Après de longues périodes de calme et de tranquillité… le moment du krach finit par arriver.
« Notre trajectoire n’a jamais été aussi funeste qu’aujourd’hui. »
~ Larry Summers
Summers parlait des finances de l’Etat américain. Les autorités ont pris l’habitude de dépenser de l’argent qu’elles n’ont pas et qu’elles n’auront jamais. Comme nous l’avons vu la semaine dernière, l’équipe de Biden a ajouté 1 000 Mds$ à la dette américaine en seulement cinq semaines. Et l’équipe de Trump, avant elle, a fait plus de dégâts fiscaux que n’importe quelle autre administration jusqu’à présent.
La majorité des dépenses publiques ne font que redistribuer les richesses. Ces paiements de transfert – pris aux uns, donnés aux autres – s’élevaient à un taux annuel inférieur à 3 000 Mds$ avant que Trump ne soit aux commandes. Lorsqu’il est parti, l’argent a changé de mains à un rythme annuel de 8 000 Mds$ – ce qui représente le transfert le plus important et le plus irréfléchi de l’histoire du monde.
Aujourd’hui, les deux partis cherchent des moyens de dépenser plus d’argent. Et y a-t-il une meilleure raison de le dépenser qu’au nom de la « sécurité nationale » ? La loi CHIPS a permis aux fabricants de puces de silicium de bénéficier de 53 Mds$ gâchés. Combien de temps faudra-t-il avant que l’argent n’aille entre les mains des constructeurs de navires ?
Des puces aux navires
Thedrive.com nous met en garde :
« Les données compilées par l’Office of Naval Intelligence indiquent que l’écart croissant entre les tailles des flottes américaines et chinoises est favorisé par le fait que les constructeurs navals chinois ont une capacité de production de navires de guerre et de sous-marins 200 fois supérieure [à celle des Etats-Unis]. Cela souligne les préoccupations de longue date concernant la capacité de la marine américaine à défier les flottes chinoises, ainsi qu’à maintenir ses forces à flot dans le cadre de tout type de conflit futur de grande ampleur.
Le rapport présente également une projection des tailles des ‘forces de combat’ de la marine américaine et chinoise – définies comme le nombre total de ‘navires de combat, sous-marins, navires de guerre, principaux navires amphibies, [et] grands navires auxiliaires de soutien au combat’ – pour chaque période de cinq ans entre 2020 et 2035. Le rapport indique qu’en 2020, la marine chinoise disposait de 355 navires de combat et la marine américaine de 296. En 2035, l’écart entre les chiffres de la Chine (475) et des États-Unis (305 à 317) va se creuser considérablement. »
D’accord. Rappelez-nous… Qu’est-ce qui a donné l’avantage aux nordistes lors de la guerre de Sécession ? La combativité de leurs soldats ? Leurs grands généraux ? Ou le fait qu’il avaient la possibilité de fabriquer beaucoup plus de navires, de canons et de chaussures que le Sud ?
Et qu’en est-il de la Première Guerre mondiale ? Le « Plan XVII » du commandant français Joseph Joffre était-il meilleur que le « Plan Schlieffen » d’Helmut von Moltke ? Ou bien les alliés étaient-ils simplement épaulés par la plus grande économie du monde, les Etats-Unis ?
Et pendant la Seconde Guerre mondiale, est-ce le génie militaire américain qui a triomphé… ou le fait que les Etats-Unis pouvaient produire trois fois plus d’avions de chasse que l’Allemagne ? La construction navale en Allemagne s’est pratiquement arrêtée pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que les Etats-Unis ont construit près de 6 000 navires.
Et maintenant, que faire ? « Dépenser plus d’argent – pour les navires… et les puces ! » C’est ce que disent les langues déliées du Congrès.
Un déluge en perspective
Une mise en garde s’impose : les nations remportent les guerres en dépensant de l’argent pour produire des bombes et des armes à feu. Mais une économie qui est mesure de produire des fusils et des bombes en abondance est le plus souvent celle qui n’a pas gaspillé son argent pour ces choses-là quand elle n’en avait pas vraiment besoin.
Quoi ? Comment ça ?
Il s’agit d’un « moment Minsky à combustion lente », écrit James Montier.
Hyman Minsky était un économiste qui a noté que les périodes de stabilité sont systématiquement suivies par des périodes de volatilité. La raison en est assez évidente. Moins il pleut, moins les gens songent à réparer leurs toits. Puis, lorsque l’averse arrive, elle détrempe tout.
L’avenir projette son ombre sur le présent. Si les prix de l’immobilier augmentent régulièrement, année après année, les gens commencent à se faire à l’idée qu’ils augmenteront toujours. Les prêteurs baissent alors leurs taux d’intérêt, car ils pensent que la valeur de leur garantie augmente. Les vendeurs augmentent leurs prix ; ils pensent qu’ils renoncent à des gains futurs. Les acheteurs, qui s’attendent à ce que les prix des logements augmentent, sont prêts à payer davantage pour un bien qui s’apprécie.
Les prix augmentent donc… et atteignent des niveaux irréalistes et insoutenables. L’individu moyen ne peut plus s’offrir un logement moyen. Les ventes ralentissent. Les prix baissent… puis chutent. Les familles, dont les hypothèques sont plus élevées que la valeur de leur maison, laissent les clés à la porte et s’en vont.
Dans tout système complexe, il y a toujours des pressions, des erreurs et des contradictions. Si elles ne sont pas corrigées, elles s’accumulent. La correction peut alors s’avérer catastrophique.
La décivilisation en marche
Le phénomène se produit dans tous les domaines de l’activité humaine. La stabilité engendre le chaos. Nous avons tenté d’expliquer le yin et le yang de ce phénomène dans notre dernier livre, Uncivilizing America. Il n’y a que deux façons d’obtenir ce que l’on veut dans la vie (nous parlons ici de tout ce qui est matériel). Vous le fabriquez… et vous l’échangez. Ou bien vous vous en emparez par la force, ou la fraude. Les accords sont soit gagnants-gagnants. Ou bien ils sont gagnants-perdants. Il s’agit soit de transactions pacifiques sur le marché libre, soit de transactions politiques.
Nous en parlons parce que la « politique » semble avoir le vent en poupe. Et la « politique » est toujours volatile, chaotique et, en fin de compte, destructrice. Elle suit également sa propre logique. Comme nous l’avons suggéré, la nation qui pratique la « politique » avec le plus d’enthousiasme (la Corée du Nord ?) est celle qui a le moins de chances de s’offrir les armes les plus récentes… et qui a le moins de chances de l’emporter dans l’ultime combat politique – la guerre.
Oui, il y a aussi des moments Minsky dans la mégapolitique, lorsque la stabilité d’une époque bascule dans la volatilité et la violence d’une autre. À certains moments de l’histoire, pour des raisons qui n’ont jamais été claires pour nous, le zeitgeist change… passant de la liberté et des marchés… à la guerre, aux sanctions, à l’argent fictif et à la planification centrale. La civilisation mène à la paix et à la prospérité (et à la capacité de construire des bateaux et des canons).
Puis viennent les déficits, les subventions, les plans industriels, les sanctions… les barbares… et la défaite.