Il y a une dizaine de jours, la langue de Georges Papaconstantinou, le ministre grec des Finances, a fourché. Il a dit non pas ce qu’il aurait dû dire, ni ce qu’il voulait dire. Sans le vouloir, il a dit la vérité : le budget de son pays est "hors de contrôle". Il a demandé un délai pour redresser la situation. "Nous essayons de changer le cap du Titanic", a-t-il dit. Les ministres européens lui ont donné un mois.
M. Papaconstantinou parlait de la Grèce. Il aurait aussi bien pu être en train de décrire une bonne partie de l’Europe, la Grande-Bretagne, le Japon et les Etats-Unis. Et sa métaphore est sans doute une prophétie. On ne peut pas faire faire demi-tour à un paquebot. Il va couler.
La Grèce prend l’eau depuis de nombreuses années. Mais c’est la première fois qu’un ministre des Finances, de quelque pays qu’il soit, signale aux prêteurs qu’il est de temps de se rendre aux canots de sauvetage. Puis, en regardant autour d’eux, les médias se sont aperçus que l’un des canots a déjà été mis à l’eau. On n’y trouva ni veuves éplorées, ni orphelins frissonnants. Juste un homme extrêmement satisfait : Lloyd Blankfein, P.D-G de Goldman Sachs. Il a vendu aux Grecs leur propre dette… pour ensuite la vendre à découvert !
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Der Spiegel fut le premier à découvrir le pot-aux-roses. Le New York Times s’empara ensuite de l’affaire. Puis Bloomberg s’occupa du cas Goldman. Ce n’est pas le pétrin dans lequel les Grecs se sont fourrés qui a attiré l’attention de la presse — mais plutôt qui a contribué à les y mettre. La Grèce fait défaut sur ses dettes une année sur deux en moyenne depuis qu’elle a obtenu l’indépendance au début du XIXe siècle. Le pays est quasiment la définition même d’un risque crédit élevé. Dans de telles conditions, par quels moyens les rusés Hellènes ont-ils réussi à faire partie de l’Euro Club ?
En matière d’art, la créativité permet de réaliser des chefs-d’oeuvre. L’innovation, dans l’industrie, peut mener au succès. Mais lorsque le secteur financier complote et manigance, cela mène invariablement au désastre. Goldman Sachs, la plus rusée des sociétés financières de Wall Street, est fondamentalement un brasseur de dettes. Comme une boutique de spiritueux ou un revendeur de drogue, la firme gagne de l’argent lorsqu’elle peut faire tourner sa marchandise. Plus le client en veut, plus Goldman gagne. Que l’achat soit bon pour le client ou non, cela ne concerne pas Goldman. Mais cherchez dans quel secteur les prêteurs ont été le plus créatifs : vous trouverez à coup sûr un actif délétère.
Dans l’exemple que nous traitons aujourd’hui, Goldman a gagné au total 300 millions de dollars. Les experts se sont immédiatement plaints que son oeuvre était à la fois criminelle et toxique. En ce qui concerne la toxicité, Goldman n’a nul besoin de plaidoirie. La Grèce a toujours été un ivrogne notoire. Goldman n’est jamais que le barman.
En ce qui concerne l’accusation de crime, Goldman affirme qu’il était parfaitement légal de structurer, comme elle l’a fait, l’accord avec la Grèce. De plus, les autorités de Bruxelles étaient au courant depuis des années… et semblaient même approuver. Les Etats membres étaient autorisés à "utiliser des produits dérivés pour ajuster les ratios de déficit", a révélé le Financial Times. Goldman s’est organisé afin qu’Athènes échange des liquidités contre un flux de revenus provenant de la titrisation des revenus d’un aéroport et de la loterie nationale. S’agissait-il de dette ou de valeur ? Goldman a-t-il prêté à la Grèce… ou a-t-il acheté une part du patrimoine national ? Cela n’est guère différent ; quel que soit le nom qu’on attribue à l’opération, les Grecs ont handicapé leurs finances nationales. Goldman a simplement gagné un peu d’argent en les y aidant.
Goldman n’a pas besoin de s’inquiéter des poursuites potentielles ; la firme a des amis en haut lieu. Comme Mario Draghi, qui a un CV impressionnant. Non seulement il a été directeur général de Goldman Sachs, chargé du développement en Europe, mais il a également été directeur général du Trésor italien et, plus récemment, gouverneur de la Banque centrale italienne. A présent, il est candidat au poste de chef de la BCE, pour remplacer Jean-Claude Trichet, qui doit se retirer l’an prochain. C’est Goldman incarné : banquier, serviteur du peuple, l’un des grands prêtres du monde financier dont les mains distribuent l’onction, le salut… et le cash.
Aux Etats-Unis, Goldman est si proche des autorités que la société a été baptisée "Gouvernement Sachs". Mais en quoi est-ce si choquant ? Pour leur financement, les gouvernements se tournent toujours vers des financiers aux poches aussi pleines que leur carnet d’adresses. Les Rothschild ont largement pourvu aux besoins des alliés continentaux de la Grande-Bretagne dans leur guerre contre Napoléon au début du XIXe siècle. Puis, au début du XXe siècle, J.P. Morgan a soutenu la Grande-Bretagne durant la Première Guerre mondiale. Dans les deux cas, les prêteurs ont trouvé des moyens innovants et souvent complexes de faire circuler l’argent. A présent, nous sommes au début du XXIe siècle, et c’est Goldman le fournisseur.
Mais, cette fois, c’est différent. Les emprunteurs ne sont pas en guerre. Ils empruntent plutôt pour se donner de l’importance. Il n’y a pas de fin prévisible à leurs emprunts. L’affaire grecque n’est rien. L’Amérique est à tel point dans le rouge qu’elle est en pleine hémorragie ; à lui seul, le déficit de cette année s’élève à 1 600 milliards de dollars. Le Japon, la deuxième plus grande économie au monde, emprunte désormais plus qu’il n’engrange de recettes fiscales. Et, tandis que la Grèce a accumulé un déficit de 13% du PIB, au Royaume-Uni, le déficit est encore plus élevé, à 14%. Goldman a raison : le moment est bien choisi pour vendre la dette gouvernementale. Vous serez peut-être en avance… mais vous n’aurez pas tort.