Par Simone Wapler (*)
La presse financière quotidienne fait état des différents plans de sauvetage, tandis que la presse magazine cherche des coupables au chaos actuel. Malgré la noirceur de ces lignes, un espoir surgit : le bon sens qui, hélas !, ne possède ni école, ni université, ni diplôme, commence à refaire surface.
"Il pleut à verse des bonnes paroles qu’on ne croit plus et des milliards d’euros, de dollars, dont personne ne saisit d’où ils sortent, puisque les Etats occidentaux ne disposaient plus, théoriquement, d’un sou qui vaille."
"Les caisses étaient vides, non ?", se moque Marianne citant François Fillon qui s’exprimait au début de l’année. "Les Etats-Unis ont créé une orgie de liquidités, qui a favorisé une bulle financière qui a fini par éclater", constate l’économiste Daniel Cohen dans les colonnes de Challenges. "Rappelons que le montant des transactions financières est six fois plus élevé que la totalité de la richesse mondiale", évalue Felix Rohatyn, ancien associé gérant de Lazard New York.
Les chiffres qui sont cités à l’occasion de la crise dépassent l’entendement. Pêle-mêle : 700 milliards de dollars pour le premier plan de sauvetage Paulson ; 60 000 milliards d’encours pour les credit default swaps, qui sont les contrats d’assurance contre un risque financier, l’équivalent du subprime appliqué aux entreprises ; 20 000 milliards de dollars, le montant de la capitalisation boursière qui est parti en fumée la semaine dernière. L’ampleur de ces chiffres ne signifie rien pour le commun des mortels.
Pour tenter de les ancrer dans la réalité, il faut donner le montant du PIB mondial. La somme des biens et des services produits en un an dans le monde se montait à 65 610 milliards de dollars en 2007.
D’où vient l’argent ?
Cette interrogation flotte à chaque annonce de plan de sauvetage, de recapitalisation, de nationalisation, d’aide exceptionnelle. Mais personne ne répond clairement. La réponse est sinistre : au mieux, cet argent ne vient de rien, au pire c’est de la dette. Il suffit de mettre en regard l’endettement des pays et les sommes dont on parle. La dette cumulée des Etats-Unis se monte aujourd’hui à 10 278 milliards de dollars et son PIB 2007 était de 13 780 milliards de dollars. L’Amérique est donc un pays endetté à hauteur de 75% de ses recettes annuelles.
La situation en Europe est pire : Irlande, France, Allemagne, Italie, Autriche, Hollande sont endettées à plus de 100% de leurs revenus annuels. Les bons élèves sont entre 80% et 100% d’endettement.
Les citoyens effrayés commencent à réaliser que l’argent du renflouage vient nécessairement de plus de dette. "Tandis que les politiciens se dépêchent d’offrir des garanties aux déposants et aux autres créditeurs des banques, leurs promesses soulèvent une question : les finances publiques de ces pays peuvent-elles endosser ces nouvelles responsabilités ?", s’interroge The Economist. Avant de répondre plus loin : "un gouvernement peut satisfaire à ses engagements en levant de nouveaux impôts. En dernier ressort, il peut imprimer de la monnaie : il ne peut pas se trouver à court de sa propre monnaie.
Rien de tout cela n’est vraiment réconfortant. Si les promesses d’un gouvernement semblent dépasser sa capacité à lever de l’impôt, le marché obligataire mettra en doute sa solvabilité et demandera soit des taux d’intérêt plus élevés, soit fuira sa monnaie. Et si ce pays commence à imprimer de l’argent, il suscite l’inflation."
On ne saurait mieux dire. Poursuivons le raisonnement : la crise est mondiale. Chaque pays riche et endetté va avoir besoin d’émettre de la dette ou d’imprimer du papier. Jusqu’à présent, les pays émergents avaient pris l’habitude d’acheter la dette de leurs riches clients. Que va-t-il se passer s’ils décident de ne plus se jeter sur les bons du Trésor, puisque leurs riches clients leur achètent de moins en moins ?
Revenons à l’ardoise des plans de renflouage. Le plan Paulson se base sur 700 milliards de dollars pour les Etats-Unis, mais l’Europe prévoit, selon L’Agefi, plus de 1 400 milliards d’euros, dont 360 milliards pour la France. L’incohérence de ces chiffres témoigne de la confusion. La crise financière coûterait deux fois plus à l’Europe qu’aux Etats-Unis, pays d’où tout est parti. Qui sous-estime la casse ?
Meilleures salutations,
Simone Wapler
Pour la Chronique Agora
(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements "tangibles".
Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances – La Lettre du Patrimoine et elle intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières & Devises ou dans différents rapports d’investissements.
Elle est aussi la rédactrice en chef du magazine MoneyWeek.