▪ Le CAC 40 a fini vendredi sur un gain de 1,65% — non loin du zénith intraday des 3 461 points. Cela lui permet d’afficher une performance hebdomadaire de 3%, laquelle rattrape partiellement les 5% perdus la semaine précédente. Les chartistes y voient un retracement classique de 61% de la correction amorcée sous 3 580 points.
L’Euro-Stoxx 50 s’est offert une envolée de 1,8%. Il s’agit là d’un score flatteur mais qui ne saurait faire oublier des volumes aux abonnés absents eu égard à l’ampleur de la hausse. Le constat est le même en ce qui concerne l’activité en cumul hebdomadaire (avec un recul de 10%).
Cette première semaine du quatrième trimestre n’a pas donné lieu à un retour en force des acheteurs : ni prises de positions techniques court terme, ni rachats à bon compte, ni achats d’anticipation dans l’hypothèse de rally de fin d’année. Non, nous avons plutôt assisté à une défection des vendeurs qui ont eu le nez creux en pressentant que les chiffres du chômage publiés vendredi s’inscriraient plutôt dans le sens souhaité par l’hôte de la Maison Blanche et son équipe de campagne électorale.
▪ Le S&P et le Dow Jones : sous le soleil exactement…
C’est que le S&P et le Dow Jones réalisent un carton plein, avec un « cinq sur cinq » pour l’indice le plus large qui a séjourné dans le vert durant 95% de la séance de vendredi, avant d’en terminer sur un score de -0,03%.
C’est ce fléchissement du S&P au cours de la dernière demi-heure qui a rendu la fin du parcours hebdomadaire moins triomphale. L’indice phare engrange 1,4% après -1,35% la semaine précédente.
Quoi qu’il en soit, la hausse initiale de 0,7% observée vendredi au cours de la première heure avait permis au Dow Jones (13 660 au plus haut du jour) et au S&P de retracer leur zénith annuel de la mi-septembre — voire de niveaux plus approchés depuis le 28 décembre 2007 !
Les indices américains semblent avoir été comme aspirés dès lundi dernier vers les sommets. C’est comme si les opérateurs américains avaient eu la certitude qu’une bonne surprise viendrait couronner la semaine vendredi après-midi… et ils n’ont pas été déçus !
▪ Des chiffres qui commencent à susciter des interrogations…
Mais la surprise fut cette fois-ci bien trop belle pour être vraie et suscita de nombreux commentaires empreints de scepticisme. C’est le cas de Jack Welsh, l’ex-directeur général de General Electric — pourtant champion toute catégorie de l’écrémage des effectifs. Rappelons qu’il avait théorisé à la fin du siècle dernier le principe de l’élimination permanente des 10% de salariés les moins productifs.
Jack Welsh doute ouvertement de la crédibilité et de l’honnêteté des statisticiens qui ont calculé que le taux de chômage aux Etats-Unis avait chuté (très) opportunément de -0,3%, passant de 8,1 à 7,8% au mois de septembre.
Le chiffre est très éloigné des 8,2% attendus et semble encore plus contre-intuitif eu égard au faible montant des créations d’emplois le mois dernier (114 000). La révision de +50 000 du chiffre du mois d’août n’explique pas davantage la spectaculaire contraction du taux de chômage.
La machine à éradiquer les sans-emploi a tourné à plein régime au mois de septembre. Barack Obama n’a d’ailleurs pas manqué de se féliciter du meilleur score en la matière depuis janvier 2009 — c’était précisément le mois de son entrée en fonction — tout en déplorant que le total des créations d’emplois reste insuffisant.
▪ Des disparitions inquiétantes…
Il n’a pas commenté la troublante disparition de 900 000 personnes de la catégorie des actifs en 30 jours (cela fait une belle moyenne quotidienne de 30 000 personnes) ni la non moins troublante chute de 18% du taux des sans-emploi au sein de la seule population asiatique. Nous nous interrogeons : y aurait-il eu un recrutement massif de cuisiniers et de teinturiers chinois dans les écoles et les collèges américains ?
