Le point commun entre les constructeurs de pyramides, chasseurs de sorcières et gouverneurs de la Fed…
Aujourd’hui, nous continuons notre marche vers une destination inconnue, dans les pas des travailleurs américains.
Toutes les sociétés, à toutes les époques, ont été façonnées par des mythes et des mensonges. Souvent, ces mythes sont devenus des faits.
Le mythe pouvait être par exemple, que Pharaon était un dieu. Puis il est tombé malade et est mort comme tout autre homme.
Et ce pouvaient être des balivernes de penser que les travailleurs de la vallée du Nil devraient consacrer leur force de travail excédentaire à la construction de monuments gigantesques.
Mais le Sphinx… et les pyramides… sont réels. Des faits. En briques de terre cuite, boue et pierre. Imposants. Simples, comme la terre qui les entoure. Erodés par le soleil, le sable et le vent. Mais toujours debout après des millénaires.
Et qui sait si les hordes transpirantes de constructeurs n’étaient pas heureux de leur travail ? Regardaient-ils la grande pyramide de Gizeh avec fierté et plaisir… comme un travail bien fait ? Ou se sentaient-ils utilisés, abusés… manipulés… ou même, poussés vers le ressentiment ou la rage par le fouet du contremaître ?
Nous ne le savons pas. Mais cela nous rappelle juste à quel point nous sommes adaptables… flexibles… et à quel point nous sommes prêts à croire n’importe quoi.
Vrais croyants
Mme Stephanie Kelton est une croyante. Elle était sur la chaîne CNBC récemment. L’économiste avait appris à penser et agir rationnellement, sensément… à trouver quatre quand elle ajoutait deux et deux… mais jamais cinq ou six.
Cette compétence a dû lui faire penser que c’est tout ce qu’il fallait savoir. Elle – et d’autres économistes de sa trempe – sont éminemment capables de faire face à la dette américaine, croit-elle. Oui, cette montagne s’approche des 33 000 Mds$. Oui, elle s’accroît de 5 Mds$ par jour. Oui, les autorités américaines devront continuer d’emprunter encore plus rien que pour garder le cap.
Mais non. Ça n’est pas un problème. La monnaie vient du gouvernement, dit-elle, commettant l’erreur classique de confondre la « devise » produite par les autorités avec la vraie « monnaie ».
Et elle n’est pas la seule à confondre « monnaie crédit » et « vraie monnaie ».
Voici ce qu’explique Newsweek :
« [Les ménages américains ont remarqué que] l’accès au crédit est plus difficile qu’il y a un an, une tendance qu’ils verront probablement se poursuivre.
‘Les attentes de disponibilités futures du crédit se sont détériorées en août, avec une augmentation de la part des répondants s’attendant à ce qu’il soit plus difficile d’obtenir un crédit durant l’année à venir’, a expliqué la Fed de New York.
Dans l’ensemble, ‘les perceptions des ménages à propos de leur situation financière courante et de leurs attentes concernant l’avenir se sont aussi détériorées’. »
Et un supplément de CNBC :
« La proportion de sondés indiquant que les chances d’obtenir un crédit étaient moindres aujourd’hui qu’elles ne l’étaient un an plus tôt a augmenté, pour atteindre près de 60%, selon le sondage sur les attentes des consommateurs de la Fed de New York. »
Quel mythe est-ce là ? Quelles balivernes le soutiennent ? Pourquoi des gens veulent-ils encore emprunter… et s’enfoncer d’autant plus dans la dette ?
Ne devraient-ils pas tenter d’obtenir plus de monnaie, plutôt que du crédit ?
La monnaie est difficile à obtenir. Il faut travailler pour cela… ou, si vous êtes un investisseur, attendre. Mais les autorités peuvent produire autant de crédit qu’elles le veulent – immédiatement, et pour un « coût négligeable », comme Ben Bernanke l’a expliqué. Et ils peuvent continuer à en produire jusqu’à la Saint-Glinglin.
Ils peuvent l’utiliser pour faire de bonnes choses, dans l’intervalle. Comme nourrir les affamés. Loger les sans-abris. Transporter les non-véhiculés. Et distraire les ennuyés.
Ils n’ont certainement pas besoin de ce satané plafond de la dette. Ils peuvent faire monter la dette jusqu’où ils veulent ; c’est leur choix. Et l’inflation ? Ne vous souciez pas de ça non plus. Les autorités donnent ; elles peuvent reprendre (via les impôts).
Pratique et théorie
En bref, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Des économistes intelligents peuvent garder le système sur les rails. Les banques centrales peuvent créer du crédit. Les consommateurs peuvent emprunter.
Jacques Rueff avait perçu le problème il y a déjà des années. Il l’avait identifié dans la citation que nous avons présenté hier en début de notre chronique. Le problème n’était pas que les gardiens de la monnaie n’étaient pas intelligents. Et ce n’était pas non plus que le système ne pourrait pas marcher – en théorie. C’est en pratique que les failles apparaîtraient.
Alors que les gouverneurs de la Fed auraient parfaitement pu faire croître la masse monétaire à un rythme prudent et raisonnable (Friedman a suggéré 3%, à peu près autant que la croissance du PIB), ce n’est pas ce qu’ils ont choisi. Après tout, ils ne sont qu’humains, ou, comme disait Nietzsche, « trop humain ». Comme les ouvriers égyptiens… les chasseurs de sorcières du Massachussets… la Grande Armée attaquant la Russie… et les Américains envahissant l’Iraq… ils se sont montrés prêts à croire n’importe quoi.
Revoici cette citation de Rueff :
« Je ne crois pas que les autorités monétaires, tout aussi courageuses et bien informées qu’elles puissent être, peuvent délibérément causer ces contractions de la masse monétaire, que le simple mécanisme de l’étalon-or auraient généré automatiquement. »
Le problème n’est donc pas nécessairement la monnaie elle-même, mais les gens qui en ont la charge. Les humains. Une fois qu’ils ont obtenu le pouvoir de créer de la fausse monnaie, ils ont pris une mauvaise habitude. Mais une habitude difficile à réprimer.