Et si l’expulsion des immigrés n’était pas une solution, mais le début d’un problème bien plus vaste ?
« Tout ce que je fais, c’est diriger le pays – et je le fais bien. » – Donald Trump
Les forces MAGA se heurtent au mur de briques d’une réalité implacable. Il n’y a pas de repas gratuits. Pas de solutions miracles. Et aucun faux problème qui ne puisse devenir un vrai désastre, pour peu qu’on lui applique vigoureusement une solution estampillée MAGA.
Nous nous souvenons que l’empire est en déclin… et ce, depuis près de vingt-cinq ans. Donald Trump a été élu pour tenter de l’enrayer.
S’il parvenait à redresser la barre, cela bouleverserait la tendance principale et nous obligerait à revoir nos perspectives d’investissement à long terme. C’est pourquoi, tels des glaneurs fouillant une benne à ordures à la recherche d’un sandwich à moitié entamé, nous continuons d’examiner le programme de Trump, dans l’espoir d’y trouver un élément qui nous aurait échappé.
Jusqu’à présent, pas même une croûte.
La pensée de Donald Trump repose sur une logique de xénophobie gagnant-perdant : il y a des problèmes partout et chacun d’eux serait causé par quelqu’un d’autre. Pour gagner, il faut que l’autre perde.
Moins d’immigrants dans le bassin d’emploi, par exemple, ferait grimper les salaires des citoyens américains. Moins d’importations fabriquées par des étrangers, et les consommateurs achèteraient davantage américain. Les ventes, les bénéfices et les emplois – fournis par des entreprises basées aux Etats-Unis – s’en trouveraient dopés.
Un problème très simple à comprendre. Apparemment facile à résoudre.
Que faire ? Il suffit de les rassembler – les « illégaux ». Envoyer l’ICE en tenue de combat. Expulser ces fauteurs de trouble qui enfreignent la loi. Et interdire l’immigration en provenance des pays que nous n’aimons pas.
Trump prévoit d’expulser dix millions « d’illégaux ». Il a réservé à cet effet 70 milliards de dollars dans la grande et belle abomination budgétaire (BBBA).
Mais attendez… Voici la première pierre de l’édifice. ABC illustre la situation avec quelques chiffres :
« Un nouveau rapport de l’American Immigration Council, un organisme de recherche spécialisé dans les politiques migratoires, estime que l’expulsion d’un million de sans-papiers par an coûterait plus de 88 milliards de dollars annuels, soit un total de 967,9 milliards sur dix ans.
Autrement dit, près de 100 000 dollars par personne expulsée… et presque un trillion de dollars de plus à inscrire au passif de la dette fédérale. »
Est-ce un bon investissement ? Fortune explique :
« Selon une analyse de Deutsche Bank, fondée sur les données des douanes américaines et de la patrouille frontalière, les rencontres à la frontière sud-ouest sont passées de 200 000 par mois (en moyenne entre janvier 2022 et juin 2024) à 12 000 par mois depuis l’investiture de Trump. »
Petit rappel, le réservoir de main-d’oeuvre locale est à l’arrêt. Sur les cinq dernières années, le nombre d’emplois attribués à des travailleurs nés aux Etats-Unis n’a pas augmenté. Sans l’apport de la main-d’oeuvre étrangère, l’économie américaine n’aurait pas connu de croissance.
N’oubliez pas non plus que la vanité du « nous pensons, ils transpirent » s’est enracinée sur le sol américain il y a plus de vingt ans. Aujourd’hui, elle en recouvre toute la surface. Alors, qui donc, parmi nos brillants « penseurs », prendra le relais des dix millions d’immigrés en sueur ? Un jeune diplômé en conseil sur la diversité et l’inclusion, fraîchement sorti d’une université locale ? Ou peut-être un ancien détenu décidé à rentrer dans le droit chemin ?
Les consommateurs américains devront d’abord payer pour expulser quelqu’un… puis repasser à la caisse pour rémunérer celui ou celle qui prendra sa place.
Et ce n’est pas tout.
La Commission économique mixte des démocrates s’est penchée sur les coûts réels de l’opération. Voici ses conclusions :
- « En fonction du nombre d’immigrés expulsés, ces déportations massives pourraient entraîner une baisse du PIB réel de 7,4 % d’ici 2028.
- Elles provoqueraient des pénuries de main-d’oeuvre dans des secteurs clés, avec la suppression de 225 000 postes dans l’agriculture et de 1,5 million dans la construction.
- Elles entraîneraient une hausse des prix de 9,1 % d’ici 2028.
- Et, pour chaque 500 000 immigrés retirés de la population active, 44 000 travailleurs nés aux Etats-Unis perdraient leur emploi. »
Que valent ces estimations ? Probablement pas grand-chose. Mais si vous empêchez les étrangers de faire baisser les salaires aux Etats-Unis, ils continueront à les faire baisser, chez eux.
Et voici la deuxième pierre de l’édifice…
A mesure que les prix des produits fabriqués aux Etats-Unis augmentent, ceux fabriqués à l’étranger deviennent plus compétitifs. Autrement dit, en expulsant des millions de travailleurs à bas salaires du territoire américain, on renforce l’avantage prix des économies étrangères à bas coûts… et les consommateurs américains seront d’autant moins enclins à acheter local.
Ces maudits étrangers ! Voilà qu’ils nous arnaquent encore. L’an dernier, environ 25 000 milliards de dollars de biens ont franchi les frontières, avec des droits de douane moyens inférieurs à 3 %.
Mais dans l’univers mental de l’équipe Trump, le déficit commercial se rapproche de 1 000 milliards de dollars par an. « Ils nous volent », clament-ils.
La solution serait alors évidente : droits de douane, barrières commerciales, protectionnisme. Les importateurs n’ont qu’à « absorber » les coûts supplémentaires, non ?
Peut-être… pour un temps. Mais tôt ou tard, les marges seront restaurées par une hausse des prix. Et cette « taxe tarifaire », ce sont les consommateurs américains qui la paieront. Avec leur pouvoir d’achat rogné, ils s’appauvriront.
Et voici encore une pierre dans le mur : réduire les déficits commerciaux, c’est aussi réduire la quantité de dollars américains en circulation à l’étranger. Or ces dollars sont généralement recyclés en obligations d’Etat.
C’est ainsi que fonctionne le grand modèle de la fausse monnaie. Les Etats-Unis impriment l’argent. Les Américains l’empruntent. Ils achètent des produits meilleurs ou moins chers, fabriqués à l’étranger. Et les étrangers, avec ces dollars, achètent de la dette américaine.
Une escroquerie systémique, certes, mais qui a permis de financer les déficits, de maintenir des taux d’intérêt artificiellement bas… et de soutenir les prix des actifs américains.
Et maintenant, l’équipe de Trump veut rendre cette escroquerie encore plus grotesque.
Nous verrons bien jusqu’où cela nous mènera.
1 commentaire
Avec son Big Beautiful Bill, il est clair que Trump ne faisait pas du tout référence à Bill Bonner…et que Bill Bonner ne souhaite absolument pas être associé de près ou de loin à cette « abomination » (pour reprendre le terme employé par l’ex-meilleur ami de Trump) 🙂
Au bout du compte, qui a la vision la plus claire de la situation, Bill ou Donald ? J’aurais trop peur de me couvrir de ridicule en arborant une casquette rouge MAGA (mes enfants me renieraient), donc la réponse me semble évidente.
Par contre, il est clair que la stratégie de Trump sera payante, en termes d’enrichissement personnel au détriment du peuple américain.