas… En tout cas, ne comptez pas la voir s’installer dans la zone « beau fixe » comme du temps où la Fed avait installé un baromètre en plâtre dans ses bureaux de New York. A l’époque, ses QE1 et QE2 faisaient office de puissants halogènes entretenant l’illusion d’un plein soleil permanent sur les marchés.
Face à la menace inflationniste, mais également au constat de l’échec patent de l’usage de la planche à billets pour relancer l’économie, Ben Bernanke a dû débrancher ses projecteurs équipés de lampes de 1 500 watts (en 2009) puis de 600 watts (fin 2010).
Il vient de les troquer mi-septembre contre des ampoules basse tension de 450 watts, surnommées Twist par les chefs éclairagistes de Wall Street.
Si cela permet d’y voir clair dans le domaine des taux longs (qui vont demeurer très bas très longtemps est-il écrit sur le mode d’emploi), les opérateurs ont fini de bronzer aux frais du contribuable sur les marchés actions.
Car le contribuable américain ne peut plus se payer ne serait-ce qu’une petite séance d’UV tant son découvert est abyssal. Rappelons que l’Etat américain a endetté sans vergogne les deux prochaines générations.
Il faut s’attendre à ce que le Congrès US rejette sèchement le plan de relance de l’emploi à crédit de 440 milliards de dollars que le président avait présenté fin septembre. Les parlementaires de l’opposition républicaine (et leurs alliés du Tea Party) l’avaient qualifié de « mort-né » dès que les grandes lignes ont commencé à filtrer de la Maison Blanche. Vous pouvez leur faire confiance, ils vont l’enterrer en grande pompe… mais sans fleurs ni couronnes.
▪ En Europe, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont engagés à ce que la Grèce échappe à l’éviction de la Zone euro tandis que le FESF sera modifié de façon à ce que les banques échappent à la faillite. Cela soulagerait la BCE d’une tâche qui épuise ses fonds propres.
Cependant, ils n’ont pas promis que les contribuables des pays dits solvables (ceux qui disposent encore de leur triple A) échapperont à une lourde ardoise.
Une ardoise trois ou quatre fois plus lourde que si nos élites européennes avaient convenu dès le début de la crise grecque en novembre 2009 qu’il faudrait passer à la caisse et réinjecter des fonds chez les détenteurs de dettes souveraines. Ces derniers ont feint de croire, encouragés par les déclarations lénifiantes des bureaucrates de Bruxelles, que le rendement fleuve des emprunts grecs, portugais ou irlandais ne correspondait à aucun risque symétrique de défaut.
La France et l’Allemagne promettent que la tempête de défiance des marchés va se calmer de ce côté-ci de l’Atlantique d’ici la prochaine réunion du G20 (elle se déroulera début novembre sur la Côte d’Azur).
▪ Nous doutons que les gouvernements aient véritablement les capacités d’empêcher que le mistral fasse claquer les 20 drapeaux d’ici trois semaines ! Et encore moins qu’une vague scélérate (un mini-tsunami) vienne submerger les plages et la Croisette comme ce fut le cas il y a un an.
Cela se produisit début mai 2010, alors que la crise grecque faisait justement plonger les marchés de 15% à 20%. Pourvu que l’histoire ne se répète pas, ou alors cela signifierait que Mère Nature a vraiment décidé de se venger de la bêtise et de la cupidité des hommes.
Elle n’aura pas à s’en mêler, si nos calculs sont bons. En effet, l’accroissement du volume global de mauvaises dettes en circulation dans le monde (dont beaucoup sont dissimulées dans un système financier parallèle et totalement opaque) nous menace, tel un iceberg dont les dettes souveraines de certains Etats en déshérence ne sont que la partie émergée.
Il est à peu près impossible de chiffrer les montants nécessaires à la recapitalisation des banques s’il leur prenait la fantaisie de procéder à une opération vérité sur la valeur des produits dérivés de type obligataire, sur lesquels elles ont une exposition plus ou moins directe.
Nous entendons par là des engagements représentant des risques qu’elles considèrent comme couverts — mais seulement sur le papier — par des CDS ou des swaps. N’oubliez pas que leur efficacité dépend presque exclusivement de la solvabilité de la contrepartie… qui est tout sauf certaine.
