Par Emmanuel Gentilhomme (*)
"La satisfaction que procure la richesse ne réside pas dans la simple possession ni dans des dépenses somptuaires, mais dans son usage mesuré" : cette phrase de Cervantès a beau dater du 16ème siècle, elle n’a rien perdu de sa pertinence. Pour l’économie d’un pays, bénéficier d’un surcroît de ressources financières n’est pas forcément une bonne affaire. Une étrange maladie de pays riches connue sous le nom de "syndrome hollandais" retrouve aujourd’hui une certaine actualité. Nous ne pouvions pas passer à côté.
L’inflation, une vieille histoire !
Il est fort possible que cette phrase ait été inspirée à l’auteur de Don Quichotte par la conjoncture économique de son époque. En effet, voilà cinq siècles, la puissante Espagne profitait des richesses que les galions rapportaient à pleines cales de ses colonies sud-américaines. Pierres précieuses, bois rares et métaux fins du nouveau monde affluaient vers l’ancien.
Grâce au penseur politique Jean Bodin, la suite est connue. Dans son Discours sur le rehaussement et la diminution des monnaies, tant d’or que d’argent de 1578, il consigne tout le mal que ces tonnes de métaux monétaires firent à l’économie espagnole et, par conséquence, à celle de toute l’Europe. En augmentant plus vite que la production ne pouvait la suivre, l’offre de monnaie a provoqué une — sinon la première — crise inflationniste documentée.
Du gaz dans l’eau ! C’est le début de la fortune…
Cette "maladie de riches" a la fâcheuse habitude de ressurgir de temps à autre. Ce qui nous amène à nos Hollandais. Dans les années 30, une filiale de Shell a acquis l’exclusivité des droits d’exploration pétroliers du nord-est des Pays-Bas. Le premier puits d’or noir est mis au jour à La Haye, en 1938. Dix ans et une guerre plus tard, les découvertes s’intensifient en mer du Nord. On trouve surtout du gaz dans le sous-sol marin néerlandais. D’abord un peu, puis beaucoup.
Découvert en 1959, le gisement de Groningen est simplement gigantesque
A tel point qu’une société d’Etat, qui porte aujourd’hui le nom d’EBN, est mise en place pour exploiter et vendre la précieuse ressource aux côtés des opérateurs privés. Amsterdam entend tout à la fois assurer sa sécurité énergétique et profiter de l’afflux des devises.
Voilà la petite Hollande devenue "gazo-Etat". Suite aux premiers chocs pétroliers, un pic de production sera atteint au milieu des années 70. J’imagine que vous vous dites "jackpot" ! Non pas : à mesure que le gaz est commercialisé, l’économie des Pays-Bas se détraque…
Nous verrons dès demain les raisons de cette surprenante évolution…
Meilleures salutations,
Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora
(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement.
Il participe régulièrement à l’Edito Matières Premières.