Elon Musk veut créer un troisième parti politique pour s’imposer face aux républicains et aux démocrates. Mais son projet semble condamné d’avance.
Le gouvernement Trump a le vent en poupe, économiquement et politiquement. Les Etats-Unis viennent d’enregistrer un excédent budgétaire, en juin, grâce aux énormes recettes provenant des tarifs douaniers que le Trésor américain a engrangées.
Donald Trump a fait adopter sa « One Big Beautiful Bill » (grande belle loi), et travaille actuellement sur un « recission package », un train de mesures visant à annuler ou à réduire des dépenses publiques précédemment autorisées afin de réaliser des coupes budgétaires au-delà de celles prévue initialement.
Des nuages se profilent-ils à l’horizon pour Trump et le mouvement MAGA ?
The America Party
Vous avez probablement entendu parler du projet d’Elon Musk, la création d’un troisième parti (ou « tiers parti » ou « parti alternatif »), et la nomination de candidats qui affronteront les républicains et les démocrates lors de la prochaine élection présidentielle de 2028, et peut-être même dès les élections de mi-mandat (midterms) de 2026. Son nom ? The America Party.
Diriger un troisième parti est loin d’être facile.
Le projet de Musk pose un premier problème : c’est Mark Cuban et Anthony Scaramucci qui l’ont incité à le faire.
Cuban est un entrepreneur fortuné du secteur des technologies qui a récemment racheté le club de basketball des Dallas Maverick (NBA). Il s’est constitué une base de followers grâce à l’émission Shark Tank. C’est un perpétuel agitateur politique, qui parle toujours de se présenter aux élections présidentielles mais n’a jamais franchi le pas.
Scaramucci détient le record du plus bref passage à la Maison-Blanche (10 jours environ) en tant que directeur de la communication de Trump, lors du premier mandat de ce dernier. Il a été « viré » pour avoir fait des commentaires vulgaires et méprisables sur un autre conseiller du président américain.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’aucun détenteur d’un réel pouvoir politique ne prend Cuban et Scaramucci au sérieux. Si Musk les écoute, il ferait bien de suivre un tutoriel sur le fonctionnement réel de Washington.
Le second problème de Musk, c’est qu’il a fondé sa décision sur un sondage réalisé sur X (ex-Twitter) et révélant que les Américains sont favorables à 2 contre 1 à un nouveau parti.
Les sondages de ce genre ne sont pas du tout fiables et ne disent rien de ce que les Américains ordinaires pensent réellement. Les participants au sondage sont « auto-sélectionnés », selon l’expression des statisticiens. Cela signifie qu’ils sont déjà sur X, probablement favorables à Elon Musk, et que leurs opinions politiques sont opposées au système politique établi. Ceux qui correspondent à cette description déclarent qu’ils sont favorables à un troisième parti car ils sont perpétuellement déçus par le système. Mais ils reviennent toujours vers les deux principaux partis.
Un projet voué à l’échec, dont les MAGA devraient se méfier
La démarche d’Elon Musk est presque sûrement vouée à l’échec.
Voici pourquoi : il se heurte à la longue série d’échecs des troisièmes partis.
Dans l’univers politique américain, les troisièmes partis se sont toujours soldés par un échec même si, au passage, ils ont pu avoir un impact sur les résultats entre les deux principaux partis.
Le troisième parti qui a eu le plus de succès, dans l’Histoire des Etats-Unis, c’est le « Bull Moose Party » de Theodore Roosevelt, lors de l’élection de 1912. Roosevelt a été président de 1901 à 1909. Il a décidé de ne pas se présenter à un second mandat et a soutenu le vice-président William Howard Taft lors de l’élection de 1908. Taft a gagné, mais Roosevelt a été déçu par sa performance de président. Alors il l’a affronté lors des nominations républicaines de 1912. Taft l’a emporté de peu, lors de la Convention républicaine. Alors à ce stade, Roosevelt a lancé un troisième parti.
Le candidat démocrate nommé cette année-là était Woodrow Wilson. Au bout du compte, Taft et Roosevelt ont divisé le vote républicain, avec un score de 27,4 % pour Roosevelt et de 23,2 % pour Taft. Wilson a obtenu 41,8 % et remporté l’élection avec le plus faible vote populaire qu’un candidat victorieux ait jamais décroché lors d’une élection présidentielle américaine.
