▪ Le CAC 40 s’apprête à inscrire une seconde hausse hebdomadaire, moyennant un score honorable de +3%. A ce rythme-là, la Bourse de Paris aura renoué avec ses records annuels avant Noël.
Pour ceux qui scrutent leurs graphiques à la loupe, tout se passe comme si les séances de lundi et mardi n’avaient jamais existé, une sorte de mauvais rêve ! Pfutt, envolé !
Quant aux chanceux qui auraient attendu la rentrée scolaire pour prendre leurs vacances en « tarifs verts » à partir du 8 septembre pour effectuer un beau voyage de quatre semaines au Bhoutan ou en Mongolie extérieure (loin des réseaux GSM), ils retrouvent en revenant le CAC 40 dans l’état ou ils l’avaient laissé : à 3 080 points.
Difficile pour eux de comprendre pourquoi leur conseiller de clientèle a les yeux cernés, raconte des fables délirantes et présente des ongles rongés jusqu’à la deuxième phalange.
« Si vous saviez, cher Monsieur (ou chère Madame) ! Vous avez failli trouver porte close à votre retour, des rumeurs de faillite de notre établissement ont circulé durant pratiquement toute votre absence ».
« On nous a prétendus bannis du marché interbancaire, privés de transactions avec les banques chinoises, incapables de trouver un dollar pour refinancer nos opérations courantes à Wall Street, rayés de la liste des banques solvables par certaines de nos contreparties à la City, quittés dans l’urgence par de grosses multinationales allemandes pour se jeter dans les bras de la BCE, et enfin d’être candidats à une nationalisation pour un euro symbolique ».
« Par chance, personne n’a songé à faire circuler le bruit que nous étions impliqués dans un des grands scandales financiers qui secoue actuellement la République… mais si la chute de notre cours de Bourse avait duré 48 heures de plus, peut-être y aurions-nous eu droit ! »
« Nous avons affronté un climat de psychose tel que si quelqu’un avait prétendu que nos coffres étaient remplis de déchets radioactifs au lieu de piles de lingots d’or, des experts nucléaires en combinaison intégrale auraient débarqué en rangs serrés, compteur Geiger à la main, suivis d’une horde de journalistes hystériques, pour fouiller les sous-sols de notre tour à la Défense ! »
« Et si vous pensiez, cher Monsieur (ou chère Madame) que les marchés s’imaginaient des scénarios de faillite pour le seul plaisir de voir les petits épargnants blêmir en ouvrant leur journal, voyez plutôt ce qu’il advient de Dexia ! On a appris qu’ils supportent un encours de plus de 500 milliards d’euros de prêts pour des fonds propres qui ne dépassent pas les huit milliards… ce qui nous fait un effet de levier de — voyons cela précisément — de 62,5 fois alors que la norme de solvabilité préconisée par Bâle III serait comprise entre 12 et 13 ».
« Et je ne devrais pas vous le dire… mais vous risquez de l’apprendre d’une manière ou d’une autre : la rumeur nous prêtait (mais on ne prête qu’aux riches) un levier de 40 compte tenu de notre position d’intermédiaire de premier plan sur les marchés dérivés ! »
« Rajoutez-y le soupçon que nous détenons également des positions à risque massives sur des marchés de gré à gré et des instruments non listés et nous atteindrions également un solde d’engagement à terme sur fonds propres de 62,5 ».
« Alors vous comprendrez, cher client (chère cliente) que mon sommeil fut souvent long à venir — ainsi que très agité — tandis que mes journées s’apparentaient à un vrai cauchemar. Il me tardait donc de recevoir votre visite afin que vous me parliez de cette fabuleuse contrée que vous avez visitée durant quatre semaines et où les habitants, dont beaucoup sont nomades m’aviez-vous dit, ne savent même pas comment s’orthographie le mot banque, ni à quoi ce genre d’établissement peut bien servir dans la vie courante ».
« Je compte bien, sur vos judicieux conseils, contacter au plus vite votre agence de voyage afin d’y réserver le même périple que celui que vous venez d’accomplir. Il sera inutile que j’explique aux autochtones quel est mon métier ; ils n’y comprendraient rien. Et cela me fera pour le coup de vraies vacances ! »
« Et si, quand je rentrerai dans un mois, notre banque a fermé ses portes… Eh bien j’aurai au moins acquis des notions de transhumance de troupeaux et de médecine par les plantes. Sans négliger le fait que mes ongles ont repoussé dans l’intervalle, ce qui pourrait s’avérer pratique si je dois creuser le sol pour déterrer des racines et autres tubercules comestibles ».
▪ Avouez, cher lecteur — et chère lectrice –, que la petite pochade qui précède ne repose pas sur de folles extrapolations tirées d’un scénario de banque-fiction. Vous apprendrez bientôt, nous en somme convaincu, que la planète finance est passée à côté de la catastrophe et que la grande apocalypse de 2012 a bien failli se produire avec une année d’avance.
A moins qu’un savant comptage des années depuis la rédaction des Commentaires sur la conquête de la Gaule par Jules César nous enseigne — par le biais d’une référence à une date très précise d’un cycle lunaire, ce qui permettrait de la resituer dans la continuité astronomique telle que nos ordinateurs peuvent la recalculer — que nous avons « zappé » une année dans la chronologie des événements entre -52 avant Jésus-Christ et 2012 après sa naissance.
▪ S’agissant du rebond surprise qui s’est amorcé mardi soir, la chronologie semble également avoir joué un rôle majeur, comme si depuis 20 ans, les marchés étaient incapables de reculer durant plus de 56 séances (soit l’équivalent de deux cycles lunaires… si les marchés fonctionnaient en continu).
Parce que Wall Street mais également le CAC 40 ou l’Euro-Stoxx ont amorcé leur redressement à l’issue d’un cycle de 52 séances de repli. Nous ne savons pas si la magie des nombres a une réelle influence sur les cycles boursiers. Nous savons seulement que les robots de trading algorithmiques sont gavés de séries de chiffres qu’ils recombinent à l’infini, d’équations qui tentent de percer à jour les mystères du chaos.
Auraient-ils sans en avoir conscience (une machine n’en possède pas) intégré et appliqué une de ces lois intemporelles qui ressurgissent épisodiquement pour ordonner la marche du monde ?