On nous annonce la Troisième Guerre mondiale, et les marchés financiers bougent de quelques pourcents au plus ? Cela s’explique en réalité assez simplement…
Compte tenu de la gravité de la situation actuelle sur de nombreux plans, les niveaux boursiers actuels sont incompréhensibles. Ils ne comportent aucune prime de risque pour tenir compte de cette gravité extrême.
Je ne vois qu’une interprétation : les gros acteurs, initiés et autres représentants de la « smart money » ne croient pas à ce qui nous est montré et dit.
Ce qui explique la non-réaction, c’est le doute.
Tout est désamorcé
Les très grands détenteurs de capitaux ne croient pas aux gesticulations que nous offrent les banquiers centraux, les gouvernements bellicistes, et même pas aux manifestations populistes. De même, ils ne croient pas à un maintien durable de l’inflation. Si c’était le cas, le bon du Trésor à 10 ans américain ne serait pas à 1,9% de rendement.
Le doute est à mon sens radical.
Si les spectateurs croyaient à ces pantomimes, les cours seraient déjà 20% sous les niveaux actuels, les gaps seraient quotidiens, les titres des médias alarmistes. Mais non… tout est désamorcé, banalisé.
J’en tire la conclusion que, dans leur inconscient, les marchés ont acquis la conviction que tout cela était bidon simplement de la poudre aux yeux pour le public.
Je maintiens cependant mon appréciation de fond : nous sommes dans une correction, avec un pilotage délicat mais conduit habilement. Les ultimes autorités responsables que sont les banques centrales n’ont perdu ni le contrôle des marches ni celui des récits.
La comédie continue, l’imaginaire n’est pas brisé.
Dans ces conditions, tout en maintenant mon analyse qui considère que 2022 est une année charnière, il me semble prématuré de faire comme si les dés étaient déjà jetés.
On peut encore jouer les prolongations, taper dans la boîte, refaire un tour de manèges.
Plus que jamais, nous nous trouvons dans cette post-modernité qui faisait dire aux Américains au début de la guerre en Afghanistan qu’ils créaient leur propre réalité et le reste du monde s’y adapteraient.
En ces temps d’escalade tous azimuts, je pense que le seul véritable qualificatif qui s’applique à toutes – je dis bien toutes – les situations évoquées ci-dessus et dans tous les domaines est celui de « dérisoire ».
Nous baignons dans ce « dérisoire », dans le faux semblant, dans la gesticulation grotesque. Nous baignons dans les « postures » et surtout dans la « médiocrité », fruit de l’incompétence.
Sans exception
En parallèle, l’une de mes idées maintes fois répétées est que les banques centrales, comme leur nom l’indique, sont… des banques.
Elles ne sont centrales qu’accessoirement, parce que tout remonte à elles. Certes, elles disposent de privilèges spéciaux, mais cela ne les autorise pas à déroger aux règles de l’orthodoxie.
Ces règles sont simples, ce sont les règles de solvabilité en cas de revers de fortune.
Je ne crois guère aux exceptionnalismes, ni ceux des Etats, ni ceux des banques ou des institutions. J’ai tendance à considérer la croyance aux exceptionnalismes comme une infirmité de l’esprit, comme un refuge de l’ignorance des vrais modes de fonctionnement de l’entité dit exceptionnelle.
L’examen de l’Histoire montre clairement que ce n’est qu’un mythe entretenu par les puissants du moment.
Ce que l’on pense à un moment donné sur la situation historique est un produit de cette situation historique, pour la justifier. Par exemple la théorie des marchés efficaces, qui fut élaborée pour justifier la dérégulation des marchés et la financiarisation. Ou bien la théorie des anticipations rationnelles, pour justifier le libéralisme. Ou encore la théorie du risque réduit à la volatilité. Etc.
Le réel produit son commentaire sur le réel. Les théories du moment sont le produit du moment, un point c’est tout. Ce ne sont pas des vérités mais des justifications. Parmi les exemples récents, on pourra citer la théorie du Chartalisme ou encore la « théorie monétaire moderne ».
A notre époque, l’homme croit avoir des pouvoirs divins et échapper aux règles éternelles de la rareté et de la finitude. Il nie les lois de la thermodynamique, les découvertes de Per Bak sur les états critiques, il croit avoir volé le secret du feu et ainsi échapper à sa condition.
Les illusions monétaires de la fausse monnaie sont fondées sur le mythe prométhéen.
Non, on ne peut pas alourdir le bilan des banques centrales de plomb et continuer d’affirmer que c’est aussi bon que l’or.
Non, l’eau des égouts du système international du crédit n’est pas purifiée par le passage dans le bilan des banques centrales. Elle y est stockée.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]