▪ Pour autant que nous en sachions, un seul vice-président américain a contribué de manière mémorable à la vie publique. Il s’agit de Charles Dawes, vice-président sous Calvin Coolidge.
M. Dawes était un banquier de Chicago, également compositeur. Il a écrit la mélodie d’une chanson populaire américaine — It’s all in the game. ["Tout est dans le jeu", ndlr.]
Ah, et il a aussi gagné le prix Nobel pour avoir inventé un plan — le Plan Dawes — qui mettait fin au débat sur les réparations à la suite de la Première Guerre mondiale. Comme avec bon nombre de Prix Nobel, le comité a probablement pris sa décision un peu hâtivement. Le Plan Dawes n’a jamais fonctionné.
Dawes vivait dans un monde différent du nôtre. Le dollar américain valait encore de l’or. Toute devise qui ne s’appuyait pas sur l’or était suspecte.
Les banques émettaient de la monnaie, à l’époque — leurs propres billets. Parfois les banques étaient solides. Parfois non. Mais au moins les clients savaient à quoi s’attendre. Si une banque faisait faillite, ils perdraient de l’argent.
Aujourd’hui, ce n’est pas aussi simple. Les banques n’émettent plus leurs propres billets. Aux Etats-Unis, on utilise les mêmes dollars dans tout le pays. Mais que valent ces dollars ? Vont-ils être la cause de pleurs et de grincements de dents ?
▪ A l’heure où nous écrivons ces lignes, Barack Obama se prépare à prononcer son discours sur l’Etat de l’Union. Nous sommes tentés de lui envoyer quelques idées :
"Mes chers compatriotes", commencerions-nous. "J’ai de bonnes nouvelles et de mauvaises nouvelles".
"La bonne, c’est que nous avons éliminé la paperasse associée au programme de bons d’alimentation".
"La mauvaise, c’est que nous avons aussi éliminé le programme. Enfin, ce pourrait être une bonne nouvelle aussi, selon le point de vue qu’on adopte".
"La bonne nouvelle, c’est que les troupes américaines rentrent d’Irak, d’Afghanistan et de 100 autres pays différents. Nous avons tant de soldats à l’étranger que nous avons perdu le compte ; je ne comprends pas ce qu’elles étaient censées faire là-bas".
"La mauvaise nouvelle, c’est que les soldats ne pourront probablement pas trouver un emploi en rentrant".
"La bonne nouvelle, c’est que là aussi, nous agissons. J’élimine toute la législation concernant la main-d’oeuvre qui empêche les gens d’embaucher. Vous voulez un emploi ? Faites la queue comme tout le monde — sans-papiers compris. Vous voulez qu’une tâche soit accomplie ? Trouvez-vous un travailleur compétent".
"Oh, et il y a encore une bonne nouvelle : les Etats-Unis ne vont pas faire faillite. Pas tant que je suis aux commandes".
"Pourquoi ? Parce que je propose un budget fédéral équilibré. Qu’est-ce qui n’allait pas chez George W. Bush, franchement ? Ce n’est pas si compliqué. On calcule combien on a à dépenser, et on ne dépense pas un sou de plus. C’est simplement de l’arithmétique. Déficit budgétaire cette année ? Zéro".
Bien entendu, si nous prononcions un discours sur l’Etat de l’Union, nous serions probablement forcé de démissionner avant d’arriver à la fin. Le pays n’accepterait pas un président qui ne joue pas selon les règles du jeu.
Quel jeu ? Eh bien, le gouvernement américain a une mission : la survie. A mesure que les années passent, de plus en plus de gens veulent que le gouvernement survive. Parce que de plus en plus de gens y ont intérêt.
Comme les 43 millions de personnes qui reçoivent des bons d’alimentation. Ou les milliers qui s’enrichissent grâce aux contrats militaires. Ou les millions de retraités qui comptent sur la Sécurité sociale.
Non que nous en voulions à ces gens pour leurs biens mal acquis. Pas du tout. Ils jouent le jeu, eux aussi.
Mais au cours du temps, le jeu devient de plus en plus cher. Plus de voix à acheter. Plus de gens à payer. Plus de faveurs à distribuer. De plus en plus de déficits. De plus en plus de dettes. De plus en plus d’intérêts à payer sur la dette. Ensuite, il faut emprunter simplement pour couvrir les emprunts passés.
Et finalement il devient impossible de continuer. Les prêteurs refusent. Vous vous retrouvez à court d’argent. Game over.