▪ Après des performances spectaculaires la semaine dernière, les marchés ont une fois de plus succombé aux assauts spasmodiques d’un optimisme illusoire, ponctué par des moments épouvantables de dégoût de soi.
Cela fait plaisir de les voir revenir à leur bon vieux comportement bipolaire.
Souvenons-nous des paroles pleines de sagesse d’Eric Fry :
« Les entités en faillite ont tendance à faire faillite. La Grèce finira par faire faillite ».
« Avec elle, suivront quelques autres membres de la cordée. Peut-être cette liste comprendra-t-elle ‘seulement’ quelques PIIGS. Peut-être comprendra-t-elle l’euro lui-même. Le temps nous le dira ».
Quelle différence d’une semaine à l’autre ! Le temps nous le dit bien. Cette semaine, nous avons appris l’aggravation — prévisible — de la situation en Grèce, figure emblématique européenne de l’insolvabilité sans espoir.
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Lu dans un article : « mardi, les navires grecs ont été retenus à quai et les ordures jonchaient les rues d’Athènes. Pendant ce temps les travailleurs en colère font monter en pression. On s’attend en effet à ce que la ‘mère de toutes les grèves’ mette le pays à l’arrêt en signe de protestation contre de nouvelles mesures de hausse des impôts et de réduction des salaires ».
Mercredi, « la mère de toutes les grèves » a débuté, sous l’impulsion de syndicats représentant près de la moitié des quatre millions d’actifs grecs. Elle est prévue pour durer 48 heures, même si nous pouvons difficilement imaginer les manifestants s’arrêter pile à l’heure vendredi, au beau milieu de ce qui serait autrement un agréable week-end de cinq jours.
Toujours prêts à saisir la moindre occasion pour ne pas travailler, certains manifestants ont déjà commencé à débrayer, dont les éboueurs, les journalistes et les employés portuaires. Et –pouvez-vous y croire cher lecteur ? — les employés des impôts (les employés des impôts !) se préparent également à faire grève. Certains ont même été repérés ces derniers jours à ne pas voler le peuple !
Naturellement, sans accès au « revenu » des impôts, le gouvernement grec ne peut tenir les promesses d’aides sociales qu’il a faites à tous ces gens qui font semblant de travailler. Comment un Etat peut-il redistribuer les biens volés lorsque les voleurs eux-mêmes se mettent en grève ? Réponse : il ne le peut pas.
Ahh… Je plains ce pauvre Premier ministre, George Papandréou. Il est pris entre l’enclume des demandes de la part des prêteurs internationaux et le marteau des troubles sociaux qui pèsent sur le pays. Pas de chance Georgie ! Voilà à quoi se résume la politique ; promettre plus qu’on ne peut donner, manquer à quasiment toutes ses promesses puis traiter les problèmes de façon insuffisante et inefficace avec les conséquences qu’on connaît. C’était pourtant spécifié sur l’offre d’emploi. Cela fait partie intégrante du projet dans sa globalité, un projet qui laisse la Grèce — aujourd’hui — et le reste des Etats-Providence — au final — sans le sou et malchanceux.
▪ Naturellement, il est facile de se moquer de la Grèce. C’est pourquoi nous le faisons. En outre, nous attendons avec impatience de voir le marché grec s’effondrer. Cela fait des années que nous n’avons pas pu nous payer des vacances dans les îles pour pas cher. Trop de bourlingueurs aisés des autres PIIGS font monter les prix. Heureusement, ils ne perdent rien pour attendre.
A l’époque où l’euro fut introduit, tout le monde pensait pouvoir frauder un peu à la marge. Les commerçants espagnols ont augmenté leurs prix. Les hommes politiques italiens ont promis à leurs travailleurs plus de bénéfices qu’ils ne le valaient. Les Irlandais ont acheté des maisons plus grosses que ne leur permettait leur budget et les Portugais… Eh bien, ils en ont eux aussi profité, contractant une dette combinée (du gouvernement, des entreprises et des ménages) égale à 363% du PIB — en espérant silencieusement que leurs cousins du nord-est ne le remarqueraient pas. Autrement dit, la situation a échappé à tout contrôle. A présent, les marchés méditerranéens implorent une correction… et nous serons heureux de la voir appliquée.
La Grèce ne sera sans doute que la partie émergée de l’iceberg. Avec un PIB d’environ 320 milliards de dollars, l’économie grecque représente moins d’un quart de l’économie espagnole (1400 milliards de dollars) qui, elle-même, ne représente qu’environ deux-tiers de celle de l’Italie (2100 milliards de dollars). La France pèse 2650 milliards de dollars, l’Allemagne 3300 milliards de dollars. Tous ces pays ont des problèmes.
Standard & Poor’s a dégradé la note de 25 grandes banques et institutions financières italiennes, citant des « tensions de marché » renouvelées et de moins bonnes perspectives de croissance économique. Selon Reuters, Moody’s a averti qu’elle pourrait « revoir à la négative la perspective sur la note AAA de la France au cours des trois prochains mois si les coûts du soutien à son système bancaire ou à d’autres membres de la Zone euro augmentent trop son budget ».
Où nous conduira ce chemin semé de dettes ? « Nul homme n’est une île, complète en soi », a écrit le poète anglais John Donne. « Tout homme est fragment du continent, une partie d’un tout. Si un bout de terre est emporté par la mer, l’Europe en est amoindrie ».
Ce passage, naturellement, est tiré du poème « Pour qui sonne le glas »… et aujourd’hui, la réponse à cette question n’est guère difficile à trouver.