▪ La version plus douce, plus gentille du capitalisme américain qui est devenue à la mode depuis la crise du crédit de l’année dernière n’est ni douce ni gentille… du moins pas avec les capitalistes. Le "nouveau capitalisme" punit la majorité prudente pour les péchés de la minorité imprudente.
Au lieu de faire expier leurs péchés aux membres de la minorité imprudente en leur confisquant la fortune, le statut et l’emploi qu’ils méritent de perdre, la majorité prudente doit expier pour eux en supportant le fardeau de plus en plus lourd de la régulation et de la taxation.
Mais est ce que les coupables ne vont pas aussi devoir faire face à l’augmentation de la régulation et de la taxation ?
"Pas vraiment", pourrait-on dire pour résumer la réponse. Le Congrès US va faire passer des mesures restrictives et punitives dans l’objectif de punir les coupables. Mais les coupables conservent quand même leurs budgets opérationnels de plusieurs millions de dollars — qui leur permettent d’avoir des armées d’avocats spécialisés dans les titres, de fiscalistes, de comptables et de personnel servile pour repousser les effets de la régulation et de la taxation.
▪ Par conséquent, le fardeau de l’augmentation de la régulation et de la taxation devient une sorte d’impôt dégressif qui tombe de façon disproportionnée sur ceux qui ont moins de ressources à leur disposition. Par exemple, une maison de courtage indépendante avec trente employés doit faire face aux mêmes régulations que Goldman Sachs. Mais le coût relatif de la servilité est BEAUCOUP plus élevé pour les petites entreprises qui ne possèdent pas les ressources, le budget, et les contacts de Goldman Sachs.
Et malheur à l’entreprise indépendante qui ne pourra pas se soumettre à la lettre à chaque régulation. Cette entreprise subira sûrement un audit, aura une amende et/ou sera poursuivie par les régulateurs jusqu’à ce qu’elle disparaisse. A contrario, aucun régulateur n’oserait menacer la survie d’une grande entreprise, peu importe que cette entreprise ait violé à plusieurs reprises l’esprit même de chacune des lois applicables sur les titres.
Les grandes maisons de titres n’ont-elles pas passé les dernières années à violer les lois de la prudence qui ont guidé les pratiques de l’investissement professionnel depuis des décennies ? Et ces entreprises n’ont-elles pas perdu des centaines de milliards de dollars dans le processus ? Mais en dehors de Lehman Bros., aucune de ces entreprises délinquantes n’a fait faillite. Et aucun des dirigeants n’est allé en prison… ou n’a même perdu sa carte de membre du Country Club.
Au lieu de ça, ils ont reçu des milliers de milliards de dollars de fonds de relance et de garanties, tout en conservant leur accès à un financement préférentiel, des exonérations sélectives, des amis haut placés dans le gouvernement et le statut de "trop grand pour mourir". Ces perversions du capitalisme servent à faire pencher la balance à l’avantage de ceux qui méritent le moins de bénéficier d’un traitement préférentiel. Par conséquent, ces perversions du capitalisme servent à détruire — ou du moins à éroder — le "droit à l’échec" essentiel qui a permis au capitalisme américain de s’épanouir pendant des générations.
▪ C’en est fini des Lois Absolues de cause à effet dans l’économie. C’en est terminé du processus darwinien qui récompense la prudence et punit l’imprudence. La plupart des "plus forts" survivent toujours, à condition de supporter le fardeau de la régulation et de la taxation, mais il en va de même pour un grand nombre de "plus faibles".
Les individus, les investisseurs et les entreprises continuent à atteindre les mêmes réussites et les mêmes échecs que leurs prédécesseurs au cours des décennies précédentes. Ainsi, les procédés capitalistes d’accumulation d’argent, de réinvestissement et/ou de spéculation continuent à cracher des gagnants et des perdants, comme ils l’ont toujours fait. Mais dans notre ère moderne, les perdants ne perdent pas toujours… ou, du moins, ils ne perdent pas toujours tout. Au lieu de ça, ceux qui décident des règles en changent parfois en cours de route… ou recommencent la partie depuis le début.
Malheureusement, changer les règles pour éviter une crise a pour conséquence inattendue de pervertir le processus de cause à effet. Et si vous changez les règles trop souvent, plus personne ne veut jouer. Soit les participants trouvent le moyen de tricher, soit ils refusent tout bonnement de jouer… et cherchent un autre jeu où les participants jouent correctement.