En rompant avec l’or en 1971, les Etats-Unis ont enclenché une transformation silencieuse : inflation permanente, explosion de la dette, dépendance aux aides, frustration sociale… et une tolérance croissante pour comportements autrefois inimaginables.
« Les figures autoritaires émergent lorsque des bouleversements économiques, sociaux, politiques ou religieux donnent à des groupes autrefois dominants le sentiment d’avoir été laissés pour compte. Leur frustration les rend vulnérables à des chefs qui leur promettent de restaurer leur puissance passée. Un homme fort minimise alors les véritables causes de leurs difficultés et leur répète que s’ils ont été dépossédés, c’est uniquement parce que des ennemis les en ont privés. » – Hannah Arendt
Nous regardons les informations. Soudain, un frisson sinistre – comme un souffle glacé venu de l’hiver – nous traverse : serions-nous devenus les méchants ? Et quel est le lien entre mauvais comportement et mauvaise monnaie ?
Selon nous, la cause profonde de l’endettement et de l’asservissement de la classe moyenne n’est autre que le changement de système monétaire. Le virage pris en 1971 a progressivement déformé non seulement la finance et l’économie, mais aussi la politique, les moeurs, la culture… et nos pensées.
Après des décennies de stabilité, au début des années 1970, la courbe de l’inflation des prix s’est orientée à la hausse. Aujourd’hui, tout semble aligné : la politique et la finance avancent main dans la main. Les politiciens ont besoin de davantage d’inflation et de dette pour se maintenir au pouvoir. Wall Street s’enrichit à mesure que la dette et l’inflation augmentent. Quant aux ménages, ils dépendent désormais de plus en plus de la dette – et de l’inflation – pour joindre les deux bouts.
Et nous avons vu combien d’autres choses ont changé.
Depuis 1971, les Etats-Unis sont passés d’une nation fière, majoritairement honnête, peuplée d’épargnants et de capitalistes propriétaires d’actifs, à une société endettée, dépendante de la bienveillance de prêteurs étranges pour leurs voitures, leurs maisons, leurs retraites, leurs soins de santé… et même leur nourriture. Pew Research précise :
« Les chiffres varient d’un mois à l’autre. Mais en mai 2025, dernier mois pour lequel les données sont disponibles, 41,7 millions de personnes dans 22,4 millions de foyers ont reçu des prestations SNAP (NDLR : le principal programme d’aide alimentaire fédéral) aux Etats-Unis. Cela représente près d’une personne sur huit dans le pays. »
D’où ces personnes honnêtes – celles du gouvernement et des établissements de crédit – tirent-elles donc leur argent ? Le gagnent-elles honnêtement, en acceptant les dépôts d’épargnants consentants et en versant des intérêts décents ? Pas du tout.
C’est là que le système devient curieux : ils créent simplement cet argent… à partir de rien. Puis le déclarent comme étant de la « monnaie ». Et lorsque la Fed distribue ce crédit fictif, l’élite financière et politique – politiciens, initiés, banques, prêteurs hypothécaires, sociétés financières, Wall Street – se sert en premier.
Le gouvernement fédéral et Wall Street bénéficient de crédits à des taux souvent bien inférieurs au coût réel de l’emprunt fondé sur l’épargne véritable. Après la crise hypothécaire de 2008, par exemple, le taux directeur de la Fed est resté inférieur au niveau de l’inflation pendant la majeure partie des quinze années suivantes. Ensuite, le secteur financier engrange des profits en prêtant à des taux de détail. Entre les 4 % de la Fed et le taux annuel moyen des cartes de crédit cette semaine, 27 %, la marge bénéficiaire est immense.
Naturellement, cet afflux de monnaie a alimenté une hausse des prix. Le coût de la « participation » à la société américaine moderne atteint désormais environ 140 000 dollars de revenu annuel par ménage, ce que Michael Green considère comme le véritable seuil de pauvreté. Mais trois ménages sur quatre gagnent moins que cela, créant un climat de frustration et de mécontentement. C’est ce qui a permis l’ascension surprenante de personnalités qui, autrefois, auraient été jugées inéligibles ou farfelues – notamment Donald Trump et Zohran Mamdani.
Le point commun entre ces deux clowns ? L’idée que nos problèmes ne viennent ni de nos propres lois, ni de nos réglementations, ni de nos élites dirigeantes, et surtout pas de notre système monétaire fiduciaire. Non, aucun lien !
Selon eux, la faute vient des « autres ». Les partisans de MAGA accusent les étrangers et les libéraux progressistes. Les Mamdanistes, eux, désignent les « riches capitalistes ». Les deux camps affirment que leurs problèmes peuvent être résolus par un leadership plus fort, et par encore plus de cadeaux, de lois, de réglementations et d’ingérence dans l’économie locale.
Entre la garde d’enfants, la santé, les voitures, les maisons, Internet, les frais universitaires, la vie devient de plus en plus difficile pour un nombre croissant d’Américains. Nous ne savons pas pourquoi les choses évoluent ainsi, mais une chose est certaine : le mécontentement général va souvent de pair avec une tolérance accrue pour des comportements répréhensibles.
L’administration, par exemple, est devenue un « cloaque moral écœurant », selon George Will. Les responsables – du président aux échelons inférieurs – proposent de frapper nos ennemis, mais semblent peu soucieux de le faire de manière décente ou même légale. Des civils sont tués sans procédure régulière – même ceux qui ont survécu à une première frappe et s’accrochent, impuissants, à des débris flottants, ne reçoivent aucune pitié.
La première frappe était probablement criminelle. La seconde était certainement ignoble. La Constitution a été mise entre parenthèses. L’habeas corpus ignoré. La procédure régulière bafouée. Quels crimes atroces avaient donc commis ces malheureux ? Personne ne le sait. Peut-être aucun.
Pendant ce temps, pour d’autres, la clémence coule à flots – comme l’eau s’infiltrant d’un toit qui fuit et rongeant les fondations de la république. Le Washington Post rapporte :
« L’ancien président du Honduras, condamné pour trafic de drogue, libéré grâce à la grâce accordée par Trump »
USA Today :
« Un New-Yorkais gracié par Trump pour fraude fiscale
Un ancien directeur de maison de retraite a échappé à la majeure partie d’une peine de trois ans de prison après avoir été gracié pour une fraude fiscale de 39 millions de dollars. »
Et The New York Times :
« Trump libère un fraudeur quelques jours après le début de sa peine de sept ans
David Gentile avait été condamné pour son rôle dans une escroquerie de 1,6 milliard de dollars ayant trompé des milliers d’investisseurs. »
Corruption. Tricherie. Violence. A l’époque d’Eisenhower, un tel comportement vous aurait disqualifié de tout poste de confiance publique. Vous n’auriez même pas obtenu un emploi de registraire des testaments dans un village reculé.
Aujourd’hui, tout cela est devenu prévisible… presque acceptable.
