Par Alexandra Voinchet (*)
La crise met à mal un modèle socio-économique souvent cité en exemple : la Suède vit "sa pire récession depuis 1940", selon les termes du Financial Times.
Le pays s’est enfoncé dans la crise. Son système bancaire est pourtant passé au travers de la déroute financière grâce à des institutions aux bilans solides, explique Raymond Van der Putten, économiste à BNP-Paribas.
Mais la menace est d’une autre nature : la débâcle des pays Baltes et de l’Est, où les banques suédoises sont présentes, poursuit l’expert. C’est davantage le ralentissement économique qui paralyse la Suède. En deux décennies, Stockholm a multiplié les réformes pour doper son économie, par le biais de délocalisations en Asie et en Europe de l’Est, et la développer. Le pays a accouché de belles réussites, comme ses multinationales spécialisées et innovantes : Electrolux, Ericsson, AstraZeneca.
Cette stratégie a permis à la Suède de proposer une couverture sociale généreuse et d’afficher, l’an passé, un taux de chômage tombé à moins de 3%. Mais le temps du "miracle suédois", du nom de la période qui a suivi la grave crise du début des années 90, est révolu. La machine à exporter est en panne.
Les déboires des constructeurs d’automobiles Saab, Volvo ou Scania ne constituent qu’un exemple du malaise. Le taux de chômage devrait bondir à 9% cette année. Le PIB pourrait se contracter de 4,5% en 2009, avant de revenir à +1,3% en 2010, estime la Riksbank, la banque centrale. "Au cours de l’été, l’inflation, à plus de 4%, a atteint des niveaux sans précédent depuis le début des années 90", écrit l’Organisation de coopération et de développement économiques. Aujourd’hui, c’est la désinflation, voire la déflation, qui inquiète : les prix pourrait baisser de 0,4% cette année, prévient la banque Svenska Handelsbanken.
Comme la BCE, la Riksbank cible 2% d’inflation. La perte de pouvoir d’achat se ressent d’autant plus que le robinet du crédit se ferme et que les prix de l’immobilier baissent (-3,4% au quatrième trimestre 2008, selon BNP-Paribas). La devise suédoise fait du yo-yo. Il faut aujourd’hui entre 10 et 11 couronnes pour un euro. Et la question de l’entrée dans la Zone euro refait surface.
La fin du miracle suédois
Stockholm a pris des mesures énergiques. La banque centrale a abaissé de façon drastique son taux directeur, à 0,5%, après l’avoir tout de même porté à 4,75% en septembre 2008. Une situation qui risque de se prolonger jusqu’en 2011. La Riksbank a également tendu la main au système financier via des facilités de crédit ou des apports de liquidités d’un montant de 450 milliards de couronnes suédoises (42 milliards d’euros).
Le gouvernement a annoncé un plan de relance égal à environ 1,5% du PIB, soit 45 milliards de couronnes (environ 4,02 milliards d’euros) et prévu une enveloppe de 60 milliards de couronnes pour 2010. Au menu : mesures fiscales, incitations au développement d’infrastructures et de la recherche, volet éducatif. Stockholm entend stimuler l’emploi et relancer l’économie, mais craint d’alimenter les bas de laine, comme cela s’était passé lors de la détente budgétaire de 2001.
Malgré son matelas financier adossé à une fiscalité élevée (environ 48,2% du PIB en 2007, selon l’OCDE), la Suède peut dire adieu à son excédent budgétaire (+3,7% encore en 2007), le déficit devrait atteindre 6% du PIB en 2010.
Le modèle d’Etat-providence survivra-t-il à la crise ? Le parti social-démocrate avait déjà subi un camouflet aux élections de 2006 et laissé la place à une coalition de centre-droit. Le modus operandi suédois a entamé sa mutation. La tendance est à la "réduction des dépenses de protection sociale, sans pour autant remettre en question les fondamentaux des modèles sociaux", selon Raymond Van der Putten, de BNP-Paribas.
Avec l’envolée du chômage, la formule devient de moins en moins tenable. Ce modèle évoluait également vers une réduction de la part du secteur privé, alors que "le portefeuille d’entreprises de l’Etat suédois représente environ un quart de la capitalisation de la Bourse de Stockholm", note l’OCDE. La crise risque de sabrer ces efforts. Le modèle suédois est condamné à s’adapter à la nouvelle donne économique, au bien nationale qu’internationale. Ce sera long et coûteux.
Meilleures salutations,
Alexandra Voinchet
Pour la Chronique Agora
(*) Journaliste, Alexandra Voinchet est diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, dans la spécialité Médias. Elle est également titulaire d’un master de Presse économique de l’université Paris-Dauphine. Après deux ans d’expérience en presse financière et boursière, elle a rejoint l’équipe de MoneyWeek. Elle participe régulièrement à la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.