▪ L’Europe est manifestement une grande idée, un modèle d’humanisme et de solidarité que le monde entier nous envie et qu’il convient de sauver coûte que coûte. Nul doute que certains symboles plaident fortement pour que les citoyens européens se mobilisent afin de consolider l’édifice.
En cette période de psychodrame lié aux tristes aspects comptables du dossier grec, il était important que l’Europe montre un visage plus avenant et donne des gages de confiance dans l’avenir. C’est désormais chose faite : l’Europe parie ouvertement sur une réduction spectaculaire et spontanée du nombre de pauvres en 2011. Un bel exemple de confiance dans l’avenir s’il en est !
La Commission européenne a en effet annoncé ce lundi la division par quatre du budget de l’aide alimentaire destiné aux plus démunis (113 millions d’euros contre 513 millions en 2010).
Ce fonds avait été mis sur pied dans l’urgence lors de l’hiver meurtrier de 1986 (vague de froid). Il avait été décidé en 1990 que l’enveloppe représenterait 1% du budget de la PAC, la Politique agricole commune de l’Union européenne.
Selon plusieurs associations caritatives, deux millions d’Européens devraient se trouver privés de cet ultime rempart contre une pauvreté absolue et un risque de sous-alimentation comme il n’en subsiste que dans quelques pays sous-développés.
Le chiffre donne le vertige ; une récente enquête révèle que 43 millions d’habitants de l’Union sont désormais concernés par la pauvreté alimentaire. Ce montant a plus que doublé depuis le début de la crise — qui se résorbe depuis 2010, si, si, on vous le garantit.
La réduction drastique du fonds de secours est le fruit d’un arrêt rendu par la Cour européenne de justice en avril dernier. Il fait suite à une plainte déposée par l’Allemagne au motif que les 1% prélevés depuis 25 ans sur le budget de la PAC « se sont transformés en une aide financière purement sociale ayant perdu tout lien avec la politique agricole commune, ce qui constitue une violation flagrante des principes de l’Organisation mondiale du commerce ».
On ne badine pas avec les règlements intérieurs européens ni avec ceux de l’OMC. La Cour européenne de justice a donné raison à l’Allemagne et la Commission n’a pas jugé pertinent de faire appel.
Il souffle sur le Vieux Continent un vent de rigueur toute germanique… Il constitue un signal encourageant en ces temps où de nombreuses voix s’élèvent (surtout d’outre-Rhin) pour dénoncer le laxisme budgétaire de certains pays dont le comportement de « cigales » doit être recadré, voir sanctionné par de sévères mesures d’austérité.
L’Europe démontre ainsi sa ferme volonté de reprendre son destin financier en main. Difficile de comprendre pourquoi apparaissent ici et là des manifestations d’euroscepticisme, voire d’europhobie ! Les gens ne sont jamais contents !
▪ Les Grecs, responsables de tous nos maux (le tabloïd allemand Bild est formel à ce sujet) sont les premiers à se plaindre. Selon un sondage publié hier, ils seraient 47,5% à prétendre que l’Europe leur sort par les yeux.
C’est si vrai que les plus riches d’entre eux auraient transféré de 250 à 300 milliards d’euros vers la Suisse (hors Zone euro) en 10 ans. Athènes est en grande partie coupable de ne pas avoir su — ou voulu — l’empêcher. Cela indispose clairement les pays du nord de l’Europe : il est difficile de leur donner tort sur ce point.
Nous pourrions vous exposer des dizaines de motifs de griefs légitimes invoqués par les 27 pays de l’Union européenne les uns contre les autres.
Si quelques illuminés avaient l’idée saugrenue de créer l’UE aujourd’hui, ainsi qu’une monnaie unique, vous pouvez être certains qu’elles n’auraient jamais vu le jour.
Il existe des épreuves qui font taire les rancoeurs et qui nous rendent plus fort. La crise grecque semble en être l’antithèse absolue. Le même diagnostic est tout aussi valable en ce qui concerne le Portugal, l’Irlande et peut-être bientôt l’Espagne, la Belgique (qui se désintègre de l’intérieur) ou l’Italie (menacée de dégradation par Moody’s depuis vendredi dernier).
▪ Les détenteurs de dollars boivent du petit lait. Le billet vert pourrait ne pas avoir plus de valeur qu’un billet de Monopoly mais la désunion européenne en fait une devise refuge… alors que les Etats-Unis sont au moins aussi insolvables que la Grèce !
Un des économistes en chef de Bank of America Merrill Lynch, Ethan Harris, se demande à voix haute si un défaut partiel sur la dette américaine ne serait pas préférable à des coupes dans les dépenses budgétaires, en ces temps d’essoufflement de la croissance.
Eh bien figurez-vous que 56% de ses compatriotes sont d’accord avec lui, d’après un sondage Rasmussen publié ce lundi… même s’ils sont également 70% à penser qu’un « incident de crédit » (pour reprendre la terminologie des agences de notation) serait « une mauvaise chose » — « a bad, bad thing« , selon Tim Geithner et Ben Bernanke.
▪ Pas de quoi émouvoir Wall Street, qui grappillait 0,6% à la mi-séance (même score que vers 17h30 lors de la clôture des places européennes).
Les marchés par contre n’ont pas apprécié que Bruxelles diffère le versement d’une nouvelle tranche du plan d’aide à la Grèce jusqu’à ce que le Parlement local vote, ce mardi vers 23h, la confiance au nouveau gouvernement formé le 17 juin par M. Papandreou. Cela en vue de l’adoption des mesures de privatisation et d’austérité prévues dans le cadre du second plan de sauvetage… qui ne sauvera rien du tout, tout le monde le sait, mais c’est toujours trois ans de gagnés si le processus va à son terme.
Au final, Paris consolide de -0,63% à 3 799,6 points. Le CAC 40 n’est même pas parvenu à sauvegarder les 3 814 points (score au 31 décembre 2010), de telle sorte que le bilan annuel redevient négatif de 0,12%. Allons-nous vivre une huitième semaine de repli consécutif ?