La somme des voix de Taft et de Roosevelt aurait permis de remporter l’élection avec 50,6 % des voix. Roosevelt a remporté six États et 88 voix de grands électeurs, ce qui est une solide performance pour un troisième parti. Mais cela n’a fait qu’offrir la Maison-Blanche sur un plateau aux opposants politiques de Wilson.
En 1968, un autre troisième parti a enregistré une solide performance : l’American Independent Party de George Wallace, alors gouverneur de l’Alabama et ouvertement ségrégationniste – même s’il a publiquement désavoué le ségrégationnisme plus tard.
L’American Independent Party s’est présenté avec un programme défendant « les droits des Etats », un clivage classique en politique américaine. Wallace s’est à nouveau présenté en 1972 et a été victime d’une tentative d’assassinat. Il a survécu mais a dû passer le reste de ses jours en fauteuil roulant.
En 1968, Wallace a remporté cinq Etats, 46 voix de grands électeurs et 13,5 % des voix de la population. Cette année-là, les autres candidats étaient le républicain Richard Nixon (43,4 % des voix) et Humbert Humphrey (42,7 % des voix). Cette élection opposant Nixon et Humphrey fut l’une des plus serrées de l’Histoire des Etats-Unis. Comme les démocrates étaient encore puissants dans le Sud, à l’époque, il est plausible que Wallace ait coûté son élection à Humphrey.
La plus récente et la plus célèbre campagne menée par un troisième parti remonte à 1992 : Ross Perot s’est présenté en tant qu’indépendant contre George H. W. Bush (républicain) et Bill Clinton (démocrate). Perot s’est très tôt opposé aux accords de libre-échange, un peu comme Trump aujourd’hui. Il n’a pas remporté un seul Etat ou voix de grand électeur, mais 18,9 % des voix de la population, soit le chiffre le plus important depuis 1912.
J’ai été l’un des conseillers d’un candidat de troisième parti, lors des présidentielles de 2012. Mon candidat a finalement décidé de ne pas se lancer, mais j’en ai appris énormément sur les mécanismes et le financement des troisièmes partis.
L’argent et la notoriété sont cruciaux, mais ne seront pas un problème pour Musk car il ne manque ni de l’un ni de l’autre. Il trouvera probablement un candidat adéquat. (Musk ne peut pas se présenter car il n’est pas né aux Etats-Unis.)
Par ailleurs, cela peut prendre des années avant d’avoir le droit de figurer sur les bulletins de vote, dans chaque Etat, ou d’obtenir au moins un nombre suffisant d’Etats pour avoir le nombre de grands électeurs nécessaires à la victoire. Les autorités locales des deux principaux partis se battront bec et ongle.
Voilà pourquoi Elon Musk est bien avisé de s’y mettre dès maintenant, dans la perspective de l’élection de 2028.
Cela étant dit, les Américains n’apprécient pas trop les troisièmes partis. Aucun troisième parti n’a jamais remporté la Maison-Blanche, sauf si l’on tient compte d’Abraham Lincoln, en 1860, qui s’est présenté en tant que nouveau parti [NDLR : le parti républicain actuel] contre trois autres candidats.
Il est peu probable que le parti de Musk attirera le moindre fervent partisan du mouvement MAGA, à droite, ou le moindre fervent progressiste, à gauche. Les modérés, entre les deux, ne sont pas trop attirés par les troisièmes partis.
En général, les troisièmes partis perdent – mais ils peuvent parfois faire basculer l’élection, involontairement, notamment en divisant les voix du parti dont ils sont le plus proche et en permettant à leur véritable opposant de remporter l’élection présidentielle de très peu.
C’est un scénario dont les républicains devraient se méfier, en 2028, si Musk arrive jusque-là.
2 commentaires
Droite-Gauche, Conservateur-Progressiste… cela correspond à deux tendances profondes de l’Humain. En politique comme en tout autre domaine de la vie. La système bi-parti des anglo-saxons est pragmatique. La troisième voie ? Brouiller les pistes : Ce ne peut être qu’une aventure personnelle et conjoncturelle.
En ce qui me concerne, je verrai bien l’apparition d’un 3e parti non seulement aux Usa mais aussi ailleurs dans le monde…Le clivage droie/gauche est terminé, il y a nécessité d’un pragmatisme intelligent et censé qui correspond à la volonté populaire en dehors des idéologies ! Le temps fera s’en œuvre.