** Oh, cher lecteur ! Ce matin, nous sommes au bord de l’asphyxie…
* L’économie mondiale ralentit. Le système financier mondial tombe en pièces.
* Toute la situation est un véritable bourbier… un désastre pour les investisseurs… une catastrophe pour les propriétaires immobiliers… un Waterloo pour l’industrie financière. Mais c’est une aubaine pour nous.
* Quel plaisir de lire les journaux ! Tant d’insanités ! Tant de clowns ! Tant de sottises… tant d’âneries… tout se passe exactement comme nous l’avions prévu.
* Nous avons dû reposer notre exemplaire du Financial Times. Nous avions peur de faire une hémorragie interne. En plus, nos yeux pleuraient tellement que nous avions du mal à voir…
* Pour commencer… il y avait Ben Bernanke en première page, l’air plutôt sérieux, tel qu’il s’est présenté devant le Congrès US cette semaine. Le pauvre homme était censé expliquer ce qui se passe. Que pouvait-il dire, sinon que l’économie était affligé de "nombreuses difficultés" ? Il a dû jouer au politicien, en d’autres termes… l’idiot rusé… qui évite à tout prix de dire quoi que ce soit d’utile ou de vrai. Bien entendu, il est assez exact de dire que l’économie se trouve confrontée à des problèmes, mais une telle description dissimule tant d’absurdités… tant d’erreurs… et tant de vanités et d’hallucinations.
* Pourquoi n’a-t-il pas tout simplement expliqué que les Américains vivent au-dessus de leurs moyens… et qu’ils doivent désormais réduire leur train de vie ? C’est ce que montraient les chiffres de ventes au détail cette semaine — les consommateurs ne dépensent plus autant. Qu’y a-t-il de surprenant à ça ? Rien du tout… nous en parlons depuis des mois… et même des années.
* Mais la nouvelle a fait l’effet d’un OVNI aux économistes et aux journalistes financiers — ils ne savaient pas qu’en penser.
* On trouve aussi la photo d’une longue file à la porte d’IndyMac — des gens qui attendent de récupérer leur argent. M. Bernanke aurait également pu expliquer ce qui se passe dans le secteur de la finance. Les banques… Fannie Mae… Freddie Mac… IndyMac… Bear Stearns et tous les autres… ont gagné des fortunes en refilant de la dette à des gens qui en avaient déjà trop. Que pensiez-vous… qu’ils pourraient le faire éternellement ?
* Le chef de la Fed nous aurait rendu à tous un grand service, à notre avis, en jouant cartes sur table.
* "Ecoutez", aurait-il pu dire, "la prospérité dont nous avons profité ces dernières années était largement une illusion. Elle était basée sur la dette, l’effet de levier et la spéculation. On sait tous qu’on ne peut pas s’enrichir en dépensant plus qu’on ne gagne. Et on ne peut pas créer de prospérité réelle en empruntant de l’argent et en le dépensant dans des biens de consommation. Nous payons désormais le prix de ces erreurs. Il faut avaler cette pilule amère".
* Ces mots faisaient peut-être partie de son discours d’origine. Il a peut-être gribouillé quelque chose de ce genre au dos d’une enveloppe pendant qu’il montait Capitol Hill. Cette déclaration lui est peut-être venue lors d’un rêve. Mais lorsqu’il est arrivé devant le micro, il a réalisé que la vérité est bien la dernière chose que les gens veulent entendre. Il l’a donc sagement évitée, s’en tenant aux phrases toutes faites et aux formulations standard de l’embrouille économique.
** Pendant ce temps, dans le même quartier, le président américain passait des sottises soporifiques aux imbécilités vertigineuses.
* "Dans la mesure où nous trouvons des faiblesses [dans le système financier], nous agirons", a déclaré le président de tous les Etats-Unis, George W. Bush.
* M. Bush a lui-même une faiblesse — pour l’action. Il a présidé l’administration la plus gigoteuse depuis Franklin Roosevelt. Incapable de rester tranquille, il a plus dépensé, plus emprunté et remué plus de poussière que toute autre administration précédente. A présent, il propose une vaste extension de la guerre contre la libre entreprise.
* Renflouer Bear Stearns, offrir des chèques de remises d’impôts et nationaliser Fannie et Freddie "signale un affaiblissement de l’engagement idéologique du gouvernement envers les principes du marché libre", déclare le Financial Times.
* C’est à ce moment-là que nous avons dû poser le journal. D’où sort le Financial Times ? Le gouvernement US n’a d’engagement envers aucun principe, pour autant que nous puissions en juger. Il a suffit d’un attentat à New York pour qu’il jette par-dessus bord sa politique étrangère conservatrice tout entière, en faveur d’un interventionnisme irréfléchi. Et à présent, nous voilà avec une crise du secteur financier. Bien entendu, les grands prêteurs, dépensiers et spéculateurs n’obtiennent que ce qu’ils méritent. Pourtant, l’administration Bush prépare une invasion.
* Nous prédisons qu’elle aura les mêmes résultats. La Suède — bizarrement — s’est trouvée confrontée à un effondrement financier majeur en 1991. Le gouvernement s’est hâté d’intervenir en organisant un sauvetage. Le coût — si on le transpose à une économie de la taille de celle des Etats-Unis — dépassait les 1 000 milliards de dollars. L’intervention de M. Bush coûtera autant, selon nous. Voire plus.