** Beaucoup d’opérateurs s’étaient mis à croire à une reprise en main de Wall Street par les bulls après que les bears ont célébré joyeusement le nouvel an et continué de festoyer jusqu’à lundi soir, le Nasdaq Composite alignant une huitième séance de repli consécutif. Mais les velléités haussières des indices américains se sont évaporées après moins d’une heure de cotations.
Les acheteurs tentaient de nouveau leur chance à l’heure du déjeuner, poussant le Dow Jones au-delà de 12 900 points et faisant grimper le Nasdaq 100 de 0,75%. Mais tout a basculé vers 20h30 (heure française) à Wall Street, avec une brutalité qui n’avait plus été observée depuis l’été 2002. Ce fut une véritable débâcle, avec plus de 2% de chute verticale sur le S&P et 3% sur le Nasdaq 100 en 90 minutes seulement !
Autant il était facile d’identifier le motif des coups de boutoir successifs des vendeurs la semaine passée — ISM manufacturier sous les 50 mercredi, prise de conscience de la dégradation du marché de l’emploi vendredi à 14h30 –, autant les raisons apparaissent beaucoup plus diffuses en ce 8 janvier.
Des rumeurs de faillite de Countrywide — vite démenties et qualifiées de sans substance — ont bien affecté le compartiment des valeurs immobilières et financières. Mais comment expliquer que le revirement ait été encore plus brutal dans le compartiment des technologiques alors qu’aucune information ou étude (négative) particulière les concernant n’a été rendue publique ?
Au-delà des scores qui s’étagent entre -1,85% et -2,35% — Wall Street a vu pire cet automne –, c’est surtout la cascade de ruptures de supports majeurs (moyen et long terme) qui va alimenter les discussions… et pas seulement chez les spécialistes de l’analyse technique. Les indices industriels américains ont dans leur ensemble effacé les gains de l’année 2007, le Nasdaq vient de perdre 10% à l’issue d’une série rarissime de huit séances de baisse consécutive.
Ce genre de scénario ne se produit jamais dans un marché haussier !
Nous pensions que même si la soif de revanche des baissiers était grande après une année 2007 où tous les expédients avaient été utilisés pour soutenir artificiellement le moral des épargnants américains — et le Dow Jones en particulier –, il était de bonne guerre de laisser les acheteurs se remettre à y croire durant quelques heures ou quelques jours, histoire de retrouver des niveaux de vente plus favorables sur les indices américains.
Les bears ne semblent pourtant pas décidés à abandonner le (dance) floor après huit jours de marathon baissier… mais leur entêtement pourrait s’avérer un peu déraisonnable car la Fed et la Maison-Blanche ne devraient pas rester les bras croisés au cours des prochaines 48 heures. Si les bears veulent continuer de faire la fête, la location de la salle va finir par revenir cher.
Ils disposent pourtant de sérieux arguments macro-économiques et techniques pour continuer de refuser l’entrée aux bulls,qui souhaiteraient y faire jouer une autre musique que le hard rock — au lourd tempo — qui retentit sans relâche depuis le 28 décembre dernier. Une petite parenthèse un peu plus funky ne nous déplairait pas avant le week-end !
** Parmi les principaux motifs d’inquiétude planant sur l’année 2008, celui concernant le secteur immobilier est ravivé par la publication d’un mauvais chiffre relatif aux intentions d’achat de logements neufs au mois de décembre. Selon la dernière enquête la NAR (National Association of Realtors), les promesses ont encore chuté de 2,6% au mois de décembre, ce qui propulse le recul annuel à un rythme record de 19,2%.
Selon certains experts du secteur, les ventes de logements neufs pourraient encore chuter de 13% à 15% cette année et les mises en chantier de maisons individuelles pourraient ralentir de 20% — tout comme le nombre de transactions sur les logements anciens en 2007 — afin de résorber de très importants stocks d’invendus (plus de 8,5 mois de réserve).
Par région, les intentions d’achat ont progressé de 2,3% dans le sud — l’exception qui confirme la règle — mais elles ont baissé fortement partout ailleurs. -2,1% dans l’ouest (Californie, Oregon, état de Washington, Nevada, Nouveau-Mexique), – 4,1% dans le Midwest et de -13% dans le nord-est (qui s’étend de Philadelphie jusqu’au Vermont et à la région des Grands Lacs).
** En France, l’année 2007 a vu les prix de l’immobilier s’assagir significativement puisque la hausse dans l’ancien en région parisienne — ailleurs, la « flambée » n’existe pas — serait voisine de 3,4%, et compenserait tout juste le niveau réel de l’inflation. Nous disposons de certaines données qui nous permettent d’affirmer que le m2 a commencé à baisser fin 2007.
Les prix pourraient se stabiliser en 2008. Ce n’est pas nous qui l’affirmons mais des experts du secteur qui (d’ordinaire) ne passent pas pour des pessimistes. Cela revient à dire que l’immobilier en Ile-de-France va commencer à perdre de la valeur en euros constants puisque l’inflation pourrait frôler les 3,5% (voire plus) avec un baril de pétrole se stabilisant autour de 90 $ à 100 $.
Le décor d’une contraction de l’activité du secteur du crédit — le cœur de métier des banques commerciales — et d’une décrue des prix immobiliers est donc solidement planté en France depuis la fin de l’été dernier. En Europe, les statistiques économiques du jour ont peu impressionné les marchés. Les indices boursiers n’avaient absolument pas réagi mardi matin au recul de 0,5% des ventes du commerce de détail en novembre dans la zone euro — par rapport au mois d’octobre 2007 — après un piètre -0,7% le mois précédent.
** Nous persistons à penser que dans l’immédiat, les mauvaises nouvelles sont dans les cours et que le CAC 40 est mûr pour un rebond technique. Il a bien repris 0,8% mardi, mais il ne parvient pas à se maintenir au contact de la barre des 5 500 points.
Il avait pourtant effectué une incursion au-delà des 5 530 points vers 15h30, dans des volumes très étoffés (près de 7,45 milliards d’euros échangés) qui traduisaient une plus grande détermination apparente des acheteurs. Mais la bourse de Paris, ainsi que la plupart des places européennes, a abandonné la moitié de ses gains au cours de la dernière heure de cotation, Wall Street ne parvenant pas à confirmer — pour les raisons que nous vous avons décrites en détail — ses gains initiaux et basculant dans le rouge peu avant la clôture des échanges sur le Vieux Continent (à mi-séance, le Dow Jones cède -0,25%).
** Et comme nous voulons en terminer sur une note joyeuse, nous vous invitons à afficher sur vos écrans l’évolution du graphique de l’once d’or sur le NYMEX. Vous constaterez que le métal précieux caracole à présent au-dessus des 880 $ — soit 10% en 15 jours — et se rapproche sans la moindre hésitation des 1 000 $ (il ne s’en faut plus que de 13% environ).
Il faut cependant s’attendre à une consolidation dès que la Fed aura réduit de 25 ou 50 points de base son taux directeur. Et comme nous l’évoquions la veille, il n’est même pas certain qu’elle attende la dernière semaine de janvier pour le faire. Un retour sur les 820/825 $ l’once pourrait constituer une bonne opportunité de renforcer les positions.
Nous devons renoncer dans les conditions actuelles au scénario d’un pullback jusque vers 750 $, à moins que le baril de pétrole rechute sous les 80 $ — mais avec les nouvelles tensions américano-iraniennes dans le Golfe persique, cela n’en prend pas le chemin !
Philippe Béchade,
Paris