** Commençons par regarder les gros titres :
* "Les chiffres du secteur industriel augmentent les inquiétudes concernant la récession", déclare le Financial Times. La Fed de Philadelphie déclare que son indice de productivité a atteint un plancher de sept ans ce mois-ci.
* "L’or frôle les 1 000 $ alors que les craintes de stagflation augmentent", déclare un autre titre du Financial Times.
* "Dans les pays du G7, on sacrifie le combat contre l’inflation pour éviter le risque de récession ; les investisseurs chercheront probablement à se réfugier dans l’or afin de se couvrir contre l’inflation", déclare une trader de Nomura Securities, ajoutant qu’elle s’attendait à voir le prix de l’or atteindre les 1 000 $ en moyenne cette année.
* Et voilà, cher lecteur. Les principales banques centrales de la planète s’inquiètent plus de la récession que de l’inflation. Et les investisseurs parient sur d’autres baisses de taux dans le cadre de cette lutte. Des taux de prêts en baisse… et des conditions de crédit généralement plus simples… feront grimper le taux d’inflation.
* Jusqu’à présent, les banques centrales pouvaient s’en sortir avec des politiques d’argent facile parce que les Chinois compensaient les augmentations de la masse monétaire par d’immenses augmentations de la main d’œuvre. Des millions de Chinois sont passés de la ferme à l’usine — diminuant les coûts de main d’œuvre partout dans le monde… et, avec eux, les prix des produits de consommation.
* Mais il y a de nombreuses choses que la main d’oeuvre bon marché ne peut pas produire — comme le pétrole, par exemple. Et l’or. Et le cuivre. Et la nourriture. Le cuivre a grimpé de 22% à ce jour cette année. L’or de 11%. Le blé bat tous les records. Et le pétrole a franchi le seuil des 100 $ la semaine dernière.
** L’inflation est devenue un phénomène mondial. Le cuivre cher… le pétrole cher… et des prix alimentaires élevés… se fraient un chemin dans toute la structure mondiale des prix à la consommation. En Chine elle-même, l’inflation dépasse les 7%… avec des salaires grimpant de plus de 10%. Oui, la tendance baissière des prix à la consommation, nourrie par la Chine et Wal-Mart, semble avoir pris fin.
* A présent, nous pouvons nous attendre à une hausse des coûts de main d’oeuvre en Chine… une hausse des prix des exportations chinoises… et une hausse des prix de tout le reste ou presque.
* Tout le monde adorait l’inflation quand elle faisait grimper les prix des actions et des maisons. Mais on la déteste quand elle augmente les prix du pain et des courses de taxi. Seuls les investisseurs aurifères aiment l’inflation des prix à la consommation. Par conséquent, l’argent intelligent parie que le prix de l’or va grimper… et nous aussi !
* On en aurait presque de la peine pour Ben Bernanke et les autres banques centrales. Les voilà pris entre Charybde et Scylla… entre les canons de l’inflation à droite… et les mitraillettes de la déflation à gauche. Ils pénètrent dans la vallée de la mort sans une seule prière… ni un seul indice.
* Bien entendu, s’ils n’avaient pas été si crétins à la base, ils ne se seraient pas mis dans ce pétrin. Mais bon, c’est pour ça que sont faits les marchés… ainsi que la vie : pour récompenser la vertu et punir les erreurs. Ces gens ont défié les dieux — prétendant qu’ils pouvaient contrôler les cycles boursiers et économiques. Bien entendu, ce n’était pas le cas. Ils ne pouvaient qu’utiliser les vieilles sottises keynésiennes… et imprimer un peu d’argent pour faire croire aux gens qu’ils étaient plus riches qu’ils l’étaient en réalité.
* Ces derniers dépenseraient donc plus et investiraient plus. Cela ressemblerait à un vrai boom. Encore et encore — depuis le krach de 1987… jusqu’à la crise asiatique… en passant par la chute de LTCM… l’effondrement des dot.com… suivi de la mini-récession de 2001… et maintenant l’implosion du subprime et le marché baissier de l’immobilier — la Fed a tiré des cartes de sa manche.
* Le truc peut marcher plus longtemps qu’on le prévoyait, mais pas éternellement. A présent, M. le Marché a sorti son révolver et l’a posé sur la table. Il observe avec attention… et s’il voit passer une fois encore l’as de pique, il va y avoir du sang.
* Les prix à la consommation aux Etats-Unis grimpent au taux annuel de 4,3% — quasiment le même taux que celui auquel Richard Nixon avait déclaré l’état d’urgence et imposé un contrôle des prix. Le pétrole a dépassé les 100 $ tandis que l’or frôle les 1 000 $. Si l’histoire des années 70 se répète, les augmentations des prix à la consommation atteindront des niveaux à deux chiffres d’ici quelques années… tandis que le prix de l’or dépassera les 2 500 $.
* Nous doutons que les choses se passent ainsi. Parce que la situation financière des Etats-Unis — la principale économie au monde — est dans un état pire que dans les années 70. Quel que soit le critère utilisé — dette des ménages, dette et déficits gouvernementaux, cours boursiers, position compétitive, prix de l’immobilier, balance commerciale, épargne, actifs nets — les Etats-Unis sont fondamentalement (et probablement irréversiblement) plus faibles qu’il y a 35 ans de ça. Cela pourrait avoir un effet surprenant… poussant l’économie US plus profondément dans la partie "stag" du territoire… et plaçant la barre plus haut pour les inflationnistes. La déflation pourrait avoir une telle force que les hausses de prix n’auront pas une chance de survie.
* Tout ce que nous savons, maintenant, c’est que les dieux prennent leur revanche. Et même si cela est douloureux pour les investisseurs, les propriétaires, les travailleurs, et à peu près tout le reste du monde, c’est néanmoins instructif. Et pour un économiste malicieux… c’est amusant à observer.
* "La Fed lutte pour éviter les maux des années 70", déclarait un titre du International Herald Tribune. On peut deviner le reste de l’histoire. L’inflation d’un côté, la déflation de l’autre. Que va faire la pauvre Fed ?
* Tout le monde s’attend à ce qu’elle choisisse la solution de facilité — réduire les taux en mars une fois de plus… essayer sa vieille ruse une nouvelle fois… et en ce qui concerne l’inflation, eh bien… que le Diable y retrouve les siens ! Et tout le monde ou presque s’attend à ce que l’économie ralentisse durant le premier semestre, mais s’améliore pour une raison ou pour une autre après l’équinoxe d’été. Pour ce qui est de la première prédiction, nous sommes du même avis que la majorité. Pour la seconde, nous sommes seuls.