Tis the season
to abandon all reason.
Shop till you drop…
[« C’est le début de la saison/où l’on abandonne toute raison/Faites les boutiques jusqu’à succomber », NDLR]
▪ Le rêve américain, c’est celui d’un peuple devenu somnambule qui s’empresse de profiter d’un taux abaissé de 25,8% à 24,5% sur les cartes de crédit !
Soyons lucides : le succès apparent du « Black Friday » [« Vendredi Noir », premier jour de la saison des courses de Noël aux Etats-Unis, NDLR.] résulte d’abord d’une déferlante d’opérations de rabais massifs qui font « du chiffre » mais qui laminent les marges des distributeurs.
Cette orgie de consommation aurait toutefois pu être gâchée par les séquelles de la secousse boursière qui a ébranlé les places européennes et asiatiques jeudi puis à nouveau vendredi en début de matinée. Pas de « Vendredi Noir » pour les boursicoteurs un jour de « Black Friday » pour les tiroirs-caisse : pas question de laisser l’inquiétude s’installer parmi les épargnants à la veille du week-end.
Le mot d’ordre, respecté à la lettre, fut dès l’ouverture de soutenir Wall Street coûte que coûte… Cela ne coûtait en effet pas grand-chose à ceux qui ont orchestré la remontée du Dow Jones de 9 250 jusque vers 10 450 points en trois mois — d’autant que les volumes d’échanges étaient traditionnellement creux en l’absence de nombreux opérateurs qui ont fait le pont pour Thanksgiving.
Il sera toujours temps de laisser les forces du marché s’exprimer au cours de cette première semaine du mois de décembre. Ce sera dès que les Américains auront fini de sortir des cartons la dernière télé grand écran LED ou le tout dernier terminal de guidage GPS offrant une précision de 10 mètres en temps réel pour un conducteur se déplaçant à 110 km/h — c’est absolument indispensable avant de s’engager sur un parcours autoroutier rectiligne de 400 kilomètres !
▪ Le scénario qui s’est déroulé vendredi dernier est exactement celui décrit dès jeudi soir. Comme c’était prévisible, Wall Street n’a pas suivi le chemin emprunté par les places européennes et asiatiques, qui affichaient en début de matinée un repli de 5% à 6% cumulé en 48 heures.
Les ventes massives opérées en Asie vendredi matin et les dégagements préventifs exécutés jeudi en Europe ont certainement permis de dégager les liquidités nécessaires pour soutenir les valeurs américaines à un moment hautement stratégique. Qui songerait à s’en plaindre ?
Nous avons donc assisté à une remontée de près de 3,4% par rapport aux plus bas du jour sur l’Euro-Stoxx 50. Les indices boursiers américains, attendus en repli de 3% vendredi matin, ne cédaient que 1,7% en moyenne à la clôture (le Dow lâchant 1,5%). Cela à l’issue d’une séance tronquée qui s’achevait à l’heure du déjeuner, afin que chacun puisse participer à l’orgie consumériste des premières soldes de fin d’année.
Le CAC 40 s’est parallèlement redressé de 3 610 à l’ouverture jusque vers 3 748 points soit 3,8% repris en ligne droite. Il s’est ensuite tassé un peu vers 3 721 points, de telle sorte que le bilan hebdomadaire apparaît neutre : -0,2% au final contre une perte potentielle de 3,1% en début de matinée.
Alors que Paris reprenait 1,15% (avec 38 titres sur 40 en hausse, c’était l’inverse à l’ouverture), l’Euro-Stoxx 50 engrangeait 1,2% ; l’Eurotop 100 affichait plus modestement +1,1% à 2 130 points.
▪ Le baril de brut WTI, en revanche, n’a pas bénéficié de la sollicitude des gérants actions. Dévissant vendredi matin de 6% jusque vers 73,5 $, il n’est pas parvenu à remonter au-delà des 75,5 $ sur le NYMEX. Cela prouve bien que la cassure du palier de soutien des 76 $ marque l’éclatement de la bulle des placements spéculatifs, sans lien avec la conjoncture économique réelle.
Le marché des matières premières s’est trouvé soudain privé de carburant alors que les brasseurs d’argent s’empressaient de déboucler leurs dernières opérations de carry trade initiées alors que le dollar s’enfonçait vers 1,514/euro.
Le billet vert retrouve temporairement son statut de valeur-refuge. Cependant, la plupart des stratèges estiment qu’il s’agit d’un « dead cat bounce » (« rebond de chat mort »). La dette américaine, qui dépassera les 100% du PIB US d’ici la mi-2010 et s’envolera vers les 125% d’ici 18 mois, ne laisse entrevoir aucune chance de rebond durable du dollar.
Ce n’est pas tant ce ratio dette/PIB qui fait peur : il en existe de bien pires qui restent gérables, comme au Japon par exemple, où l’épargne disponible reste abondante. Il s’agit plutôt de l’absence de progression des recettes fiscales et de réduction prévisible des déficits liés aux aides sociales, vitales pour l’économie américaine.
▪ En ce qui concerne le métal précieux, ce ne sont pas quelques milliers de barres de 400 onces en tungstène massif plaqué or (de « vrais faux » lingots découverts à Hong Kong) qui vont occulter l’existence d’une demande mondiale presque historique d’or physique de la part des Banques centrales de pays émergents. L’Inde ainsi que le Sri Lanka ont préempté les dernières 230 tonnes d’or mises en vente par le FMI, soit un investissement d’environ 7,5 milliards de dollars.
C’est presque une peccadille en regard des objectifs de diversification des réserves chinoises. Il lui en a fallu autant chaque mois de l’année 2009 pour atteindre un montant équivalent à 5% de ses actifs — ce qui est impossible à moins que la Fed ne consente à liquider l’intégralité de ses stocks (dont une partie serait de valeur douteuse, voir notre Chronique de mercredi dernier).