L’affrontement entre Elon Musk et Donald Trump dépasse les querelles d’ego. Il révèle une fracture profonde au sein de la droite américaine.
Pauvre Elon. Il a perdu l’amour de la gauche radicale en s’associant à Donald Trump, et maintenant, en rompant avec ce dernier, il s’est mis à dos les adeptes de MAGA.
Fox News suit l’affaire de près :
« Elon Musk a envoyé mercredi une missive à ses 220 millions d’abonnés sur X (ex-Twitter), les appelant à contacter leurs représentants au Congrès pour faire entendre leur opposition à une législation qui, selon le Congressional Budget Office – organisme non partisan –, ajouterait plusieurs milliers de milliards de dollars à la dette nationale. »
Le lendemain, Musk en a rajouté une couche :
« Sans moi, Trump aurait perdu l’élection. »
Axios rapporte :
« Ian Miles Cheong, soutien affiché de Musk et figure de la droite sur X, a tweeté : ‘Président vs Elon. Qui gagne ? Je parie sur Elon. Trump devrait être écarté et JD Vance le remplacer.’
Musk a répondu : ‘Oui.’
Puis, quand un autre utilisateur a évoqué les absurdités des tarifs douaniers de Trump, Musk a de nouveau réagi : ‘Les tarifs de Trump provoqueront une récession au second semestre de cette année.’ »
Et voici ce qu’a ajouté Musk :
« Donald Trump figure dans les dossiers Epstein. C’est la vraie raison pour laquelle ils n’ont jamais été rendus publics. »
Mais Trump ne laisse rien passer. Selon Forbes :
« Les actions de Tesla ont chuté de plus de 8 % jeudi, alors que la relation entre Elon Musk et Donald Trump semble se dégrader rapidement. Musk multiplie les attaques sur X, et Trump rétorque que les critiques du patron de Tesla sur son projet de loi emblématique relèvent du ‘syndrome anti-Trump’. »
N’est-ce pas amusant ? L’homme le plus riche du monde s’en prend maintenant à l’homme le plus puissant du monde. Depuis que Louis XIV s’est retourné contre son fidèle lieutenant, le très riche et très prospère Nicolas Fouquet, le monde n’a jamais rien vu de tel.
Jaloux de la richesse et du pouvoir de Fouquet, Louis l’a fait arrêter et s’est approprié ses biens, dont le joyau des châteaux français, celui de Vaux-le-Vicomte. Fouquet est mort en prison 19 ans plus tard.
Et maintenant, nous assistons à une nouvelle lutte. Musk contre Trump. L’argent contre la politique. Les cerveaux contre les muscles. Une logique gagnant-gagnant contre une autre gagnant-perdant.
En fin de compte, Musk prône les accords gagnant-gagnant. Il doit satisfaire ses clients, y compris les investisseurs. S’il échoue, ils le laisseront tomber. (Malheureusement pour lui, son plus gros client est le gouvernement américain.)
Trump, quant à lui, est adepte des accords gagnant-perdant. Même dans les affaires, il pensait que le seul moyen pour gagner de l’argent était de faire « perdre » l’autre. Et lorsque quelqu’un le contrariait, il ripostait « dix fois plus fort ».
Comment cela va-t-il se passer ? Dans les prochains jours, nous nous attendons à ce que la bataille tourne à l’avantage de Musk. En effet, le champ de bataille actuel porte sur la grande et belle abomination budgétaire au Sénat. Musk est en position de force. La position de Trump est indéfendable. Et les républicains du Sénat traversent une véritable crise d’identité. Sont-ils encore des « conservateurs » ? Ou sont-ils devenus des Trumpistes MAGA ?
Au XXe siècle, il y avait encore une distinction claire : les démocrates d’un côté, les conservateurs républicains de l’autre. Même au sein du parti républicain, on trouvait deux catégories. Les républicains de la côte Est, version Rockefeller : plus riches, mieux habillés, alignés sur les intérêts de Wall Street. Et les républicains conservateurs rustiques de la ceinture agricole : plus patriotes, plus religieux, méfiants envers l’Etat. Mais tous avaient en commun une aversion profonde pour le déficit, qu’ils considéraient comme un péché.
En 1981, le ratio dette/PIB était encore de 30 %.
Mais tout a changé avec l’instauration du nouveau système monétaire en 1971. Il a fallu quelques années aux républicains pour s’adapter, mais une fois qu’ils ont compris que le gouvernement fédéral pouvait désormais simplement « imprimer » de l’argent, il n’y avait plus, à court terme, de pénalité pour les excès budgétaires.
En réalité, la punition s’est inversée : si vous votiez contre l’augmentation des dépenses, vous risquiez de perdre votre siège au Congrès. Si vous votiez pour, la Fed créait l’argent nécessaire pour couvrir les coûts.
De 1981 à 2020, les taux d’intérêt ont baissé, tandis que la Fed alimentait le système avec ce capital factice. Aujourd’hui, la dette publique dépasse 120 % du PIB.
Il y eut bien quelques tentatives de retour en arrière – après 1990 – pour restaurer l’ancienne religion budgétaire : le « Pledge », puis le Tea Party. Mais dans l’ensemble, les républicains sont devenus des Démocrates bis : prêts à dépenser, encore et encore, en échange de votes. Ce sont les fameux RINO (Republicans In Name Only) [NDLR : « républicains seulement de nom » en français].
C’est un démocrate de longue date qui a transformé le parti républicain : Donald Trump. Sous sa houlette, les conservateurs ont cédé la place à ce que l’on pourrait appeler des « socialistes du Grand Chef ». Ils ne défendent plus un gouvernement limité, mais réclament, à l’unisson des démocrates, un Etat grand, puissant et ambitieux.
Et à quel point sont-ils désormais proches des démocrates ? USA Today :
« Le président Donald Trump a déclaré qu’il était d’accord avec sa vieille antagoniste, la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, sur la nécessité d’abolir le plafond de la dette. »
Aujourd’hui, aucun des deux partis ne souhaite limiter le niveau d’endettement. Mais cette logique touche peut-être à sa fin.
Car Musk a raison : si les déficits continuent hors de contrôle, une crise financière se profile.
Et même si les Trumpistes dominent encore le parti républicain, ils ne seront peut-être pas assez nombreux pour faire passer la grande et belle abomination budgétaire en cours – sauf à accepter des modifications substantielles.
1 commentaire
J’ai bien aimer cette lecture sur l’affrontement MUSK-TRUMP , à suivre .
Merci.