L’amélioration quasi-miraculeuse du taux de chômage depuis un an (il est passé de 9% à 7,8% en 12 mois) résulte en fait essentiellement de l’exclusion des calculs de personnes sans-emploi ayant perdu le statut officiel de chômeur. Sans oublier la précarisation d’un nombre grandissant de salariés qui ne travaillent qu’à temps partiel… mais ne sont pas comptabilisés non plus comme chômeurs.
Il ne subsiste donc plus que 12,1 millions d’inscrits au chômage. En revanche, le nombre de travailleurs à temps partiel (baisse d’activité imposée et non choisie) a bondi au-delà de la barre des huit millions, plus 6,2 millions de citoyens — pourtant aptes à travailler — ne figurent plus dans aucune statistique.
Il faut ajouter à ce tableau un très faible taux de participation de la population active (ratio actifs/population globale), lequel est tombé autour de 65,4%, le plus faible taux depuis le début des années 80 (1981 pour être précis).
▪ Les Etats-Unis : un futur Japon ?
Le Japon connaît le même type de déséquilibre cotisants/allocataires qui aboutit également à une monétisation pure et simple de la dette. La Banque centrale nippone a clairement affiché la couleur, mais nous entendons encore beaucoup de gérants affirmer que cela n’a rien à voir avec le cas américain puisque la dette est rachetée « en interne » — alors que tous les chiffres publiés depuis mi-mars 2011 démontrent que ce n’est plus le cas !
La fameuse destruction créatrice censée relancer le Japon il y a 18 mois n’a fait que relancer le poids de la mauvaise dette avec des centaines de milliards de dollars engloutis dans le traitement des conséquences de la catastrophe nucléaire de Fukushima.
Toujours au chapitre des idées fausses qui continuent d’être martelées dans les médias, nous dénonçons la désinformation des investisseurs concernant le miracle brésilien.
▪ Les BRIC sont-elles faites de broc ?
La croissance de son PIB évaluée à 4% en octobre 2011, a été ramenée à 3% au début de l’année 2012 et pourrait ne pas dépasser les 2% d’ici la fin du quatrième trimestre d’après les toutes dernières estimations. C’est inférieur de 40% par rapport à la croissance mondiale.
Heureusement que le secteur des services s’est avéré robuste. C’est ce qui caractérise le processus de transformation d’une économie émergente en économie émergée. Mais soulignons que la production industrielle n’a crû que de 1,8% en 2011 contre 10,4% en 2010 (curieux qu’un tel ralentissement n’alerte personne).
Les classes moyennes ont certes vu leur niveau de vie s’élever, mais c’était en même temps que le taux d’endettement (qui flirte avec les 50%) relatif aux investissements des ménages dans l’immobilier et l’achat de véhicules individuels.
Le taux d’inflation bat un record plus observé depuis 10 ans : 6,6% (trois fois plus rapide que la croissance) et il atteint 10% recalculé en tenant compte de la réappréciation du dollar.
Enfin, l’industrie brésilienne qui affichait un excédent commercial de 25 milliards de dollars en 2011 passe à un déficit commercial de 43 milliards de dollars en 2012.
De l’autre côté de la planète, l’Inde connaît le même genre de difficulté que le Brésil (inflation, déficit budgétaire et commercial…). Son taux de croissance continue pourtant de faire rêver les permabulls, alors qu’il est en réalité annulé par la hausse des prix.
Dans ce cas, que dire des 1,3% de croissance des Etats-Unis lorsque le taux d’inflation 2012 serait de 5% en reprenant les méthodes de calculs bien plus proches du panier de la ménagère qui prévalaient jusqu’en 1994.
La question qui nous taraude de façon lancinante depuis le début du quatrième trimestre — surtout depuis les chiffres du chômage américain publiés vendredi — est la suivante : quand cette accumulation de mensonges et d’illusions, seulement comparable à l’aveuglement qui régnait lors de la bulle des dot.com et du secteur immobilier en 2007, va-t-elle nous éclater à la figure ?