▪ Votre chroniqueur a passé la nuit dernière à discuter du plan de relance avec un Australien passablement éméché et bagarreur. "Ca m’a l’air de bien fonctionner", a-t-il dit. "On est la seule économie mondiale qui continue sa croissance. Le PIB remonte. Nous avons la Chine. Apparemment Kevin Rudd et Wayne Swann savent ce qu’ils font. Vous n’êtes qu’un journaleux. Vous n’avez jamais dirigé un pays. Et en plus vous êtes un Ricain !"
"Laissez-moi vous expliquer", avons-nous répondu. "Disons qu’il y a un homme à l’hôpital, avec un coeur en sale état. Il fume, il boit, et il mange du poulet frit à tous les repas. Ses artères sont bouchées. Il est gros comme un hippopotame. Il mange comme Néron et boit comme Caligula. Et disons, pour bien illustrer mon argumentation, qu’il va mourir s’il ne change pas ses habitudes alimentaires. Comment le soignez-vous ?"
"Vous avez qu’à lui dire d’arrêter d’être un gros #$@% !"
"Une thérapie, vous voulez dire ? C’est une idée. Mais parlons plutôt traitement. Qu’est-ce que vous lui prescrivez ? Plus de nourriture ? Vous lui dites ce que je viens de dire ? Vite ! Donnez plus de calories à cet homme !"
"Je crois pas, non".
"Bien sûr que non. Cet homme ne meurt pas de faim, il n’a pas besoin qu’on le nourrisse plus. Son alimentation est tout simplement mauvaise, et il doit changer son mode de vie. Mais si le docteur fait un mauvais diagnostic, la médecine ne l’aidera pas du tout. Et comme dirait l’autre, ‘gros, saoul et stupide, c’est pas une façon de vivre, fiston’."
▪ Je vous épargnerai le reste de la conversation. Mais voilà notre diagnostic du corps politique australien : Wayne Swann est un mauvais docteur. Son ordonnance keynésienne pour l’économie australienne est basée sur l’idée que la demande collective doit être soutenue pendant la récession. Mais l’approche keynésienne de la politique monétaire se concentre sur la demande, pas sur la production.
Ne prenez pas tout ça au pied de la lettre. Le week-end dernier, Wayne Swann a dit que "la baisse du nombre d’heures de travail restait un signe fort de demande collective insuffisante dans l’économie". "C’est pourquoi", a-t-il dit : "il est trop tôt pour supprimer le plan de relance. Retirer la totalité du soutien fiscal de l’économie réduirait la croissance de 2% en 2010. Cela risquerait de faire piétiner la croissance de notre économie avant qu’une reprise solide n’ait été mise en place dans l’activité privée".
En Australie ou dans le reste du monde, serait-ce si mauvais de perdre quelques kilos ? Serait-ce si mauvais de réduire le montant de la dette qui soutient les niveaux toxiques de consommation ? Serait-ce si mauvais de laisser les gens construire leur propre épargne, réduire leur consommation, et restaurer la santé du bilan de leur foyer ? Ou bien devons-nous les garder gros, saouls et stupides à tout prix ?
Mais il y a des votes à acheter ! Soutenir la "demande collective" ou des entreprises qui sont "trop importantes pour faire faillite" est une autre façon de dire qu’il faut récompenser ceux qui participent à vos campagnes ou ceux dont les votes vous sont nécessaires pour conserver votre pouvoir et votre position privilégiée. Du point de vue de l’investissement, une question qui vaut le coup d’être posée : quelles industries ont le plus à gagner (ou perdre) dans le fait que le gouvernement siphonne l’argent du secteur privé et l’envoie où bon lui semble ?
Il est évident que les banquiers et les constructeurs immobiliers vont bien s’en sortir. Mais pour tous les autres ? Difficile à dire. Mais vous serez pardonné si vous pensez que l’objectif ultime de tout ça est d’endetter encore plus le consommateur lambda (en immobilier et en cartes de crédit) et d’en faire l’esclave de son seigneur banquier.
D’ailleurs, c’est comme ça que les gouvernements désignent les vainqueurs (les banques) et forcent tout le monde à spéculer. L’injection de liquidités dans l’économie fausse la valorisation des actifs et rend la bonne vieille analyse par la valeur (façon Graham et Dodd) complètement inutile. L’argent gratuit et le coût relativement bas du capital favorisent les spéculateurs par rapport aux investisseurs, en transformant la balance qu’est la Bourse en une machine à sous.
▪ Mais il y a un souci dans le plan qui consiste à remplacer le secteur privé par le secteur public en tant que principale source de dépenses. Les banques pourraient refuser de payer leur part en espèces sonnantes et trébuchantes. Souvenez-vous, la transmission de la crise du crédit du secteur financier à l’économie réelle est passée par les banques. Quand les banques se sont retrouvées confrontées à la dépréciation du crédit, elles ont mis un terme à l’extension du crédit aux petites entreprises et à certains foyers.
Les plans de relance étaient une façon rapide de mettre de l’argent directement entre les mains des consommateurs sans impliquer directement les banques. C’est pourquoi cela a entraîné une augmentation du PIB (qui mesure l’activité économique plus que la création réelle de valeur). Mais si les banques sont encore frileuses en matière de crédit (hormis pour le marché immobilier) comment le gouvernement peut-il faire en sorte que les gens continuent à dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas ?
Voici notre prédiction : attendez-vous à ce que les gouvernements nationaux deviennent incroyablement créatifs (et téméraires) dans leurs manières de distribuer de l’argent aux gens pour "soutenir la demande collective". Le gouvernement va devenir un prêteur direct (à travers des crédits fiscaux ou la nationalisation complète de domaines comme l’immobilier et le financement automobile).
Préparer une stratégie d’investissement dans un climat comme celui-ci n’est pas chose facile. Mais ce n’est pas nouveau. Feu Harry Browne avait pour habitude de dire que les marchés fonctionnent par cycles ; ils passent de la Prospérité à l’Inflation, puis à la Déflation et enfin à la Récession. Harry recommandait une stratégie basique de distribution des actifs qui faisait correspondre la bonne catégorie d’actifs avec le bon cycle. Vous devez équilibrer vos mises entre les actions, les bons du Trésor, l’immobilier, et l’or, en fonction du cycle dans lequel vous vous trouvez.