Il y a de surcroît toutes les prises de position spéculatives sur les matières premières du fait des arbitrages au détriment du dollar durant les périodes de quantitative easing. Dans la même catégorie, il faut compter également avec les contrats à terme et autres certificats sur les métaux précieux, en principe convertibles, mais où il est facile de constater que le sous-jacent serait impossible à mobiliser en cas de besoin.
Tout simplement parce le stock mondial existant n’y suffirait pas, ensuite parce que celui-ci est déjà gagé ou préempté par les banques centrales qui n’ont aucun intention de livrer le physique.
Si nous avons entamé cette chronique en évoquant l’oeil du cyclone, c’est parce que nous savons que le bord opposé du mur de la grande spirale dépressionnaire (de dettes) ne va pas tarder à percuter notre fragile édifice économique qui tremble sur ses fondations (le dollar) et se fissure de toutes parts (comme le Traité de Maastricht)
Goûtons ces quelques jours (et désormais ces quelques heures) d’accalmie relative que nous offrent les marchés.
▪ Wall Street essaye de reprendre ses esprits après la folle séance de lundi et les 3,5% de hausse du Nasdaq qui est venu tester la barre des 2 600 points ce mardi.
Les indices américains se sont contentés d’osciller mollement autour du point d’équilibre. Le Dow Jones s’est effrité de -0,15%, le S&P terminait stable (+0,05%) tandis que le Nasdaq affichait +0,65%.
C’est une consolidation à l’horizontale qui dupliquait avec beaucoup de fidélité le scénario observé en Europe quelques heures auparavant. En effet, l’Euro-Stoxx 50 et le CAC 40 ont lâché 0,25% mais Francfort a grappillé 0,3%.
Wall Street n’a guère réagi en début de soirée à la nouvelle initiative de Standard & Poor’s et Fitch Ratings. Elle concernait la notation des dix principales banques espagnoles : le numéro un européen Santander, notamment, mais aussi Bankinter, Banco Sabadell, BBVA.
Les deux agences dénoncent une croissance atone (qui tend vers la récession), un chômage qui flirte avec les 21% et un stock considérable de créances immobilières douteuses.
▪ Wall Street était fermé lorsque le parlement slovaque — au terme d’un interminable suspens de près de neuf heures– a rejeté le renforcement du Fonds de secours (FESF). Cela va engendrer des élections anticipées et un probable remaniement gouvernemental.
Mais rassurez-vous, Bratislava nous promet un nouveau vote, positif cette fois-ci, avant la fin de la semaine.
C’est ça la démocratie. On revote jusqu’à ce que le peuple fasse le bon choix que les élites lui recommandent !
Et la démocratie, selon les deux prix Nobel d’économie américains que nous évoquions hier, c’est de confier les pleins pouvoirs budgétaires à la BCE. D’après eux, cette dernière est censée résoudre la crise grecque et les problèmes de gouvernance à propos desquels les parlements (élus) des 17 pays de l’Eurozone ne parviendront jamais à s’entendre.
Si la démocratie voulait être efficace, elle cesserait de confier son sort à des responsables qui restent à la merci du caprice des urnes et s’inspirerait de l’exemple de la BCE dont les membres et le patron ne sont issus d’aucun processus électoral. La BCE n’a depuis l’origine de compte à rendre à personne (et surtout pas aux populations de l’Eurozone) et encore moins aux gouvernements.
Si la situation évolue dans le sens que souhaitent les marchés, ce sont bientôt les gouvernements qui auront des comptes à rendre à la BCE. Les peuples se verront accorder les pleins pouvoirs en matière de nomination et de révocation des candidats de… l’émission Secret Story.
Avouez que c’est plutôt bien trouvé. Depuis le début de la crise des subprime et de sa propagation aux dettes souveraines, le pauvre citoyen européen — s’il s’en tient aux communiqués officiels de la BCE, de Bruxelles ou des gouvernements — baigne en pleine secret story… les intrigues sexuelles en moins depuis la démission du patron du FMI.
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