** "Pssst… on s’évade… ce sera samedi soir… faites passer…"
* Oui, cher lecteur… nous mettons les bouts. Nous n’allons pas laisser ces barreaux de prison nous arrêter. Une génération entière d’investisseurs américains est en train d’être engraissée pour l’abattoir… et nous n’en ferons pas partie.
* Les nouvelles économiques nous disent que les choses empirent. Alcoa a annoncé le licenciement de 13 500 employés. Partout dans le monde, les entreprises suppriment d’anciens postes ou n’en créent pas de nouveaux. La majeure partie du chômage ne fait pas les gros titres — du moins pas avant d’être douloureuse pour les sans-emplois. Les petites entreprises n’annoncent pas leurs licenciements. Pas plus qu’on n’envoie de communiqué de presse lorsque le garage du coin décide de ne pas engager un nouveau laveur de pare-brises.
* Après les pires ventes de voitures depuis un demi-siècle, Toyota déclare la fermeture de son usine durant 11 jours.
* Et un chiffre publié mardi indique que les faillites de consommateurs ont grimpé de 33% l’an dernier. Pourtant, le krach s’est produit à la fin 2008 ; les suppressions d’emploi n’ont vraiment commencé qu’au quatrième trimestre. Les gens n’avaient pas le temps de régler les questions de paperasse. Cette année, les chiffres des faillites devraient vraiment grimper en flèche.
* Probablement que les Américains ignorent encore ce qui se passe. Enfin quoi… leurs dirigeants conduisent tous phares éteints… pourquoi est-ce que le lumpenconsommateurs n’en ferait pas autant ? Les gens ne semblent pas trop endoloris par ce qui leur est arrivé en 2008. Ils espèrent encore que le nouveau gouvernement trouvera le moyen de réparer tout ça. Oui, ils prévoient de réduire leurs dépenses et d’épargner de l’argent… mais ils n’ont pas la moindre idée de la manière dont leurs tentatives de frugalité — multipliées par des millions d’autres citoyens — affecteront l’économie.
* La société Levy Forecasts, qui avait généralement raison sur le krach financier, déclare à présent que "les dégâts dans l’économie accélèreront rapidement la crise financière". En d’autres termes, le krach financier cause un krach économique… qui provoquera un krach financier pire encore.
** Les profits sont réalisés sur la marge. La majeure partie des ventes ne font que couvrir les coûts. C’est l’acheteur marginal supplémentaire — de préférence celui qui dépense son épargne, plutôt que son salaire — qui permet aux entreprises de faire des profits. Au niveau macroéconomique, les salaires sont un coût pour l’entreprise. Lorsqu’une personne dépense son salaire, l’entreprise ne fait que récupérer l’argent versé en coûts de main-d’oeuvre. Mais lorsque cette personne dépense son épargne, cet argent devient un profit.
* Qui va dépenser son épargne en 2009 ? Qui va dépenser tout court ? Voilà pourquoi les profits des entreprises chuteront plus durement que le soupçonnent la plupart des gens. Le chômage grimpe plus vite que la plupart des gens s’y attendent. Et les actions baissent plus que la plupart des gens le prévoient.
* Un sondage de Barron’s auprès des "meilleurs stratégistes" de Wall Street nous dit que le consensus s’attend à voir les prix des actions grimper de 18% en 2009. Mais cette déclaration vient de ceux-là mêmes qui pensaient que les cours allaient grimper en 2008 aussi — plutôt de que de s’effondrer de 35% à 40%.
** A la Chronique Agora, nous sommes de l’avis des frères Levy. Nous pensons que les actions vont rebondir… puis s’effondrer à nouveau, terminant l’année sous le niveau auquel elles l’ont commencé.
* Il ne fait pas de doute que l’économie américaine vient d’entrer dans une baisse majeure… probablement un ralentissement générationnel — c’est-à-dire durant lequel les erreurs d’une génération entière seront corrigées.
* Que voulons-nous dire par là ? Eh bien, depuis les premiers jours de la première administration Reagan, les Américains ont construit des barricades pour se confiner, et forgé des chaînes pour les enrouler autour de leurs propres chevilles. Ils ont construit des voitures et des maisons demandant plus d’énergie — alors que le coût de l’énergie augmentait. Ils se sont habitués à un mode de vie coûtant environ 10% plus cher que ce qu’ils gagnent. Ils ont commencé à penser que les maisons et les actions grimperaient chaque année… et que les étrangers leurs prêteraient éternellement de l’argent. Eh bien… vous savez ce qui s’est passé. Chaque maillon a été chauffé à blanc dans la fournaise des illusions de masse puis martelé sur l’enclume des désirs qu’on prend pour des réalités — et pendant tout ce temps, les autorités les encourageaient !
* A présent, les Etats-Unis doivent traîner leurs lourdes chaînes de dette… de la dette privée sous toutes ses formes — prêts hypothécaires, prêts étudiants, cartes de crédit, prêts commerciaux, private equity, prêts relais…
* L’an dernier, tout à coup, cette dette est devenue si lourde que les malheureux débiteurs ont commencé à plier. Les prêteurs ont regardé autour d’eux, s’inquiétant non du retour sur investissement mais du retour DE l’investissement. Dans de nombreux cas, il semblait qu’ils ne récupèreraient jamais leur argent. C’est ce qui a causé la "crise du crédit" : les prêteurs ont fermé leur porte-monnaie à tous les emprunteurs — sauf un, le seul emprunteur 100% certain de vous rembourser l’argent quand vous en avez besoin, le gouvernement américain. Résultat, les obligations et l’or sont les deux seules classes d’actifs ayant grimpé l’an dernier. Les gens ont acheté des bons du gouvernement américain pour se protéger de l’implosion de la dette privée. Et ils ont acheté de l’or pour se protéger des obligations gouvernementales.
* Nous nous rappelons les dindes de Nassim Taleb. Jusqu’à Noël, explique-t-il, la dinde vit bien. La nourriture arrive tous les jours, et tous les jours, l’animal engraisse et grandit. Puis, un jour… sans avertissement… arrive le couteau… le krach… l’effondrement… la discontinuité… l’événement qui changera tout dans la vie de la dinde.
* "Voilà pourquoi il faut étudier l’histoire", déclare Elizabeth, qui étudie l’histoire du XVIIIe siècle français en maîtrise à la Sorbonne. "Si les dindes avaient étudié l’histoire, elles auraient peut-être été averties. Début décembre, elles auraient pu commencer à chuchoter entre elles dans la basse-cour : ‘c’est un piège… nous allons toutes être rôties… l’évasion est prévue pour demain soir… faites passer‘… Ensuite, quelques volatiles auraient pu simuler une dispute, et les autres se seraient précipités pour forcer la porte. Au lieu de ça, elles ne savaient pas ce qui les attendaient, et se sont faites couper le cou".
* Les histoires de la finance ne manquent pas, qu’elles soient orales ou écrites. Mais les investisseurs n’y font pas attention. Une génération de dindes apprend, la suivante oublie. L’une gagne de l’argent ; l’autre le perd. Chaque génération doit se faire couper le cou de la manière qui lui est propre.