▪ Dernièrement, j’ai passé deux semaines au Brésil où j’ai visité quatre villes — Campo Grande, Sao Paulo, Florianopolis et enfin Rio de Janeiro. Que dire de cette expérience ? Que la caipirinha — la boisson nationale brésilienne — est un cocktail très alcoolisé ; que la nourriture brésilienne est très salée ; que les desserts brésiliens sont très sucrés. Ce goût pour les extrémités du spectre des saveurs s’étend également au domaine de la monnaie du pays.
Aujourd’hui, le réal brésilien est fort (et le dollar est faible). Le réal est actuellement à un plus haut depuis 10 mois par rapport au dollar US (il a augmenté de 40% par rapport à son plus bas début 2009). Cela a incité le ministre des Finances brésilien à menacer d’affaiblir le réal. Vous avez sans doute entendu parler de son commentaire à propos d’une "guerre des monnaies".
Il craint en effet qu’un réal fort va nuire aux exportations brésiliennes en rendant les biens brésiliens plus chers et par conséquent en affaiblissant l’économie brésilienne. Ce raisonnement est éculé. Cette idée qu’un pays devient riche en détruisant la valeur de sa monnaie est une mauvaise herbe dont on ne parviendra jamais à se débarrasser, peu importe le nombre de fois où on l’arrachera de terre.
Ce qui est curieux au sujet de cette notion qui fait son chemin au Brésil est qu’on penserait qu’un Brésilien évaluera plutôt les dangers d’affaiblir une monnaie. Le Brésil a eu l’habitude de gonfler sa monnaie depuis ces 60 dernières années. Depuis 1942 jusqu’à aujourd’hui, le Brésil a connu huit monnaies différentes :
Mil Reis, 1833-1942
Cruzeiro, 1942-1967
Cruzeiro Novo, 1967-1986
Cruzado, 1986-1989
Cruzado Novo, 1989-1990
Cruzeiro, 1990-1993
Cruzeiro Real, 1993-1994
Réal, depuis 1994.
▪ Le réal actuel est encore un adolescent, un petit jeunot né d’une mauvaise famille. Pourtant, il fait partie des monnaies les plus fortes au monde aujourd’hui, soutenu par la richesse en matières premières et le fort taux de croissance de l’économie brésilienne.
On peut dire ce qu’on voudra sur le dollar américain, qui a été une monnaie faible dans la limite de la conservation de son pouvoir d’achat dans le temps, il n’a jamais été en si mauvaise posture au point de devoir repartir à zéro — du moins pas encore. L’expérience brésilienne fait ressembler le dollar à un étalon-or. Il n’y a pas si longtemps, le taux d’inflation au Brésil atteignait les 2 700%. C’est arrivé une fois sur une période de 12 mois depuis 1989-1990.
En 1999 encore, le Brésil était financièrement un cas désespéré. En 1998 et en 1999, ses finances étaient dans un tel état qu’il reçut le plus grand renflouement jamais octroyé par le FMI à cette époque, 41,5 milliards de dollars. Dans tout le 20ème siècle, le Brésil a eu un taux d’inflation cumulé de plus d’un million de milliards de pourcent. Si vous étiez un épargnant au Brésil et que vous aviez gardé cet argent en monnaie brésilienne, vous auriez perdu gros. Vous auriez pu tout aussi bien brûler l’argent.
Aujourd’hui, le Brésil est dans une position différente. Sa monnaie est si forte que ses hommes politiques sont inquiets. Les touristes américains ne trouvent aucune bonne affaire à faire dans les magasins de Sao Paulo ou de Rio. En outre, le Brésil possède d’énormes réserves de monnaie et est à présent un créancier net, plus un débiteur. Le Brésil est même en train d’accumuler de l’or — du concret. Lors de notre périple, nous avons pu rencontrer un économiste qui a fait une conférence montrant que la banque centrale du Brésil avait 5% de ses réserves en or — et qu’elle en achète encore plus.
Aujourd’hui, les investisseurs américains changent leur manière de faire pour acheter des produits basés sur du réal brésilien, plutôt que sur du dollar américain. C’est incroyable lorsqu’on voit combien les choses ont changé sur seulement ces 10 dernières années.
Naturellement, le Brésil pourrait à nouveau dérailler.
Certains signes sont inquiétants. Le nouveau président est Dilma Rousseff, une ancienne guérillero marxiste. Capturée en 1970, elle a été battue et torturée. Elle est presque une légende. Mais elle se serait depuis adoucie. La plupart la voient comme une simple continuité des politiques menées sous l’ancien président Lula. Qui vivra verra…
Comme dans tout marché émergent, il y a de grands problèmes mais aussi de grandes opportunités. Cependant, les challenges économiques du Brésil semblent moins compliqués et moins importants que ceux des Etats-Unis, où la dette et les déficits sont plus élevés. Et les perturbations sur la monnaie sont à relativiser. Obligé de faire un choix, je parierais sur le réal brésilien plutôt que sur le dollar américain. (Mais l’or reste la meilleure des monnaies).
1 commentaire
Bonjour
Que diriez-vous actuellement sur le real brésilien par rapport au dollar américain (23 octobre 2015) ?