** Nous devons faire amende honorable auprès de nos abonnés qui ont soit assisté à la mini conférence traitant du pétrole au salon de l’Analyse technique les 28 et 29 mars, soit qui en ont pris connaissance via internet (une vidéo de cinq minutes est au menu du portail Boursorama). En effet, le scénario d’une consolidation du baril de pétrole vers 95 $ d’ici la mi-avril (nous y sommes presque) est caduc.
C’est donc le scénario « bis » — qui n’avait pas notre faveur — d’une nouvelle poussée de fièvre de l’or noir jusque vers 114,5 $ (sommet du canal haussier long terme) qui se matérialise, avec l’inscription d’un nouveau record absolu du baril à 112 $ au moment où nous rédigeons ce paragraphe.
Pour ne rien vous cacher, nous n’aurions pas misé plus de 100 $ sur un tel scénario, quand bien même les stocks de brut américains auraient enregistré une contraction inattendue de 3,2 millions de barils (et de 3,4 millions de barils pour les stocks d’essence), selon les derniers chiffres dévoilés par les services du Département américain de l’Energie (EIA).
** Non vraiment, cette journée ne se prêtait guère au déclenchement d’une nouvelle fièvre spéculative sur le pétrole, alors que le FMI vient de dévoiler une série de prévisions confirmant l’intensité de la récession amorcée dès l’automne 2007 aux Etats-Unis et qui risque de plomber toutes les économies occidentales « matures » jusqu’en 2009.
Les champions de la croissance mondiale vont sans surprise demeurer les pays d’Asie émergente (Chine, Inde, ex-Dragons coréen et taïwanais) avec des scores voisins de 8,2% cette année et 8,4% l’an prochain (contre 9,7% en 2007).
Les pays rassemblés sous l’acronyme BRIC (le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine) représentent à eux seuls environ la moitié de la croissance mondiale… et 90% de la hausse de la consommation de produits pétroliers et ferreux. Ils absorbent également 80% de la hausse de la demande de céréales depuis que les Etats-Unis ont envahi l’Irak (déstabilisant durablement le fragile équilibre que l’OPEP s’était efforcé de préserver).
Ce n’est donc pas un hasard si la région du Moyen-Orient (qui englobe la plupart des principaux pays exportateurs de pétrole) va réaliser la meilleure performance relative en 2008 : le PIB devrait y progresser de 5% cette année — à 6,1% contre 5,8% en 2007.
A l’autre extrémité du palmarès, nous retrouvons sans surprise les démocraties occidentales, aux prises avec la crise du subprime et l’éclatement de la bulle immobilière. Selon le FMI, la croissance devrait chuter de plus de 75% aux Etats-Unis, passant de 2,2% à seulement 0,5%, et ne devrait rebondir que très symboliquement (0,6%) en 2009.
Il s’agit d’un démenti cinglant des prévisions optimistes de la Fed qui verrait volontiers le PIB américain ré-accélérer à un rythme de 1,8% à 2% dès l’an prochain.
Notre Vieux Continent ne sera pas épargné, avec une division par deux de la croissance en Grande-Bretagne (1,6% contre 3,1% en 2007) et une chute de 45% en Zone euro (1,4% contre 2,6% en 2007).
La mauvaise nouvelle, c’est qu’aucune amélioration n’est anticipée en 2009 : l’activité devrait encore ralentir pour n’afficher qu’un piètre 1,2%, soit moitié moins que la moyenne historique des 20 dernières années.
Les ex-pays de l’Est s’en tireront mieux avec 4,4% cette année… mais le coup de frein anticipé n’est pas négligeable par rapport à 2007 : environ -25%.
Au Japon, confirmant le diagnostic gouvernemental rendu public ce matin, le PIB nippon sera strictement identique à celui de l’Euroland cette année. Cependant, la comparaison s’arrête là puisqu’une embellie à 1,5% se dessinerait pour 2009, influence favorable des pays d’Asie oblige.
Avec la panne de l’économie américaine, la croissance mondiale devrait fléchir de 20% par rapport à 2007 (soit un score de 3,7% en 2008 contre 4,9% l’an passé), avant de se stabiliser autour de 3,8% en 2009.
Le FMI se montre surtout pessimiste au sujet des Etats-Unis ; il n’anticipe pas d’impact positif du mouvement d’assouplissement monétaire actuel. L’autre information décisive réside dans la démonstration que les économies occidentales ne tireront guère de bénéfice des taux de croissance de 6,7% (en moyenne) dans l’ensemble des économies émergentes — et probablement de 9,8% à 10% en Chine en 2008 et 2009, contre un rythme de 11,4% en 2007 selon la Banque asiatique de développement.
** Ceci ne fait que renforcer notre incrédulité face à la flambée du pétrole qui s’est matérialisée ce mercredi, et qui envoie une nouvelle fois le billet vert par le fond, sous les 1,5850/euro.
La bourse de Paris a donc eu bien du mérite à ne céder que 0,77% au final mercredi, un repli en tous points comparable à celui de Wall Street (qui alignait une troisième séance de consolidation) au moment de la clôture des marchés européens.
Les marchés américains ont surtout pâti de l’avertissement d’UPS (profits 2008 revus en baisse de 10%) motivé, le croirez-vous… par la hausse des coûts liés aux carburants (gasoil et kérosène).
Et ce n’est pas tout : le prix du riz servi dans les cantines du siège de l’entreprise, basée à Atlanta, à doublé en un an — s’il provient de Louisiane — et s’est même envolé de 120% s’il s’agit du basmati importé d’Inde ! Il va falloir songer à réduire les rations des chauffeurs et leur apprendre à mettre leur moteur au point mort dans les descentes…
Voilà un cas typique d' »inflation de second tour » comme dirait J.C. Trichet… mais la BCE dispose d’une parade universelle qui fonctionne aussi bien en période de récession que de dérive des prix — un phénomène contre lequel elle ne peut strictement rien : « passer son tour ».
Dont acte ce jeudi !
Philippe Béchade,
Paris