Javier Milei bouscule les codes : pendant que la plupart des dirigeants renforcent l’Etat, lui s’emploie à le réduire, et les électeurs applaudissent.
Lorsque l’on observe le vaste univers de la politique, on aperçoit parfois un espace vide, sombre et froid. Mais, en y regardant de plus près, émergent deux étoiles – dont l’une semble particulièrement brillante depuis les élections de dimanche dernier.
Chez nous, Thomas Massie se dresse face aux groupes les plus riches et les plus influents du pays. Son adversaire, Ed Gallrein, ancien Navy SEAL, n’a présenté ni programme ni idées originales ; il se contente de promettre aux électeurs qu’il sera le bras droit du président et qu’il exécutera tout ce que Donald Trump lui demandera.
Gallrein a dit ceci : « Cette circonscription est un bastion de Trump. Le président n’a pas besoin d’obstacles au Congrès, il a besoin de soutien. Je vais battre Thomas Massie, me tenir aux côtés du président Trump et obtenir les résultats de la politique ‘America First’ pour lesquels les habitants du Kentucky ont voté. »
Cela nous mène à nous interroger sur un phénomène positif et curieux, à savoir Javier Milei, et aux mystérieux « résultats de la politique America First » pour lesquels les habitants du Kentucky n’ont pas voté.
Quoi que l’on pense de cet homme politique argentin peu orthodoxe, son étoile est en plein essor. Selon BBC :
« Le président argentin Javier Milei a mené son parti à une victoire écrasante lors des élections de mi-mandat de dimanche, après avoir marqué les deux premières années de sa présidence par des coupes budgétaires radicales et des réformes en faveur du libre-marché.
Son parti, La Libertad Avanza, a remporté près de 41 % des voix, obtenant 13 des 24 sièges du Sénat et 64 des 127 sièges de la Chambre basse qui étaient en jeu.
Cette victoire permet à Milei de mener plus facilement son programme de réduction des dépenses publiques et de déréglementation économique.
Avant le vote, l’allié de Milei, Donald Trump, avait indiqué que l’aide financière de 40 milliards de dollars récemment annoncée par les Etats-Unis à l’égard de l’Argentine dépendrait du maintien de la dynamique politique par Milei.
Les partisans de Milei ont salué cette décision tandis que ses détracteurs ont accusé Trump d’ingérence étrangère. »
Les plans de sauvetage nationaux peuvent être décriés comme une mauvaise politique, mais au moins ils s’inscrivent dans un cadre compréhensible du programme « America First ». Cela dit, peu de Kentuckiens avaient compris que, en votant pour Trump, ils obtiendraient un plan de sauvetage… destiné à un pays étranger. Et qu’au lieu de protéger les prix du soja et du bœuf américains, le président ouvrirait ces secteurs à davantage de concurrence.
Quant à l’ingérence électorale… Trump a déclaré aux Argentins qu’il était prêt à leur accorder une ligne de crédit de 40 milliards de dollars – mais seulement s’ils votaient pour le candidat, Milei. Il a même offert à ce dernier une séance photo à la Maison-Blanche, l’appelant son « président préféré ».
Utiliser l’argent des contribuables américains pour influencer une élection est déjà étonnant. La CIA et d’autres agences secrètes font cela depuis des décennies… mais jamais en plein jour. Peut-être est-ce un signe de progrès : au lieu d’assassinats, de coups d’Etat et de chantage, les autorités fédérales recourent ouvertement à la corruption pour obtenir les régimes politiques qu’elles souhaitent.
Mais cela nous mène à une autre question : pourquoi Trump veut-il que Milei soit à la tête de l’Argentine ?
« Je soutiens cet homme parce que sa philosophie est juste, et qu’il pourrait bien gagner. Il ne gagnera peut-être pas, mais je pense qu’il va gagner. Et s’il gagne, nous resterons à ses côtés. S’il ne gagne pas, nous partirons. »
Mais si la philosophie de Milei est juste, alors celle de Trump doit être fausse – puisqu’elles sont opposées.
La presse grand public, qui est assez crédule, présente Milei comme un « homme de droite ». Trump le pense peut-être. Mais la vérité est certainement ailleurs : Barry Bennett, un stratège républicain, et Rob Citrone, un milliardaire new-yorkais, auraient trouvé un moyen de gagner beaucoup d’argent en convainquant Trump de soutenir le peso argentin. Dès l’annonce, des millions – voire des milliards – ont changé de mains.
Milei n’est ni de droite ni de gauche ; c’est un libertarien doctrinaire. Contrairement à Trump, ce n’est pas un Grand Chef, mais un leader visionnaire. Et son idée est fondamentalement celle inscrite dans la Constitution américaine, aujourd’hui oubliée : que le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins.
Le président argentin fait ce qu’aucun autre chef d’Etat ne fait… et ce que, à notre connaissance, aucun n’a jamais fait auparavant. Il vise à ôter de l’ampleur au gouvernement.
De temps en temps – mais de plus en plus rarement – un homme politique comme Massie souhaite suivre la Constitution, limiter son propre pouvoir et laisser les gens mener la vie qu’ils souhaitent. Le plus souvent, la « gauche » et la « droite » convergent pour chercher à prélever une part toujours plus importante de la production nationale, pour ce que Milei appelle la « casta política« .
En ce sens, Trump est un cas typique. Il a étendu le rôle du gouvernement fédéral peut-être plus que tout autre président de ce siècle. Commerce, immigration, criminalité, santé, éducation, politique étrangère… Jamais auparavant le pays n’avait eu un président aussi activiste à la Maison-Blanche.
Milei, lui, fait autre chose. Il réduit les budgets, supprime des emplois, élimine des appendices bureaucratiques inutiles. Il est au pouvoir depuis un peu moins de deux ans. Pendant cette période, il a réduit l’inflation d’environ 90 % et le déficit budgétaire de 100 %. L’Argentine est sortie de sa récession quasi permanente pour devenir l’économie la plus dynamique du continent, avec une croissance du PIB plus de deux fois supérieure à celle des Etats-Unis. Les salaires réels ont triplé, et la pauvreté a été réduite de 40 %.
Cette semaine, après avoir remporté les élections de mi-mandat, l’étoile de Milei brille plus que jamais. Il a passé le premier test. Il a frappé le gouvernement à coups de tronçonneuse, comme promis. Les électeurs ne se sont pas révoltés : ils ont applaudi.
