Les taux négatifs sont absolument contre nature – et ils ne nuisent pas uniquement à votre épargne. C’est la société tout entière qui en pâtit.
Dans notre précédent article, nous avons rappelé trois évidences :
– pour les épargnants, des taux d’intérêt plus bas impliquent de faire plus d’économies pour maintenir ses revenus futurs ;
– la politique de la BCE ne fonctionne pas : toutes ses tentatives pour relancer la croissance économique et de créer de l’inflation en Zone euro se sont soldées par un échec ;
– cette absence de transmission de la liquidité à l’économie s’explique par le fait que les banques estiment qu’une augmentation des prêts aux ménages et aux entreprises présente un risque trop élevé. Elles préfèrent perdre un peu d’argent en déposant leurs réserves excédentaires à la BCE à -0,5%.
Aujourd’hui, j’aimerais rappeler une quatrième évidence : les taux négatifs n’auraient jamais dû exister.
Les taux d’intérêt négatifs, cette anomalie historique
L’arrivée des taux négatifs n’a été anticipée par personne car ils sont contraires à tout ce que nous enseigne l’histoire financière.
Le 2 août, Bruno Bertez rappelait ceci :
« Les taux négatifs sont le meilleur baromètre du dérèglement du système et de son dysfonctionnement. Le dérèglement est en train de s’accroître sans espoir de retour. »
« Bienvenue dans un monde où je m’enrichis en empruntant et je m’appauvris en épargnant, où le feu ne brûle plus et l’eau ne mouille plus », écrivait de son côté Philippe Alezard sur Contrepoints le 27 septembre :
« L’épargne ne rapporte plus et la dette ne coûte plus. Le risque et le temps ne sont plus rémunérés. Mon banquier va me payer pour que j’emprunte et en contrepartie va taxer l’argent en dépôt sur mon compte. Bienvenue dans le monde des taux d’intérêt négatifs. […] C’est le cercle infernal : plus les taux baissent, plus le stock de dette s’accroît, plus la charge de la dette diminue et plus le déficit budgétaire augmente. »
Bienvenue dans ce monde nouveau dans lequel nous ont plongé les gouvernements, via leur bras armé que sont les banques centrales.
En prenant encore un peu de recul, on peut même considérer que les taux négatifs sont en quelque sorte la fin de notre civilisation.
Voici ce qu’en disait Jeff Deist, du Mises Institute, le 18 septembre dernier :
« Les taux d’intérêt négatifs sont le prix que nous payons pour les banques centrales. La destruction du capital, économique ou autre, est contraire à toute impulsion humaine. La civilisation nécessite une accumulation et une production ; la dé-civilisation se produit lorsque trop de gens dans une société empruntent, dépensent et consomment plus qu’ils ne produisent. Aucune société de l’histoire de l’humanité n’a précédemment eu l’idée de taux d’intérêt négatifs. Par conséquent, à l’instar des banquiers centraux, nous sommes tous en territoire inconnu. »
Les dirigeants banques centrales seront les boucs-émissaires de notre ruine, alors qu’ils ne sont que les supplétifs des gouvernements
Les récentes dissensions au sein du directoire de la BCE attestent du fait que les autorités publiques sont conscientes des risques que font encourir les taux négatifs à nos sociétés.
Les autorités publiques se gardent bien de le dire, mais elles savent pertinemment que si seuls les critères économiques avaient été pris en compte, la Zone euro n’aurait jamais dû exister.
Le problème, c’est qu’il n’est désormais plus possible de faire machine arrière, et que les dirigeants de la BCE et leurs camarades de jeu feront sans doute mauvaise figure dans les livres d’Histoire, comme l’expliquait Natixis le 16 octobre.
Voici comment la banque résumait la situation :
« Le passage pratiquement général dans les pays de l’OCDE à des taux d’intérêt nuls, et probablement durablement, va très probablement conduire à des déséquilibres majeurs. Dans 5 ans, 10 ans, l’observation de ces déséquilibres conduira à une critique sévère des politiques monétaires menées aujourd’hui. Ces déséquilibres financiers peuvent être :
– la ‘ruine’ des épargnants et futurs retraités ;
– la ‘ruine’ de l’assurance-vie ;
– les bulles sur les prix des actifs ;
– la perte de productivité avec des investissements peu productifs, avec la survie des entreprises inefficaces. »
Cerise sur le gâteau, les taux négatifs ne peuvent exister que grâce aux pressions à la baisse sur les salaires à l’échelle de l’OCDE. Le 22 mars, Natixis décrivait ce « mécanisme ingénieux » dans les termes suivants :
« La faiblesse des salaires permet que l’inflation, donc les taux d’intérêt, soient faibles, ce qui permet à la dette de progresser. Il n’est pas sûr que l’équilibre où les salaires auraient été plus élevés et l’endettement plus faible n’aurait pas été préférable ; l’équilibre actuel est en effet inefficace (profitabilité inutilement forte, endettement élevé). »
Bref, le travailleur-épargnant-contribuable-futur retraité perd sur tous les tableaux !
La « nouvelle génération » de décideurs nous sauvera-t-elle de la ruine ?
Voilà l’avenir radieux que nous réserve le « choix de la facilité » – pour reprendre les mots Simone Wapler –, c’est-à-dire le fait pour les gouvernements de repousser indéfiniment les réformes tous azimuts en faisant exploser le déficit budgétaire et la dette publique, sous l’œil bienveillant des banques centrales.
Ce n’est pas la nouvelle patronne de la BCE qui va changer quoi que ce soit à l’affaire. Pour Christine Lagarde (accrochez-vous), mieux vaut en effet une politique de taux d’intérêt très bas pour soutenir l’activité économique, plutôt que de rémunérer l’épargne à sa juste valeur… voire carrément « la protéger » !
On ne saurait être plus clair… au moins les historiens sauront-ils gré à Christine Lagarde d’avoir annoncé la couleur !
En France, il n’existe à ma connaissance que deux partis politiques assez courageux pour prendre cette question à bras le corps. Le premier, c’est Objectif France, le parti dirigé par le chef d’entreprise Rafik Smati.
Le second, c’est le ML2D, parti fondé par Loïc Rousselle et Simone Wapler.
Il va sans dire que je leur souhaite beaucoup de succès.