Par Thomas Chaize (*)
Les arguments pour défendre une hausse du pétrole sont très nombreux, parfois techniques aussi. Ne pouvant ici les citer tous, j’ai pour vous fait un tri pour vous citer ceux qui sont à mon avis les plus importants.
1- Un violent effet de ciseau est en préparation
Selon BP, la consommation de pétrole dans le monde en 2007 était de 85,2 millions de barils par jour et la production annuelle de 81,5 millions de barils par jour — ce qui donne une consommation mondiale annuelle de 31,1 milliards de barils par an.
Pour vous donner un ordre de grandeur, cela correspond à une fois et demie les réserves de pétrole d’Exxon qui est le plus grand groupe pétrolier privé au monde. Exxon a eu besoin d’un siècle pour construire ces réserves.
La situation au début du XXe siècle était une abondance de pétrole pour une faible consommation. Puis, petit à petit, le monde est devenu dépendant du pétrole.
Aujourd’hui, nous sommes dans la situation inverse : la production est déclinante et la demande est en forte progression (je me place ici sur la tendance long terme ; la crise actuelle n’est pour moi qu’une pause temporaire dans cette tendance de fond haussière).
La croissance de la population mondiale et le développement des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) font que la demande mondiale de pétrole reste sur une pente ascendante alors que la production elle n’est plus très loin d’une pente stagnante, voire déclinante.
Depuis1998, l’écart entre production et consommation a une certaine tendance à se creuser. A cette époque (1998/1999) le prix du baril de pétrole touchait un point bas à 12 $. Il est ensuite monté de façon plus ou moins continue jusqu’à 147 $ en 2008. Ce n’est clairement pas un hasard. La montée en puissance du cours est directement liée au creusement de l’écart.
Pour que le prix du baril reparte durablement dans sa zone basse en dessous de 40 $, il faudrait que la production soit durablement au dessus de la demande. Ce que nous vivons actuellement est une baisse temporaire de la demande, ce n’est pas une période de surproduction de pétrole comme cela a été le cas avant 1999. C’est très différent.
En résumé : la crise que nous vivons actuellement annule temporairement l’écart entre offre et demande. Dès que nous sortirons de la crise, l’écart se creusera à nouveau. Voilà pourquoi il faut acheter le brut maintenant et le garder en portefeuille en attendant que l’écart entre offre et demande se creuse avec les années.
2- La croissance des BRIC va soutenir la demande de pétrole
La croissance a besoin d’énergie et les pays en voie de développement utilisent dans un premier temps le charbon et ensuite se tournent vers le pétrole. C’est précisément à cette étape que se situent aujourd’hui la Chine, l’Inde et leurs 2,4 milliards d’habitants. Sachant qu’un Indien consomme un baril de pétrole par an, qu’un Chinois en consomme deux, alors qu’un Allemand en consomme 10 et un Américain 25, on se rend compte à quel point le potentiel de croissance de la demande en pétrole de la Chine et de l’Inde est significatif.
Dit autrement, un Américain consomme 12 fois plus qu’un Chinois et 25 fois plus qu’un Indien ! Pouvez-vous imaginer le potentiel de rattrapage et la tension sur la demande dans les années à venir ?
Sachez que ces dernières années, la consommation de pétrole des pays développés s’inscrit dans une tendance légèrement baissière. En revanche, celle des BRIC fait plus que compenser cette baisse puisqu’elle tire la demande globale vers le haut.
3- Les réserves de l’OPEP sont surévaluées
La mise en place de quotas de production par les membres de l’OPEP au début des années 80 a produit une soudaine inflation des réserves les années suivantes. L’idée est la suivante : les quotas de production que s’attribuent les pays de l’OPEP entre eux dépendent de leur niveau de réserves. Plus le pays a de réserves, plus il a droit de produire de pétrole.
Inutile de vous dire que les années qui ont suivi la mise en place des quotas, les membres de l’OPEP ont publié des augmentations de réserves substantielles, sans aucunes réelles découvertes importantes pour justifier cette importante réévaluation. Le seul objectif de la manoeuvre était d’obtenir des quotas de production plus importants. Le souci, c’est que nous prenons leurs chiffres pour argent comptant.
Mais il faut appréhender les chiffres annoncés par l’OPEP avec une grande prudence et bien avoir en tête que les réserves publiées sont surévaluées. Ce qui ne peut que rapprocher un peu plus encore la date du pic de production mondial et les tensions sur les cours qui s’en suivront.
4- L’Arabie Saoudite, pièce maîtresse sur l’échiquier pétrolier, vacille
L’Arabie Saoudite a le plus de marge de production supplémentaire parmi les membres de l’OPEP, elle sert en quelque sorte de tampon entre l’offre et la demande mondiale de pétrole depuis des années. Ce qui en fait un pion stratégique sur l’échiquier pétrolier international
Or nous pourrons de moins en moins compter sur l’Arabie Saoudite, principal producteur et source de capacités supplémentaires de production, pour répondre à la hausse à venir de la demande.
En effet, la production de pétrole ne fonctionne pas comme une simple installation de plomberie. Demander plus à des puits de pétrole à court terme est très dommageable pour leur exploitation à long terme. De nombreuses voix s’élèvent pour signaler que de ce point de vue là, les champs de l’Arabie Saoudite sont très mal en point, et que le taux de récupération des gisements risque d’être plus faible que prévu.
Le niveau actuel de production de l’Arabie Saoudite est très proche de son maximum de 1980 et 1981, au moment de la précédente hausse des prix du pétrole dans la zone des 100 $ (corrigée de l’inflation).
Mais il y a une grande différence entre 1980 et 2008 : en 1980, l’Arabie Saoudite a produit au maximum pour palier à la disparition brutale de 10% de la production mondiale suite à la guerre Iran-Irak, troisième et quatrième producteurs mondiaux de pétrole.
En 2008, il n’y a pas eu de baisse brutale de l’offre comme en 1980, il y a tout simplement un problème structurel d’insuffisance de l’offre par rapport à une demande qui s’inscrit en hausse tendancielle.
Nous comptons beaucoup sur l’Arabie Saoudite pour ouvrir les vannes en cas de tension. Trop. Nous pourrions, une fois sortis de la crise économique, avoir une désagréable surprise quant à sa capacité à répondre à la demande croissante de brut.
Nous verrons la suite dès demain…
Meilleures salutations,
Thomas Chaize
Pour la Chronique Agora
(*) Spécialiste des matières premières, le docteur Thomas Chaize est reconnu aux Etats-Unis aussi bien qu’en France. Il a beaucoup publié outre-Atlantique, notamment sur des sites aussi prestigieux que GoldEagle, 321Gold, 321 Energy, SilverSeek…
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