** Voici un très rapide résumé de l’état d’esprit général régnant parmi les conférenciers participant au Salon de l’Analyse technique qui se tenait en fin de semaine dernière à l’Espace Pierre Cardin à Paris et qui a connu une affluence record cette année. Il tient en quatre lettres : noir !
Oui, noir c’est noir, à moyen et long terme (deux à cinq ans). Certains chartistes envisagent une possibilité de rebond au cours des prochaines semaines, d’autres estiment que celui qui se dessine depuis le 9 mars n’est pas de meilleure facture que les trois précédents observés l’automne dernier. Avec une hausse de 14%, l’essentiel du potentiel de rebond serait déjà épuisé… à 2% ou 3% près — puisqu’il se dégage un large consensus autour d’un objectif de 2 870/2 880 points.
Vous imaginez déjà les visiteurs repartant tête basse, résignés et condamnés à voir leurs espoirs de redressement de leur portefeuille réduits à néant. Détrompez-vous, un marché baissier, c’est un marché qui demeure volatil : il y a des fortunes à faire sur les CFD (contract for difference, l’équivalent des futures sur indices mais à l’échelle d’une seule action) ou les trackers bear (des instruments parfaitement corrélés aux indices mais qui permettent de capter l’intégralité du repli d’un indice, voire le double de sa performance à la baisse).
Même s’ils sont d’un maniement plus délicat, il existe toujours toute une panoplie de puts warrants, de turbos et autres instruments très spéculatifs "à cliquer" pour faire du day trading (un pari sur la journée).
La hantise de la plupart des spécialistes des prises de positions offensives à la baisse, c’est l’interdiction générale des ventes à découvert. Si elles sont étendues des valeurs financières à l’ensemble des autres compartiments de la cote, ce sera la fin des positions short qui peuvent rapporter jusqu’à 50% en 48 heures. Cela signifierait aussi la fin de la couverture d’options d’achat ou des arbitrages en faveur des bons de souscription.
Non décidément, une dégringolade du CAC 40 vers les 2 000 points — ou 2 130 points pour Marc Dagher — ne fait pas peur aux chartistes. Cela ne ferait que conforter le suivi de la tendance inaugurée fin 2007 et confirmée avec la grosse rupture de janvier 2008. En outre, cette baisse n’exigerait aucune remise en cause de la politique des stops, c’est-à-dire des rachats ou reventes impératifs en cas de retournement de tendance… lequel peut provoquer des pertes d’argent.
Je rentrerai un peu plus dans le détail des pronostics que j’ai pu glaner au gré des rencontres et des interviews lors d’une prochaine Chronique. Pour conclure sur le sujet, j’ai rencontré beaucoup de spéculateurs rassurés que je pronostique un rebond un peu plus important que la majorité des stars du chartisme — le fait qu’ils se soient fort peu trompé depuis deux ans confère une certaine légitimité à ce titre !
En effet, pour réaliser de belles performances à la baisse, il faut bien que le marché leur offre une opportunité de revente à des cours bien plus élevés, afin de maximiser leurs gains lorsque les indices casseront au cours des prochains mois leurs récents planchers de début mars.
** Avant de revenir sur le résumé de la semaine du 16 au 20 mars, je vous propose un petit détour par la rubrique nécrologique des banques américaines avec le faire-part nous indiquant la faillite ce week-end de la First City Bank de Stockbridge, en Géorgie. C’est la dix-huitième banque américaine à déposer le bilan cette année.
En 2008, 25 banques américaines — dont une poignée d’établissements de premier ordre ou presque centenaires — avaient fermé leurs portes, carbonisées par la crise financière.
Fin décembre, ce ne sont pas moins de 250 établissements bancaires en difficulté — soit 10 fois le total des défaillances constatées l’an passé — qui faisaient l’objet d’une étroite surveillance de la part de la FDIC, la Federal Deposit Insurance Corporation.
** Le rebond des valeurs françaises a pourtant été porté par les valeurs financières avec des hausses de 22,3% sur AXA, de 21,6% sur Natixis ou de 18,2% sur Crédit Agricole.
La hausse globale du marché n’a pas été aussi spectaculaire que la semaine passée (3,15% contre 6,75%) mais le CAC 40 aligne donc une deuxième semaine de hausse consécutive à Paris. Une situation qui s’était pas vue depuis fin janvier/début février 2009, mi-juillet 2008, ou mi-mars 2008 — la hausse avait alors tenu jusqu’à mi-mai.
La situation s’est en revanche retournée à Wall Street après la clôture des marchés européens. Le Dow Jones a perdu 1,65%, le Nasdaq était en recul de 1,8% et le S&P fermait la marche avec -2%.
Dopés par la rechute du billet vert depuis 48 heures, et peut-être même par le recul des actions américaines, les cours du pétrole continuaient de grimper. Il se traitait à 51,5 $ le baril à New York — il était parti de 43 $ lundi dernier. Parallèlement, l’euro se maintenait à son meilleur niveau depuis l’automne dernier vers 1,36 dollar.
** Les chefs d’Etats et de gouvernements européens réunis à Bruxelles lors d’un sommet consacré à la situation économique et financière ont continué à se montrer réticents à s’engager sur de nouvelles mesures de relance budgétaire. Ils ont insisté sur le besoin d’une régulation financière efficace comme arme contre la crise.
Les chiffres économiques en Europe confirment pourtant l’ampleur de la récession. La production industrielle a reculé de 3,5% dans la Zone euro et de 2,9% dans l’Union européenne en janvier 2009 par rapport à décembre 2008. En décembre, la production avait diminué de 2,7% dans les deux zones, contre de précédentes estimations de -2,6% et de -2,3%.
Concernant la France, l’Insee a prévenu vendredi matin que les perspectives de l’économie française ne s’éclairciraient pas au premier semestre 2009. L’institut prévoit un repli de l’activité de 1,5% au premier trimestre, avant un recul moins marqué, de l’ordre de 0,6%, au deuxième trimestre.
Sur l’ensemble de l’année, la contraction devrait atteindre -3%, en imaginant simplement que le second semestre ne soit marqué que par une très légère dégradation de la conjoncture — ce qui serait un miracle compte tenu des prévisions de notre principal partenaire, l’Allemagne.
Philippe Béchade,
Paris