Par Simone Wapler (*)
Les investisseurs ont afflué vers l’or physique
Pour s’en rendre compte, il faut surveiller les stocks des bullions ou Exchange Traded Gold. Ces organismes cotent en continu des certificats adossés sur une réserve d’or physique. Ils doivent impérativement posséder l’or sur lequel le certificat est adossé avant de pouvoir coter le papier. Ils n’ont aucun intérêt à tricher et à entacher leur crédibilité car ils sont une émanation du Syndicat des producteurs d’or : le World Gold Council.
Les producteurs d’or, souhaitant faciliter aux investisseurs la détention d’or physique sont à l’origine de cette initiative. GLD aux Etats-Unis, GBS en Europe n’ont donc aucun intérêt à tricher sur leurs stocks, puisque leurs commanditaires, les minières, les ont créés pour pouvoir écouler leur production.
Les stocks des bullions ont augmenté tout au long de l’année 2008. Les acheteurs faisaient montre d’un comportement professionnel, achetant aux points bas de l’or. Le plus important des bullions, l’Américain GLD, a renforcé son stock de plus de 20%. Il garde à ce jour plus de 787 tonnes d’or, contre 640 tonnes au début de l’année 2008.
Les investisseurs ont boudé les minières
Celles-ci se comportent désormais comme des actions et se sont décorrélées de l’or. Lors des krachs de 2008, elles n’ont montré aucune résistance.
Les grosses minières sont empêtrées dans leurs coûts de production. Au premier semestre de l’année, elles ont pris de plein fouet la hausse du cours des matières premières et notamment du pétrole. L’énergie est un des gros postes de dépense et le ratio or/pétrole, même lorsque l’once était à 1 000 $, leur était défavorable. Leur trésorerie disponible et le resserrement du crédit les limitent dans leur prospection. Elles ont du mal à renouveler leurs réserves. Entre les minières risquées et le papier adossé à de l’or physique, les investisseurs ont choisi. Ils préfèrent la deuxième solution. Ces nouveaux instruments ont créé un nouveau comportement.
Un effet de levier par rapport à la hausse de l’or devra se rechercher chez les juniors et exploratrices massacrées et non chez les gros producteurs. Il est cependant trop tôt. Les marchés actions n’ont pas encore atteint leur point bas.
La confiance dans le papier se réduit
La prime est la différence entre l’or papier et l’or physique. Par papier, il faut entendre :
– les contrats à terme, réservés aux investisseurs institutionnels ;
– les certificats adossés à ceux-ci valant par de contrats à terme ; ces certificats sont garantis par la banque émettrice ;
– les produits dérivés émis par les établissements financiers : les put, call, turbos, warrants qui ne sont garantis que par la signature de leur émetteur.
Partout dans le monde, la prime a augmenté. Les acheteurs d’or pour motif financier veulent du physique, ou quelque chose de très proche du physique et se méfient du papier.
La prime de TOUTES les pièces sans exception est actuellement positive. Elle va de deux à 28% (pour le rouble russe menacé de dévaluation).
Un mouvement de fronde s’est même déclenché sur le COMEX, le plus gros marché de l’or pour les contrats à terme. Face au décalage entre le volume théoriquement couvert par les contrats à terme et la maigreur des stocks dans les entrepôts, certains ont tiré la sonnette d’alarme.
L’idée est la suivante : un contrat à terme nécessite une mise d’entrée peu élevée. Il engage un vendeur à livrer une certaine quantité de marchandise à une date donnée (terme) et à un cours fixé dans le contrat. Au cours de sa vie — entre la date d’émission du contrat et son terme — le contrat change de main. Lorsque les intervenants sur le marché estiment que la marchandise du contrat va monter, le contrat prend de la valeur et inversement.
La majorité des contrats n’arrivent pas à terme. Ce sont surtout des instruments utilisés par les professionnels pour avoir une meilleure visibilité sur leurs approvisionnements et donc maîtriser leurs coûts.
Dans le cas de l’or, les professionnels sont essentiellement les négociants et les bijoutiers, en mineur les industriels.
Le nombre de contrats en circulation excède de façon très importante le stock du COMEX. Un appel à dénouer les contrats et à se faire livrer physiquement a donc été lancé auprès des investisseurs non institutionnels. Le mouvement a rencontré un certain succès, même si ce n’est pas encore l’affolement. Le point important à retenir est que la confiance dans le papier s’érode.
L’or est le seul actif qui a résisté en 2008 ne perdant pas de valeur en euros
Il s’est complètement détaché des autres métaux précieux, prouvant son statut différent. L’or est plus précieux que précieux, c’est un chien de garde contre les dérives monétaires.
Ainsi au début de 2008 une once d’or achetait :
– 56,55 onces d’argent ;
– 0,56 once de platine ;
– 2,06 onces de palladium.
Elle achète maintenant :
– 77,24 onces d’argent ;
– 0,87 once de platine ;
– 4,40 onces de palladium.