Pour contrer la prochaine récession, l’arme de la baisse des taux est devenue insignifiante ; il restera aux Etats-Unis la relance par le bétonnage comme au Japon ou en Chine.
Nous observons. Nous attendons. Nous nous interrogeons.
« La première panacée d’un gouvernement mal géré, c’est la guerre », écrivait Hemingway. « La deuxième, c’est l’inflation », continuait-il. La troisième, c’est le béton.
Nous les verrons probablement toutes les trois dans les années qui viennent.
Les meilleurs macro-économistes annoncent une récession « avant la fin 2020 ».
Quoi ? Cela fait déjà des années que nous attendons…
Nous aimerions qu’il se passe quelque chose avant, ne serait-ce que parce que nous en avons assez d’attendre.
C’est comme de regarder quelqu’un jouer à la roulette russe devant vos yeux. Il fait tourner le barillet. Il appuie sur la détente. Rien ne se passe. Vous savez comment ça va finir — vous aimeriez juste qu’il se dépêche pour que vous puissiez revenir à vos activités.
Sur les marchés, les choses mettent toujours plus temps à s’enclencher que l’on s’y attend. Mais une fois que la mèche est allumée… tout va très vite. Jusqu’à ce que la prochaine grande tendance soit en cours.
Une mèche allumée sur les marchés ?
Quand est-ce que ce sera le cas ? Nous n’en savons rien — mais c’est sans doute pour bientôt. Le Financial Times nous en dit plus :
« Le nombre d’emprunteurs aux Etats-Unis ayant de sérieux retards sur leurs remboursements automobiles a atteint en 2018 le plus haut niveau jamais enregistré, faisant naître des inquiétudes quant à la détérioration du crédit à la consommation en dépit de la vigueur de l’économie dans son ensemble ».
Quoi ? La mer ne s’est pas encore retirée que de nombreux nageurs ont déjà perdu leur maillot. Pourquoi les consommateurs seraient-ils incapables d’assurer leurs remboursements automobiles… alors que le chômage est censé être à un plancher record ?
Nous sommes d’avis que « les emplois, les emplois, les emplois » dont se vante cette administration relèvent plus de la fiction statistique que des faits appartenant à l’économie réelle.
Cela n’a guère d’importance.
Dans nos Chroniques, nous tenons pour acquis que l’économie — guidée par la Fed et encouragée par l’industrie financière — va imploser.
De plus en plus de dettes s’empilent. L’économie, alourdie et handicapée par le remboursement des dettes automobiles, dettes immobilières, dettes d’entreprise et intérêts sur la dette nationale, vacille… puis chute.
Ce n’est pas une prédiction. C’est une observation.
Les cycles sont appelés « cycles » parce qu’ils se répètent. Le cycle du crédit ne fait pas exception. Le krach suit le boom. Cela a toujours été le cas. Cela sera toujours le cas.
Nous réfléchissons à ce qui va se passer ensuite.
En route pour la stagflation
C’est à ce moment-là que les prochaines tendances et politiques, celles qui domineront pendant les années à venir, se révéleront. Notre supposition — un point de vue que nous partageons avec Alan Greenspan : nous sommes en route pour la stagflation.
Les banques centrales, un peu partout dans le monde, ont ajouté quelque 21 000 Mds$ de nouvel argent ces 16 dernières années. Cet argent est allé en quasi-intégralité à l’économie financière. C’est ainsi que les riches sont devenus bien plus riches durant cette période. Les prix de leurs actifs ont grimpé, flottant sur une marée montante de cash.
C’est également ainsi que la dette mondiale est passée à 250 000 Mds$ aujourd’hui contre seulement 50 000 Mds$ environ il y a 16 ans.
A mesure que les prix des actifs grimpaient — le Dow, par exemple, a pris plus de 300% –, il en allait de même pour les nantissements des consommateurs, des entreprises et des spéculateurs, qui pouvaient ensuite servir de levier pour emprunter de nouvelles sommes.
Globalement, le ratio production ramené à la dette est passé de 1 contre 1,5 — son niveau habituel — à 1 contre 3,5 aujourd’hui.
Tous ces excès et absurdités seront corrigés, bien entendu. M. le Marché s’en chargera. Ensuite, le levier fonctionne dans la direction opposée — faisant s’effondrer les prix des actifs, le crédit et l’économie réelle.
C’est ainsi que le cycle fonctionne. Elégamment. Sans efforts. Inévitablement.
Un excès d’instincts animaux est guéri par une pénurie d’instincts animaux. Un trop-plein de crédit est guéri par un manque de crédit. Et une bulle est guérie par un krach.
En cas d’urgence, coulons du béton
Tout cela mettra en mouvement les rouages frauduleux habituels, prétendant renverser la correction naturelle. Les taux d’intérêt seront réduits à zéro… puis sous le zéro.
Le QE n’est plus ce petit marteau que l’on est censé utiliser uniquement pour briser la vitre en cas d’urgence ; désormais, il est suspendu à la ceinture à outils de la Fed, à côté de son mètre mesureur extensible.
Ensuite, les autorités trouveront rapidement d’autres outils ; bientôt, elles achèteront des ETF et initieront de gigantesques programmes d' »infrastructures » pour « relancer l’économie ».
C’est là que le béton entre en scène. A un moment durant les années 1990, le Japon coulait plus de béton que les Etats-Unis.
L’idée était de « remettre l’économie en mouvement » en cimentant jusqu’au plus petit lit de rivière… en mettant un barrage sur chaque fleuve, en construisant des ponts vers nulle part et des routes là où personne ne voulait aller.
Ce sont ensuite les Chinois qui ont pris le relais bétonnier. Ils ont construit des usines, des routes, des ponts… et des appartements par millions. La production de ciment… et son utilisation… ont atteint des niveaux vertigineux.
Si tout cela avait été largué sur Washington, versé sur le Capitole et laissé durcir, eh bien… cela aurait été une bonne chose.
La semaine dernière, la Fed a mis fin son programme de normalisation à 300 points de base du niveau normal.
En d’autres termes, au lieu d’avoir un taux directeur proche des 5-6%, ce qui serait normal pour la fin d’un boom de 10 ans, et donnerait à la Fed 500 points de base à réduire — comme durant la crise de 2008 –, on n’est qu’aux environs des 2,4%.
Cela ne laisse aux décideurs politiques que peu de munitions monétaires ; ils devront se faire sauter le caisson avec la politique budgétaire — accumulant des déficits plus profonds (également financés par l’argent imaginaire de la Fed) — pour arrêter la correction.
Nous sommes d’avis que les ventes de béton augmenteront à mesure que les projets d’infrastructure sont décrétés. Mais il y a probablement un meilleur endroit que les actions des cimentiers pour votre épargne : l’or. Plus de dépenses fédérales dans une économie paresseuse signifiera très probablement une hausse de l’inflation.
Depuis 2003, les Etats-Unis profitent d’une ère d’inflation basse. Même ainsi, les prix ont officiellement grimpé de près de 40%, tandis que le coût réel de la vie pour les vrais gens a bien plus augmenté.
Sur les 16 prochaines années, vous devriez vous attendre à ce que votre argent perde de la valeur plus rapidement encore… avec peut-être des prix deux à trois fois plus élevés d’ici 2035 qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Alors que faisons-nous ? Nous observons. Nous attendons. Nous nous interrogeons.
Et nous achetons de l’or : peut-être va-t-il grimper… ou peut-être pas. Mais il ne disparaîtra pas — contrairement à beaucoup d’autres choses.